Olivier Goemans: «D’après les estimations de Statista, d’ici 2025, plus de 75 milliards d’appareils connectés seront utilisés, évoquant un immense système nerveux.» (Photo: Maison Moderne)

Olivier Goemans: «D’après les estimations de Statista, d’ici 2025, plus de 75 milliards d’appareils connectés seront utilisés, évoquant un immense système nerveux.» (Photo: Maison Moderne)

Dans un avenir proche, nos vies seront encore plus digitales: la technologie des registres partagés (pensez blockchain), les infrastructures de cloud computing et l’internet des objets feront partie de notre quotidien. Et avec la pandémie, la quatrième révolution industrielle, fondée sur l’usine intelligente, a eu un sérieux coup d’accélérateur.

Les nouvelles infrastructures numériques ne seront pas alimentées par le pétrole, mais, en premier lieu, par les données. L’expression «data is the new oil» est employée depuis quelques années, mais, à présent, les faits parlent d’eux-mêmes. En 2020, la capitalisation boursière des producteurs de semi-conducteurs de l’indice MSCI World a largement dépassé celle du secteur de l’énergie.

   

   

Nous, les humains, générons perpétuellement des données. D’après les estimations de Statista, d’ici 2025, plus de 75 milliards d’appareils connectés seront utilisés, évoquant un immense système nerveux. La plupart de ces appareils auront la capacité de suivre et de stocker des données.

Les sociétés qui recueillent et analysent efficacement ces données disponibles disposeront d’une mine d’or. Selon le vieil adage «le savoir, c’est le pouvoir». Les sociétés commencent à en tenir compte dans presque tous les secteurs. Récemment, le géant des données S&P Global a fait l’acquisition de la société IHS Markit, une transaction valorisée à 44 milliards de dollars, une des plus importantes de l’année. Son objectif: s’implanter solidement sur le marché de plus en plus concurrentiel des informations financières et alimenter des algorithmes gourmands en données.

Certaines des sociétés les plus chèrement valorisées de ce monde recueillent et vendent d’ores et déjà activement nos données. Ce n’est pas une coïncidence si ces sociétés occupent également une position de leader sur le marché. Amazon, par exemple, traite de grandes quantités de données, afin de pouvoir nous recommander des produits susceptibles de nous intéresser. Les géants des réseaux sociaux collectent des données concernant pratiquement chaque aspect de notre vie, notre localisation, les lieux que nous fréquentons, les personnes auxquelles nous parlons, nos centres d’intérêt, nos opinions politiques, etc., et peuvent ainsi nous adresser des publicités ciblées.

Le pétrole qui jaillit du sol doit être raffiné avant de pouvoir être utilisé. De même, les données sont abondantes, mais leur utilité est limitée sans analyse adéquate.
Olivier Goemans

Olivier Goemanshead of investment services and innovationBIL

Les données confèrent un immense pouvoir à ces sociétés et leur donnent en outre la possibilité de gagner beaucoup d’argent, deux caractéristiques que partageaient les grandes compagnies pétrolières pendant une grande partie du 20e siècle. Mais les similitudes entre données et pétrole ne s’arrêtent pas là. Le pétrole qui jaillit du sol doit être raffiné avant de pouvoir être utilisé. De même, les données sont abondantes, mais leur utilité est limitée sans analyse adéquate. Comme l’a déclaré Peter Sondergaard de Gartner, «les informations sont le nouveau pétrole du 21e siècle, et l’analyse est le nouveau moteur à combustion». L’ingénierie des données deviendra essentielle au fur et à mesure que les entreprises abandonnent l’analyse diagnostique, qui se penche sur des faits passés, au profit de l’analyse prédictive et prescriptive, qui anticipe les comportements et tendances futurs.

De même, tout comme les marées noires, les fuites de données sont de plus en plus problématiques. Si le pétrole est responsable de l’effet de serre, les données entraînent, elles aussi, des problèmes bien concrets, en bousculant la notion de vie privée. Les mégadonnées et l’analyse devenant des ressources essentielles pour les sociétés cotées et non cotées, les préoccupations en matière de protection de la vie privée et de sécurité vont également gagner en importance. Les pressions s’accentueront sur les sociétés qui n’en tiendront pas compte de manière responsable dans leur modèle d’entreprise (rappelons-nous la marée noire provoquée par l’explosion de la plateforme pétrolière exploitée par BP en 2010).

Pour sélectionner les sociétés dans lesquelles investir, les analystes étudient de plus en plus le modèle d’entreprise de chaque société, afin de comprendre leurs intentions en matière de digitalisation. Pour être et rester compétitives, les sociétés devront valoriser ces deux actifs devenus incontournables: les données et leur analyse. Les enseignements qu’elles en tireront leur permettront d’accélérer leurs cycles d’innovation, de se démarquer de leurs concurrents et de mieux répondre aux besoins de leurs clients.