Sandra Crowl est stewardship director chez Carmignac. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Sandra Crowl est stewardship director chez Carmignac. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Chez Carmignac, un investissement ESG doit être «un investissement responsable et à long terme», explique Sandra Crowl, stewardship director. «Et un investissement qui prend en compte les opportunités et les risques liés aux questions ESG.» Une philosophie qui se traduit sur le terrain par une approche tout à la fois transversale et verticale.

La démarche de sélection des valeurs repose, chez Carmignac, sur trois piliers.

Le premier est celui de l’exclusion. «Nous ne souhaitons pas investir dans des entreprises pour lesquelles nous pensons qu’il n’y a pas d’avenir. Des entreprises dont les activités sont, selon nous, néfastes pour la société et l’environnement et où il n’apparait que peu de possibilités de transformation ou d’évolution.» Nommément le tabac – secteur où Carmignac n’a jamais investi –, les armes controversées, les divertissements pour adultes et le charbon. Sur ce dernier point, considérant que certains pays émergents ont encore besoin du charbon pour produire de l’énergie, l’exclusion peut être relative au nom de la transition énergétique. Mais alors, des limites sont fixées sur le niveau de production de ces acteurs. Tout comme pour le secteur des centrales électriques, les gérants de Carmignac vérifient que les niveaux d’émissions de carbone soient alignés avec les objectifs de l’Accord de Paris.

«L’exclusion est un pilier évident pour tout investisseur responsable.»

Mais il n’est pas le seul. «Il ne faut pas compter juste sur les exclusions. Exclure une société énergétique fortement émettrice ne permettra pas d’arriver au net zéro d’ici 2050. Il faut accompagner les mauvais élèves pour les transformer.»

Filtrage positif

Le deuxième pilier de la méthode Carmignac, «c’est d’aller chercher les entreprises qui ont une contribution positive pour l’environnement ou bien pour la société.» Des impacts appréhendés via le prisme des Objectifs de développement durable des Nations-Unies (ODD). Si sur les 17 ODD tous ne sont pas investissables, poursuit Sandra Crowl, neuf ont été jugés pertinents pour être intégrés au processus. Plus de la moitié des portefeuilles de la société de gestion doivent être investis dans des sociétés dont la moitié du chiffre d’affaires provient d’activités conformes aux préceptes des ODD. «De cette manière, nous sommes en mesure de proposer à nos clients qui recherchent un impact social et environnemental d’investir dans les sociétés capables d’offrir des solutions et des technologies pour relever les plus grands défis de développement durable auxquels notre monde est confronté. C’est un filtrage positif».

Le troisième pilier, c’est celui de l’engagement actionnarial. «Nous sommes très impliqués dans le dialogue avec les sociétés. Notre objectif est de participer à 100% des votes en assemblée générale. L’année dernière, c’était 95% et l’année d’avant, 97%. Afin d’éviter les votes sanction, nous communiquons en direct avec les directions, ce qui permet également d’influencer les entreprises à améliorer leurs pratiques dans la durée.»

«Avec ces trois piliers transversaux et complémentaires, nous essayons de créer un univers d’investissement positif», résume Sandra Crowl.

Start, l’outil propriétaire

À côté de ces piliers, Carmignac s’est doté, en 2020, d’un outil propriétaire de recherches ESG baptisé Start (System for Tracking and Analysis of a Responsible Trajectory). Un logiciel propriétaire agrégeant les données des principaux fournisseurs du marché et combinant à cela les analyses approfondies des équipes d’investissement. Pour Sandra Crowl, «le plus grand problème pour investir de manière responsable, c’est la difficulté à obtenir les bonnes données». Avec Start, l’idée n’est pas de se substituer aux gestionnaires et aux analystes maison, mais d’utiliser cet outil propriétaire afin d’affiner leur vision et de les aider à identifier les risques ESG potentiels, tout en identifiant les contributions positives des entreprises sur la société et l’environnement.

Le logiciel compte 31 indicateurs ESG. Les entreprises sont classées en fonction de ces indicateurs dans des groupes homogènes. «Pas question de comparer des entreprises de pays développés avec des entreprises de pays émergents. Les problématiques et les dynamiques sont très différentes. De même, pas question de comparer des sociétés à grande capitalisation avec des entreprises de petite capitalisation. Les enjeux prioritaires varient fortement d’un secteur à l’autre». Au sein de cet outil, chaque entreprise se verra attribuer un score ESG.

Comme pour les entreprises, nous cherchons à investir dans des pays qui mettent en place des solutions pour s’améliorer.
Sandra Crowl

Sandra Crowlstewardship directorCarmignac

Un mauvais score n’est pas forcément éliminatoire. Les gérants de Carmignac prennent également en compte le momentum et la trajectoire.

Si Start a été, à ses débuts, focalisé sur les actions des sociétés et sur la dette privée, l’outil intègre désormais les dettes souveraines. «Nous attribuons des notes aux pays – une centaine actuellement – en fonction de critères ESG. 84 indicateurs ont été définis et les données viennent d’institutions internationales comme le FMI, la Banque mondiale ou encore d’ONG reconnues. Comme pour les entreprises, nous cherchons à investir dans des pays qui mettent en place des solutions pour s’améliorer. Une amélioration qui se reflétera à moyen-long terme dans la réduction de la dette, de son coût et par une hausse du bien-être des citoyens.»

Toute cette mécanique ne signifie pas que la question de la valorisation passe au second plan. L’engouement pour les valeurs durables a fait monter leurs valorisations. «Pour les tenants d’une gestion active comme nous, la valorisation et la croissance future sont les clés de l’investissement. Plus particulièrement la croissance par les bénéfices récurrents, la croissance du retour sur investissement et le niveau d’endettement.»

Engagement interne

L’engagement responsable est aussi une valeur interne pour Carmignac. «Il est important pour nous en tant qu’investisseur, mais aussi en tant que société indépendante, d’agir et de mener le débat, de pratiquer ce que l’on prêche.»

Au quotidien, la firme compense toutes ses émissions carbone. Qu’elles relèvent du Scope 1 (les émissions directes), du Scope 2 (les émissions indirectes liées aux consommations énergétiques) ou du Scope 3 (les émissions indirectes liées aux consommations énergétiques comme les voyages). Pour le pilier social, Carmignac s’est engagé dans une politique de formation continue de ses employées, tant dans le domaine des compétences métiers que des compétences humaines et comportementales.

Enfin, sur le volet gouvernance, la firme met en avant un modèle entrepreneurial: «un modèle qui permet une grande indépendance et favorise les débats en interne».

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Finance, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.