Au Luxembourg, les recommandations invitent à la limitation de la consommation d’alcool à deux verres par jour pour les hommes, un pour les femmes. En gardant deux à trois jours d’abstinence par semaine. (Photo: Shutterstock)

Au Luxembourg, les recommandations invitent à la limitation de la consommation d’alcool à deux verres par jour pour les hommes, un pour les femmes. En gardant deux à trois jours d’abstinence par semaine. (Photo: Shutterstock)

La consommation d’alcool affaiblirait le système immunitaire. Le Sober Buddy Challenge, qui propose de ne plus en boire pendant tout le mois de janvier, tombe donc à pic alors que le nombre d’infections quotidiennes bat des records au Luxembourg.

Dans d’autres pays, on l’appelle Dry January. Au Luxembourg, la campagne se nomme le . L’objectif est le même: ne pas boire d’alcool pendant le mois de janvier, pour limiter les nombreux effets que cette substance peut provoquer sur la santé. Dont une baisse d’immunité face au Covid?

«En général, l’alcool a un effet négatif sur la santé, un peu sur tout», admet la docteur Claude Besenius, chargée de direction au Centre thérapeutique d’Useldange (CTU), qui réhabilite les personnes dépendantes à l’alcool. «Si on boit beaucoup, la quantité du sommeil n’est pas bonne, et lorsqu’on est fatigué, le système immunitaire fonctionne moins bien.»

Conséquence: à la fois plus de risques d’attraper des maladies et de moins bien les combattre. Surtout que «beaucoup d’alcool augmente les risques de cancer ou de diabète, qui sont des facteurs de vulnérabilité si on attrape le Covid».

À partir de quelle consommation peut-on parler de risque? «L’alcool a toujours un impact. Cela ne veut pas dire qu’il a toujours des effets graves. Mais même en buvant un verre de vin le soir pour s’endormir plus rapidement, la qualité du sommeil est moins bonne», répond-elle. Ensuite, «c’est une question d’échelle. Boire beaucoup tous les jours altère beaucoup la qualité du sommeil tous les jours, boire seulement le week-end a des conséquences sur le sommeil du week-end.»

La professionnelle conseille de respecter les recommandations de santé publique. Au , on demande aux hommes de se limiter à deux verres par jour et aux femmes à un seul, en gardant deux à trois jours sans alcool par semaine.

Les défenses immunitaires en jeu

En respectant cela, «on s’attend à un impact négligeable» de l’alcool sur la santé, complète le docteur Gérard Schockmel, médecin consultant en maladies infectieuses aux Hôpitaux Robert Schuman. «L’alcool provoque un risque accru d’infection, c’est vrai pour toutes les infections», détaille-t-il, notant le rôle que joue le foie dans le système immunitaire. Il cite aussi plusieurs qui «suggèrent que l’éthanol puisse avoir un effet direct sur le système immunitaire». Au sujet du Covid,«l’alcool n’a certainement pas d’effet favorable. Neutre au mieux, mais la tendance montre qu’il serait plutôt défavorable.»

Un confirme que «la consommation d’alcool, en particulier lorsqu’elle est excessive, affaiblit le système immunitaire et réduit la capacité de faire face aux maladies infectieuses». Elle augmenterait aussi le risque de «syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), l’une des complications les plus graves du Covid-19». Sans parler de son impact sur le comportement et l’oubli possible, après quelques verres, des gestes barrières. Un recommande d’ailleurs des politiques nationales de restriction, par exemple sur les ventes d’alcool dans les stades, en livraison, ou sur sa consommation dans les lieux publics.

Des gens qui buvaient dans les bars ont commencé à le faire à la maison.
Dr Claude Besenius

Dr Claude Beseniuschargée de directionCentre thérapeutique d’Useldange (CTU)

«La solution, c’est le vaccin», complète la docteur Claude Besenius. Mais qu’en est-il de la consommation d’alcool avant ou après l’injection? «Nous n’avons pas eu de consignes là-dessus, mais en général, je dirais que boire le jour d’un vaccin n’est pas une très bonne idée. Cependant, il vaut quand même mieux se faire vacciner alcoolisé que ne pas le faire.» Le docteur Gérard Schockmel dresse un constat similaire. , «rien ne prouve que le fait de boire de l’alcool, avant ou après votre vaccination, puisse avoir un effet défavorable sur l’innocuité ou l’efficacité des vaccins. Cependant, boire de l’alcool peut accentuer les effets secondaires.»

Plus de risques d’addiction

Si l’alcool n’a pas d’effet négatif sur le Covid, le virus pourrait lui aussi jouer sur la consommation d’alcool. Au Luxembourg, les ménages résidents ont dépensé 74,5 millions d’euros dans l’achat de spiritueux dans les commerces en 2020, année marquée par le confinement, contre 73,7 millions en 2019, selon le Statec. Le budget vin a, quant à lui, grimpé de 90,1 à 99,9 millions d’euros. Seul celui de la bière diminue de 124,4 à 121 millions d’euros. En 2021, les spiritueux représentent un budget toujours en hausse, à 75,3 millions d’euros. Celui du vin diminue, mais reste à un niveau supérieur à celui d’avant la crise: 96,3 millions d’euros. Alors que le budget bière croît à 129,2 millions d’euros.

«Pendant la pandémie, les habitudes de consommation ont changé, passant des bars et restaurants au domicile», explique l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), relativisant certains chiffres à la hausse. Elle note tout de même que «certains des problèmes liés à la consommation nocive d’alcool ont été aggravés», comme les comportements violents.

Certains se rendent compte qu’ils peuvent s’amuser sans alcool.
Dr Claude Besenius

Dr Claude Beseniuschargée de directionCentre thérapeutique d’Useldange (CTU)

Au Luxembourg, le CTU remarque aussi plus de risques d’addiction. «Des gens qui buvaient dans les bars ont commencé à le faire à la maison, avec un plus grand risque de perdre le contrôle, parce qu’il n’y a plus la pression des gens autour», observe sa chargée de direction. «Je n’ai pas de statistiques, mais d’après mon expérience, nous avons eu beaucoup de demandes. Des gens qui avaient arrêté de boire ont recommencé, d’autres s’y sont mis parce qu’ils ont commencé à faire des apéros virtuels tous les jours pendant le confinement.»

Se priver un mois, (presque) toujours une bonne résolution

Nouvelle année, nouvelles résolutions: le Sober Buddy Challenge aide-t-il vraiment? Même si ce n’est qu’un mois, ce défi «donne une pause au corps», estime la docteur Claude Besenius. Les effets se font ressentir sur «le sommeil, la peau, le poids, le foie, la tension». Il aiderait aussi à limiter sa consommation à plus long terme. «Certains se rendent compte qu’ils peuvent s’amuser sans alcool, découvrent de nouvelles boissons non alcoolisées qui leur plaisent et qu’ils pourront continuer de boire en soirée, ou apprennent à boire moins.»

Elle ne craint pas de risque de «rechute» en février pour les personnes qui ne sont pas physiquement dépendantes. Pour celles qui le sont, se lancer directement dans le mois sans alcool ne serait d’ailleurs pas la meilleure idée, à l’inverse d’un sevrage accompagné d’une aide médicale.

Au Luxembourg, le Sober Buddy Challenge n’en est qu’à sa seconde édition. Difficile d’avoir des statistiques précises, mais la Fondation Cancer, qui l’organise, a interrogé les participants à la suite de leur premier janvier sans alcool en 2021. 48% l’avaient suivi jusqu’au bout alors que 47% ont respecté le défi pendant au moins 21 jours, sans aller jusqu’à la fin. 85% ont annoncé que ce challenge allait modifier leurs habitudes et qu’ils pensaient moins boire à l’avenir.