«Chaque fois que le gouvernement prenait une initiative importante, avant qu’elle soit rendue publique, je l’en entretenais», se souvient Jacques Santer. (Photo: Mike Zenari)

«Chaque fois que le gouvernement prenait une initiative importante, avant qu’elle soit rendue publique, je l’en entretenais», se souvient Jacques Santer. (Photo: Mike Zenari)

À la veille des funérailles nationales, l’ancien Premier ministre, Jacques Santer, évoque ses souvenirs du Grand-Duc Jean. Un monarque aussi discret qu’influent au moment de la reconversion économique d’un pays sur lequel il a régné «en bon père de famille».

«Son règne a été très important pour le pays.» Visiteur régulier du lorsqu’il était Premier ministre de 1984 à 1995, Jacques Santer (CSV) n’hésitait pas à informer le chef de l’État de l’époque de l’avancée des dossiers en cours. A fortiori lorsque ceux-ci étaient stratégiques.

«Il ne faut pas oublier que nous étions à la croisée des chemins, se souvient Jacques Santer. Le pays a dû être reconstruit après la Seconde Guerre mondiale, puis sont venus en quelque sorte les Trente Glorieuses avant une phase de crise économique et de reconversion durant le règne du Grand-Duc Jean.»

Sous son règne, nous avons réussi à créer un État moderne avec un visage social.
Jacques Santer

Jacques Santerancien Premier ministre

Lorsqu’il succède le 12 novembre 1964 à sa mère, la Grande-Duchesse Charlotte, le monarque ignore que le pays va connaître, à partir du milieu des années 70, la crise d’une sidérurgie qui lui avait tant apporté.

«En cette période difficile, il a su mobiliser les forces vives de notre communauté pour faire en sorte que notre pays se dirige vers de nouvelles voies, ajoute Jacques Santer. On peut dire que, sous son règne, nous avons réussi à créer un État moderne avec un visage social.»

Un intérêt pour la politique

Entre le souverain et le Premier ministre, les rôles étaient clairement définis par la constitution. Mais les deux hommes qui conduisaient aux destinées du pays échangeaient de façon régulière.

«Le Grand-Duc Jean ne se mêlait évidemment pas de la gestion et de la gouvernance quotidiennes, mais il s’intéressait de près à la politique et au gouvernement, note Jacques Santer. Il nous soutenait toujours, même lorsqu’il fallait prendre des décisions délicates, voire engager l’État, comme lorsque nous avons lancé le premier satellite de ce qui allait devenir l’aventure SES. Chaque fois que le gouvernement prenait une initiative importante, avant qu’elle soit rendue publique, je l’en entretenais.»

Pour l’ancien Premier ministre, le Grand-Duc Jean était aussi un soutien précieux et indéfectible face aux chefs d’État étrangers qui, déjà, commençaient à jalouser le «petit» Luxembourg qui réussissait là où d’autres peinaient à sortir de la crise.

Et au moment de partir à Bruxelles pour la présidence de la Commission européenne en 1995, Jacques Santer avait certifié au chef de l’État que sa succession était assurée, avec un certain :

Une page qui se tourne

En apprenant , Jacques Santer s’est rappelé les moments forts auprès du souverain, d’abord comme ministre de Pierre Werner entre 1972 et 1974, puis en tant que Premier ministre.

«J’ai dû coordonner les funérailles de sa mère, la Grande-Duchesse Charlotte, en 1985, ajoute Jacques Santer. Elle incorporait véritablement l’esprit luxembourgeois, et le Grand-Duc Jean a poursuivi dans cette logique. On comprend pourquoi  à quelqu’un qui a toujours montré sa proximité avec ses concitoyens, tant durant la guerre qu’en tant que chef scout.»

Un monarque qui aura régné jusqu’en 2000, avec discrétion selon certains. Ce que l’ancien chef du gouvernement nuance: «À l’occasion d’un discours prononcé pour le 25e anniversaire de son règne, je me souviens lui avoir dit qu’il gérait le pays non seulement en bon père de famille, mais aussi en bon père de notre patrie.»

Avec la disparition du Grand-Duc Jean, Jacques Santer voit aussi une partie de son histoire politique se refermer. «On ne peut s’empêcher de ressentir une certaine tristesse. J’ai toujours apprécié sa noblesse de cœur et d’esprit. J’ai passé toute ma vie politique sous son règne.»