Sophie Casanova est directrice adjointe de la Recherche économique chez Edmond de Rothschild. (Photo: Edmond de Rothschild)

Sophie Casanova est directrice adjointe de la Recherche économique chez Edmond de Rothschild. (Photo: Edmond de Rothschild)

Sophie Casanova, directrice adjointe de la Recherche économique chez Edmond de Rothschild, s’interroge dans sa chronique hebdomadaire sur les effets réels que pourront produire en 2020 les décisions de politique monétaire des grandes banques centrales.

La chute des anticipations d’inflation en 2019, qui n’est autre que le reflet de la détérioration des perspectives de croissance générée par la guerre commerciale et le ralentissement de l’activité mondiale, a contraint les banquiers centraux à opérer, à partir du troisième trimestre, un brusque virage dans l’orientation de leurs politiques afin d’assouplir à nouveau les conditions monétaires.

Aux États-Unis, la Réserve fédérale n’a pas hésité à baisser à trois reprises consécutives son taux Fed Funds, le ramenant de 2.50% à 1.75%, son niveau d’avril 2018. En outre, elle a repris depuis octobre l’expansion de son bilan en s’engageant à acheter 60 milliards de dollars par mois de bons du Trésor jusqu’à juin 2020 au moins. Son bilan devrait ainsi croître de 13% d’ici la fin du premier semestre 2020 et revenir à un niveau proche de celui auquel il était avant l’amorce du «quantitative tightening».

Aux États-Unis, la Réserve fédérale n’a pas hésité à baisser à trois reprises consécutives son taux Fed Funds.
Sophie Casanova

Sophie Casanovadirectrice adjointe de la Recherche économiqueEdmond de Rothschild

La Banque centrale européenne, elle, a réduit de 10 points de base son taux de dépôt pour l’amener à un nouveau plus bas historique de -0,50%. De plus elle a repris ses achats d’actifs au rythme de 20 milliards d’euros par mois sans préciser leur éventuelle date de fin. Enfin, elle a assoupli les conditions de refinancement des banques afin de les inciter à solliciter davantage de liquidité centrale, tout en mettant en place des mesures visant à atténuer le poids des taux d’intérêt négatifs sur ces dernières, suggérant ainsi que les taux d’intérêt resteront durablement négatifs.

En Suisse, où le taux directeur, à -0,75%, est le plus bas du monde, la banque centrale a augmenté en septembre le montant des réserves des banques qui est exempté de l’application de taux négatifs, ouvrant ainsi la porte à une éventuelle baisse supplémentaire de ce taux si une nouvelle dégradation des perspectives accentuait les pressions haussières sur le franc.

La vague d’assouplissement monétaire a en outre été généralisée, de nombreuses banques centrales émergentes adoptant, elles aussi, des mesures de relance, en particulier en Chine, au Brésil, au Mexique ou encore en Indonésie.

En 2016 déjà...

Un tel revirement de l’orientation des politiques monétaires est très similaire à celui qui avait été opéré en 2016. À cette époque, les sources d’incertitudes étaient également nombreuses: les investisseurs s’inquiétaient du risque d’un atterrissage brutal de l’économie chinoise, mais également des conséquences de l’amorce du resserrement monétaire de la Fed qui avait relevé, pour la première fois depuis 2006, de 25 points de base son taux Fed funds en décembre 2015.

À cela s’était ajouté, en juin, le résultat du référendum britannique actant la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Face à la chute des anticipations d’inflation qui en avait résulté, les banques centrales n’avaient pas hésité à assouplir leurs politiques monétaires. Ainsi, notamment, la Fed avait mis en pause son cycle de hausse de taux et la BCE avait baissé son taux de dépôt tout en augmentant le rythme de ses achats d’actifs.

En 2020, les tensions politiques internationales tout comme les impératifs nationaux (…) rendent peu probable l’émergence d’un soutien budgétaire généralisé comme en 2016.
Sophie Casanova

Sophie Casanovadirectrice adjointe de la Recherche économique Edmond de Rothschild

Toutefois, si cet activisme monétaire avait permis en 2016 une réduction rapide des primes de risques, le redressement des anticipations d’inflation ne s’était produit, pour sa part, que suite à l’engagement des ministres du G20, le 24 juillet 2016, à soutenir l’activité économique via une hausse des dépenses publiques et une baisse des impôts.

Or, en 2020, les tensions politiques internationales tout comme les impératifs nationaux tels que, notamment, les élections aux États-Unis et la poursuite de l’objectif de désendettement des autorités chinoises rendent peu probable l’émergence d’un soutien budgétaire généralisé comme en 2016.

De fait, malgré le virage monétaire opéré cette année, les anticipations d’inflation pourraient rester très basses tout au long de l’année 2020. Les banques centrales seraient alors contraintes de poursuivre l’assouplissement des conditions monétaires, ce qui permettrait, faute de renforcer les anticipations de croissance nominale, de contenir les primes de risque sur les marchés financiers.