Selon le régulateur financier européen, une mise en œuvre divergente des règles ESG favoriserait l’écoblanchiment. (Photo: Shutterstock)

Selon le régulateur financier européen, une mise en œuvre divergente des règles ESG favoriserait l’écoblanchiment. (Photo: Shutterstock)

Non seulement le dérèglement climatique, mais aussi l’engouement des investisseurs pour les produits ESG met la pression sur les régulateurs pour encadrer la décarbonisation de l’économie. L’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) vient donc de publier sa stratégie visant à lutter contre l’écoblanchiment. 

Alors que la lutte contre le blanchiment d’argent se cherche encore un modèle réglementaire commun au niveau européen, l’autorité européenne des marchés financiers (ESMA) se prépare déjà à la lutte contre l’écoblanchiment – aussi appelé «greenwashing». L’ESMA constate que la demande croissante d’investissements ESG et l’évolution rapide des marchés en la matière laissent de plus en plus d’espace à des abus.

Faire progresser l’agenda de la durabilité est crucial pour l’ESMA, notamment parce que les préférences des investisseurs évoluent vers des produits financiers respectueux de l’environnement et que l’Union européenne s’efforce de respecter ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique.
Verena Ross

Verena RossprésidenteAutorité européenne des marchés (ESMA)

L’ESMA a donc publié une feuille de route sur la finance durable dans laquelle elle place les bases de sa stratégie pour s’attaquer à l’écoblanchiment. «Faire progresser l’agenda de la durabilité est crucial pour l’ESMA, notamment parce que les préférences des investisseurs évoluent vers des produits financiers respectueux de l’environnement et que l’Union européenne s’efforce de respecter ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique», indique Verena Ross, présidente de l’ESMA.

Toute bonne stratégie doit avant tout porter sur une analyse de l’objectif à atteindre. Dans le cas présent, l’ESMA note que l’écoblanchiment constitue «un problème complexe et multiforme qui a différentes causes et peut avoir un impact négatif sur les investisseurs». Afin de protéger les investisseurs, l’ESMA s’est donc lancée dans une analyse approfondie du problème.

Toute la chaîne d’investissement impactée

Sans distinction de l’intentionnalité de l’action ou de l’omission, le régulateur européen considère le greenwashing comme une pratique de marché visant à ne pas refléter correctement le profil durable d’un émetteur, d’un instrument ou d’un produit financier. Une telle manipulation entraîne alors un préjudice potentiel pour l’investisseur souhaitant allouer une partie de ses ressources à des investissements durables.

L’écoblanchiment étant souvent identifié comme une fausse représentation ou un étiquetage erroné voire une vente trompeuse, le gendarme des marchés financiers explique que ce ne sont que des symptômes superficiels perçus du point de vue de l’investisseur ultime. «Les causes de l’écoblanchiment peuvent concerner de multiples aspects du fonctionnement de la valeur de l’investissement, affectant parfois les nœuds de cette chaîne bien avant que l’investissement ne soit réalisé», relève la feuille de route. À cet effet, l’ESMA cite l’exemple d’un émetteur qui communiquerait des informations douteuses aux marchés ou d’un fonds d’investissement domicilié dans l’Union européenne disposant de données de mauvaise qualité sur des entreprises incorporées dans des pays tiers.

Inclure les superviseurs nationaux

À l’instar des applications divergentes des règles anti-blanchiment au sein de chaque État membre, l’ESMA souligne qu’un arbitrage réglementaire peut également favoriser le greenwashing. Les différentes règles catégorisant les produits financiers verts au sein du marché unique européen pourraient en effet poser des risques pour la protection des investisseurs. Un manque de comparabilité ou de transparence, voire des ventes abusives, pourraient en découler.

Afin de lutter plus efficacement, l’ESMA attend des régulateurs nationaux qu’ils développent leurs compétences au-delà de leurs domaines d’intervention traditionnels. «La feuille de route est une étape importante pour notre travail sur la finance durable, identifiant le travail prioritaire que nous ferons pour nous assurer que l’ESMA et les superviseurs nationaux prennent des mesures ambitieuses», s’est ainsi exprimée la présidente du régulateur européen.

La feuille de route est une étape importante pour notre travail sur la finance durable, identifiant le travail prioritaire que nous ferons pour nous assurer que l’ESMA et les superviseurs nationaux prennent des mesures ambitieuses.
Verena Ross

Verena RossprésidenteAutorité européenne des marchés (ESMA)

En vue d’accompagner les autorités nationales dans les nouvelles méthodes de surveillance des marchés, l’ESMA s’engage à renforcer ses capacités en matière de finance durable avec un programme de formation pluriannuel et un partage de connaissance entre les superviseurs des États membres. Le régulateur européen mettra également sa puissance d’analyse de données au profit de l’identification des tendances, des risques et des vulnérabilités émergents pouvant compromettre la protection des investisseurs et la stabilité des marchés financiers.