La danseuse Yuko Kominami est au cœur de l’œuvre virtuelle «Sublimation» de Markiewicz & Piron. (Illustration: Markiewicz & Piron)

La danseuse Yuko Kominami est au cœur de l’œuvre virtuelle «Sublimation» de Markiewicz & Piron. (Illustration: Markiewicz & Piron)

Le duo formé par Karolina Markiewicz et Pascal Piron donne doublement rendez-vous en ce mois de mars, avec la présentation de leur œuvre «Sublimation» dans le pavillon VR à neimënster et de leur exposition «PFH*» au Centre national de l’audiovisuel (CNA).

Depuis déjà presque trois ans, Karolina Markiewicz et Pascal Piron explorent les voies nouvellement ouvertes par la réalité virtuelle. Plutôt que de créer des films à 360° pour lesquels ils ne voient pas de plus-value, ils choisissent de créer des univers virtuels dans lesquels le spectateur est invité à interagir, vivre une nouvelle expérience, être en action. «La VR est une forme d’art à part que nous explorons. Ce n’est pas du cinéma, ce n’est pas du théâtre, mais un nouveau medium qui commence à avoir ses propres codes, sa philosophie, son langage et ses déclinaisons», explique Karolina Markiewicz.

Butō et fractales

«Sublimation», œuvre VR interactive, a été l’année dernière. La présentation à neimënster dans sera la première présentation sur le territoire du Grand-Duché.

Inspirée par la danse japonaise butō, cette œuvre est une métaphore de l’art, de l’acte créatif. Les visiteurs sont tout d’abord invités à écouter une introduction sur l’art du butō. Par la suite, équipé d’un casque de VR et de capteurs de mouvements, le visiteur rencontre la danseuse Yuko Kominami, qui enseigne quelques gestes d’une chorégraphie simple de butō. Une voix guide également les visiteurs, qui sont alors invités à réaliser ces gestes dans l’espace, devenant à leur tour créateurs. Ces gestes se matérialisent dans le casque VR sous forme de fractales. Selon la rapidité et l’intensité avec lesquelles sont réalisés les gestes de danse, le nombre et la couleur des fractales varient, produisant ainsi une création unique pour chaque visiteur. En bande-son, une musique composée et interprétée par Kevin Muhlen, directeur du Casino Luxembourg, mais également musicien qui accompagne le travail du duo depuis déjà plusieurs années, complète l’expérience. Après avoir réalisé leur danse butō et observé ses impacts virtuels, les visiteurs sont invités à regarder sur écran un court documentaire sur la chorégraphe Yuko Kominami.

Confrontations et questionnements sociopolitiques

À partir du 7 mars, l’exposition «PFH*– Putain de facteur humain – Précieux facteur humain» est présentée au CNA. Cette exposition prolonge le travail du duo sur l’être humain et l’Histoire en plongeant le visiteur dans un théâtre-cinéma fait de projections de documents vidéo retravaillés, de peintures, d’images de synthèse et d’expérience en réalité virtuelle.

Le titre de cette exposition est tiré d’une expression québécoise, selon Hubert Reeves, qui souligne que l’Homme est capable aussi bien de faire basculer l’Histoire du mauvais côté quand il se détourne des problèmes réels de ce monde, mais pour lesquels il ne se sent pas concerné, ou au contraire du bon côté, lorsqu’il reconnaît ce qui est précieux et se confronte aux enjeux humains et terrestres. Pour questionner ce rôle historique de l’être humain, de son héroïsme ou de son désengagement, Karolina Markiewicz et Pascal Piron proposent une installation qui demande à la fois de prendre une certaine distance, tout comme une implication.

Ils ont collecté sur Youtube près d’une centaine de vidéos qui traitent d’enjeux politiques et sociétaux: extraits de discours politiques, manifestations populaires en Chine, grèves des «gilets jaunes»… «Nous avons retravaillé ces images vidéo jusqu’à ce qu’elles deviennent comme des peintures abstraites que nous avons par la suite installées dans une construction spatiale, au milieu d’un paysage qui semble immuable», explique Karolina Markiewicz. Au cœur de cette installation, le visiteur est invité à emprunter un tunnel dans lequel il pourra découvrir une œuvre VR: deux déesses, deux gorgones contemporaines, se foncent à vitesse réduite l’une sur l’autre. Vont-elles se battre ou s’embrasser? De quel côté vont-elles basculer?

Une gorgone court au ralenti vers une autre gorgone, pour se battre ou s’embrasser? (Illustration: Markiewicz & Piron)

Une gorgone court au ralenti vers une autre gorgone, pour se battre ou s’embrasser? (Illustration: Markiewicz & Piron)

Au-delà du tunnel, on découvre un ensemble de peintures grand format dont les motifs en noir et blanc sont des détails du corps de la chorégraphe Yuko Kominami, qui a été modélisée et doublée. «Nous n’apportons pas de réponses, mais une réflexion sur notre rapport aux images, questionnons le rapport entre mots et images, une réflexion poétique sur la confrontation», précise Karolina Markiewicz. Une confrontation portée également par une bande sonore multilingue écrite par le duo et interprétée par Elisabet Johannesdottir et Amandine Truffy. La musique est composée par Kevin Muhlen et accompagnée par le chant d’Ásta Sigurdardottir.

Une œuvre immersive, qui peut être brutale dans un premier temps, mais dans laquelle il est possible de prendre son temps et de porter une réflexion qui pourra se prolonger par la participation à la performance avec Yuko Kominami et Kevin Muhlen, des conférences, ainsi qu’avec la lecture de la publication qui accompagne l’exposition.

«Sublimation», du 5 au 15 mars,

«PFH*», du 7 mars au 17 mai au CNA (Pomhouse). Vernissage le 7 mars à 11h30. Performance dans le cadre du vernissage le 7 mars à 13h.