Bruno Allain, analyste senior sur le fonds Quaero Accessible Clean Energy, nous parle de son fonds et de sa stratégie d’investissement. (Photo: Quaero Capital)

Bruno Allain, analyste senior sur le fonds Quaero Accessible Clean Energy, nous parle de son fonds et de sa stratégie d’investissement. (Photo: Quaero Capital)

Le fonds Quaero Accessible Clean Energy veut financer les sociétés qui vont contribuer à rendre les technologies nouvelles d’économie d’énergie et d’énergie propre accessibles au plus grand nombre.

Pour Bruno Allain, analyste senior chez Quaero Capital, nous assistons à un basculement de l’industrie financière vers l’investissement responsable et à une demande croissante pour des stratégies très ciblées. Pour répondre à cette demande, le fonds Quaero Accessible Clean Energy a choisi la thématique d’une énergie propre accessible. L’analyste nous explique les ressorts de cette stratégie.

Parlez-nous de la genèse du fonds Quaero Accessible Clean Energy.

Bruno Allain. – «Le fonds a été lancé il y a plus de 11 ans par Quaero Capital avec un objectif: financer des entreprises dont les technologies permettront au plus grand nombre d’accéder à une énergie décarbonée. Il est géré par Martina Turner, et j’ai moi-même rejoint son équipe il y a six mois. Auparavant, je faisais partie de l’équipe de consultants et d’experts en technologies avec qui Martina travaille depuis le début et qui lui tient lieu de bureau d’analyse.

L’idée de départ a été de financer des sociétés qui allaient contribuer à rendre les technologies nouvelles d’économie d’énergie et d’énergie propre accessibles au plus grand nombre. Comment? Et comment rendre une technologie accessible au plus grand nombre? Dans un premier temps, en investissant beaucoup dans la R&D, pour ensuite profiter des économies d’échelle que l’on attend dès lors qu’une industrie atteint une certaine taille industrielle. La logique du fonds, c’est vraiment ça: trouver des sociétés qui en ont besoin pour faire passer des technologies prometteuses à une échelle industrielle. Ce passage à l’échelle industrielle va faire baisser leurs coûts, et, dès lors, ça va devenir des technologies qui vont pouvoir être reprises, et surtout devenir accessibles au plus grand nombre. 


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Comment sélectionnez-vous les valeurs qui se retrouvent dans votre fonds?

«Le processus de sélection de valeurs est assez original pour un fonds qui se revendique de la gestion active. La plupart des gens qui font de la gestion active vous diront qu’ils font du bottom-up. Nous avons plutôt une approche top-down à la base. C’est-à-dire que l’on regarde avant tout les technologies. C’est pour ça, par exemple, qu’en 2018, le fonds s’est beaucoup exposé au secteur de l’hydrogène, parce que l’équipe de gestion est arrivée à la conclusion que cette technologie allait être très, très importante dans cette transition énergétique.

Plutôt que de partir des sociétés que nous rencontrons à longueur d’année, on fait le cheminement inverse: nous sélectionnons une technologie et nous étudions la chaîne de valeur pour déterminer les bonnes sociétés qui nous permettront d’avoir une exposition à ces technologies.

Ajoutez-vous à cela d’autres biais, comme le niveau de capitalisation ou la géographie?

«Nous sommes très exposés aux sociétés de taille moyenne et large caps, ce qui peut paraître de prime abord contre-intuitif si on considère que beaucoup de sociétés pouvant nous intéresser sont des start-up.

D’un point de vue géographique, si le fonds est global, nous sommes structurellement sous-pondérés sur l’Asie. Non pas parce que la dynamique d’innovation est moindre qu’en Europe et aux États-Unis, mais à cause de notre processus de décision, qui donne un rôle important au corporate access, c’est-à-dire la capacité d’être en relation et en discussion avec les managements des sociétés. Et donc d’éviter tout greenwashing. Ce qui est pour nous plus dur en Asie.

Quelles sont les grandes tendances de marché de l’énergie propre accessible? Où voyez-vous du potentiel?

«Il faut d’abord souligner que 2021 a été une année difficile. On a constaté un fort recul des valorisations sur les marchés, alors que, d’un point de vue opérationnel, la plupart des sociétés ont eu un développement aussi bon, si ce n’est supérieur aux attentes.

Pourquoi? Le marché de l’énergie propre accessible est un marché récent qui a été confronté à deux problèmes qu’il n’avait jamais connus: des problèmes d’approvisionnement et l’inflation. 2021 a été une année qui a vraiment permis de faire une distinction entre les sociétés qui savaient s’adapter à ce nouvel environnement et les autres.

Prenons le cas de l’éolien, un des secteurs qui ont eu les performances financières chères les plus mauvaises l’année dernière. Nous nous sommes désengagés parce que les fabricants de turbines n’arrivent pas à augmenter les prix comme il le faudrait pour protéger leurs marges. Ces acteurs n’ont aucun pricing power.

Le solaire résidentiel est devenu un bloc important d’investissements du fonds.
Bruno Allain

Bruno Allainanalyste seniorQuaero Capital

À l’inverse, le secteur des matières premières ‘critiques’ pour la transition énergétique – du lithium au nickel, en passant par certaines terres rares – a ce pricing power qui les préserve des effets de l’inflation. Nous nous exposons aux sociétés minières sur ce créneau.

Prenons un autre exemple, celui du secteur de l’énergie solaire. Si les opérateurs qui font du solaire pour de grands projets peinent à négocier leurs prix, le solaire résidentiel n’a pas ce problème. Il y a moins de sensibilité sur les prix et, surtout, on a une demande des particuliers en forte hausse. Notamment aux États-Unis, où les particuliers veulent s’affranchir d’un réseau de distribution dans un état catastrophique et où les coupures de courant sont régulières, notamment lors de phénomènes climatiques extrêmes.

Le solaire résidentiel est devenu un bloc important d’investissements du fonds. Pour les autres grands paris du fonds ces prochains mois, il y a le secteur des développeurs qui va profiter des plans publics d’infrastructures dans le solaire ou l’éolien offshore; l’hydrogène, le stockage de l’énergie et l’efficacité énergétique.

Rester attentif aux risques de bulles

Avec le développement de la finance durable et responsable, on assiste à une accélération des investissements. Trop d’argent trop vite dans un secteur n’entraîne-t-il pas des bulles ou le risque de financer des solutions non viables? Et comment vous préservez-vous de ce danger?

«C’est effectivement un facteur de risque majeur. Après l’appréciation de la technologie et l’évaluation de la position de la société sur sa chaîne de valeur, la partie financière de l’analyse, incluant la valorisation, est une part importante de notre travail et de notre appréciation des valeurs. Nous cherchons des sociétés qui sont leaders sur leur activité, qui disposent de technologies éprouvées, qui fonctionnent, et pour lesquelles l’arrivée de financement va être une bonne nouvelle.

Prenons l’exemple d’un marché sur lequel beaucoup d’argent arrive et sur lequel nous ne sommes pas investis: le marché des batteries automobiles. Les projets de méga-usines se multiplient en Europe, et même si nous ne voyons pas de surcapacité à l’horizon, les retours sur investissements restent aujourd’hui incertains. Si on s’intéresse au secteur des voitures électriques, on va préférer aller sur des segments de la chaîne de valeur sur lesquels il y a plus d’intérêts, plus de marges et plus de perspectives. Comme les producteurs de lithium, et notamment de lithium vert, plutôt que sur les fabricants de batteries eux-mêmes, où, là, il y a un risque de surinvestissement.

Pareillement, on ne participe pas beaucoup aux IPO. On préfère voir comment les sociétés arrivent à avoir une technologie mature qui se développe avant de mettre l’argent de nos investisseurs.»