Votre employeur peut-il vous licencier s’il découvre que vous avez une maladie grave, après la cyberattaque de votre hôpital? Non, selon des avocats spécialisés en droit du travail. (Photo: ministère de la Santé/Archives)

Votre employeur peut-il vous licencier s’il découvre que vous avez une maladie grave, après la cyberattaque de votre hôpital? Non, selon des avocats spécialisés en droit du travail. (Photo: ministère de la Santé/Archives)

Un employeur qui apprendrait, à la suite de la cyberattaque d’un hôpital luxembourgeois, que son salarié a de graves soucis de santé ne pourrait pas le licencier. Il aurait cependant la possibilité de demander un examen à la médecine du travail sur son aptitude au poste. 

De l’autre côté de la frontière, les hôpitaux de Vivalia en Belgique se retrouvent encore, en grande partie, bloqués suite . Et si cela arrivait au Luxembourg et que les données de santé de salariés venaient à fuiter? Un employeur peut-il licencier un employé s’il apprend que celui-ci lui a caché une maladie grave? Paperjam a posé la question à deux avocats spécialisés en droit du travail.

Est-ce que le salarié a l’obligation de prévenir son employeur en cas de grave souci de santé?

«Non», affirment les avocats spécialisés en droit du travail, Me Nadia Chouhad et . «Cela relève de la vie privée.»

Et lorsqu’il est au courant de cette maladie avant l’embauche?

Là non plus, s’accordent les deux avocats. La question ne peut pas non plus être posée lors de l’entretien d’embauche, complète Me Nadia Chouhad.

«C’est la raison pour laquelle le Code du travail prévoit l’examen médical obligatoire», précise Me Guy Castegnaro. «À l’issue de cet examen, le médecin déclare le salarié apte ou inapte pour le poste, sans donner plus de précisions à l’employeur quant à l’état de santé du salarié. S’il n’est pas apte et que son contrat de travail a déjà commencé à courir, il sera résilié automatiquement sans intervention de l’employeur.»

Certains salariés doivent simplement remplir un questionnaire. Que se passe-t-il s’ils n’y inscrivent pas certains antécédents?

«Si, demain, il arrive quelque chose au salarié dans l’exercice de son poste et que l’on découvre des antécédents qu’il avait cachés, on ne pourra pas tenir l’employeur pour responsable», répond Me Nadia Chouhad.

Est-ce que l’état de santé peut être une condition à l’embauche?

«Il y a des métiers qui nécessitent un effort physique intense, des postes à risque, comme les pilotes d’avion», admet Me Nadia Chouhad. Dans ce cas, des tests physiques sont effectués par un médecin.

L’employé qui apprend un problème de santé après son embauche ne doit pas prévenir son employeur. Mais doit-il prévenir la médecine du travail, notamment dans le cas d’un poste à risque?

«Soit il est en maladie et ne peut pas travailler. Soit il n’est pas malade», raisonne l’avocate. «Peut-être qu’il a reçu une information, dans ce cas, c’est à lui de prendre ses dispositions pour aller faire des examens ou se mettre en incapacité de travail s’il doit suivre un traitement. Encore une fois, il n’a aucune obligation d’informer son employeur.»

Revenons à l’exemple de cyberattaque d’un hôpital. Si un employeur apprend de cette manière que l’un de ses salariés souffre d’une maladie grave, pouvant jouer sur sa présence au bureau ou ses capacités, peut-il le licencier?

Non, selon les deux avocats. Ce serait de la «discrimination», pour Me Nadia Chouhad. Cependant, «s’il s’avère qu’il pourrait être inapte au poste, il suffit à l’employeur de faire réexaminer le salarié auprès du médecin du travail».

Et s’il est devenu inapte au poste?

La première option serait un reclassement en interne. «S’il n’y a pas de poste adapté, on parle de reclassement externe. Le contrat prend fin et le salarié retourne sur le marché du travail», détaille l’avocate. Il devient alors «demandeur d’emploi. Il bénéficiera des rémunérations d’une personne reclassée et l’Adem devra trouver des postes qui lui sont adaptés», sauf s’il est en incapacité de travail.

Qu’en est-il d’un employeur qui apprendrait, de cette manière, qu’une salariée est enceinte?

L’employeur ne peut licencier une personne parce qu’elle est enceinte. Mais pour être protégée contre un tel licenciement, celle-ci doit avoir fourni à son employeur un certificat médical qui confirme son état de grossesse. Il n’y a pas de date limite, «plus vite elle le fait, plus vite elle est protégée», conseille Me Nadia Chouhad. Si son employeur la licencie (pour une autre raison) avant qu’elle n’ait eu le temps de lui transmettre l’information, elle a cependant huit jours pour lui transmettre le certificat médical. «Dans ce cas, le licenciement est annulé sans préjudice pour l’employeur.» Et si l’employeur refuse d’annuler le licenciement, la personne enceinte a encore «15 jours pour saisir le tribunal et demander la nullité du licenciement».

Si un salarié, toujours apte au poste, informe son employeur de nombreuses absences à venir en raison d’un souci de santé, son employeur peut-il le licencier?

«Le salarié a le droit de s’absenter pour raisons de santé, absences couvertes par des certificats médicaux», explique Me Guy Castegnaro. Il reste alors «protégé pendant 26 semaines d’absence ininterrompue pour maladie». Ensuite, l’employeur a «en principe le droit de licencier le salarié, à condition que l’absence perturbe le bon fonctionnement de l’entreprise et qu’il ne puisse plus compter sur la présence ou le retour du salarié». Là encore, le salarié pourrait être déclaré «inapte par le médecin du travail», et donc, reclassé.

Et dans la sphère privée? Que peut faire une compagnie d’assurances par exemple, qui apprendrait, après une fuite de données, qu’un client lui a menti sur son état de santé lors de la signature d’un contrat?

«Il faut voir comment l’assurance a obtenu cette information», expose Me Nadia Chouhad. Si elle est responsable de la cyberattaque, ce sont des «moyens illégaux». Si elle a reçu ces informations sans les chercher, «il y aurait un débat», puisqu’elle n’a pas utilisé de moyens illégaux pour les obtenir, mais il s’agit toujours de documents divulgués illégalement. En tout cas, la compagnie d’assurances a «la possibilité d’ouvrir une enquête et de remettre en question le contrat d’assurance. Elle ne va pas utiliser l’information, mais demander à la personne de faire des examens.» La personne qui a fraudé risque «une annulation du contrat, le paiement d’indemnités si elle a reçu des primes dans ce contexte», ou encore des peines allant d’amendes à un emprisonnement «selon la gravité et si l’assureur porte plainte».

Que ce soit au travail, auprès de sa banque ou même de ses proches, la personne qui subit un préjudice à la suite de la divulgation de ses données de santé peut-elle se retourner contre l’hôpital?

«Au niveau de la loi, l’hôpital serait responsable du préjudice», assure l’avocate. Dans le cas de quelqu’un qui aurait fraudé auprès de sa banque ou compagnie d’assurances, la question du préjudice se pose. «Dans tous les cas, la personne pourrait porter plainte contre l’hôpital pour violation des données, manque de sécurisation.» Pour Me Nadia Chouhad, c’est à l’hôpital, en cas de fuite des données, de «prévenir la personne concernée et faire le nécessaire pour ne pas qu’elle subisse de préjudice».