Tilly Metz: «Alors que, suite à la crise sanitaire, l’Europe fait de nouveau face à une crise économique et sociale, il est urgent de renouveler ces principes de coopération.» (Photo: Matic Zorman / archives Paperjam)

Tilly Metz: «Alors que, suite à la crise sanitaire, l’Europe fait de nouveau face à une crise économique et sociale, il est urgent de renouveler ces principes de coopération.» (Photo: Matic Zorman / archives Paperjam)

Pour cet «été pas comme les autres», Paperjam a donné la parole à 10 personnalités luxembourgeoises engagées au niveau européen, afin qu’elles livrent leur analyse des défis qui attendent l’Union européenne. Cette semaine, Tilly Metz, députée européenne Déi Gréng.

Réinventer l’Europe, c’est bien ce qui est en jeu ici. Alors que le projet européen porte en son sein des valeurs de paix, de coopération et de solidarité plus précieuses que jamais, il s’est, au fil du temps, distancié de cet idéal pour devenir un objet lointain. Trop concentrée sur son marché intérieur et le commerce international, l’UE a bien souvent oublié les préoccupations quotidiennes des Européen(ne)s, créant avec ses citoyens une distance aujourd’hui mortifère.

L’UE est essentielle pour faire face aux défis de notre temps, qu’ils soient sanitaires, climatiques ou sociétaux. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, l’Europe coopère sur des bases limitées et guidées par des enjeux économiques dont ne découlent pas toujours la santé et le bien-être des Européens, au contraire.

Alors que, suite à la crise sanitaire, l’Europe fait de nouveau face à une crise économique et sociale, il est urgent de renouveler ces principes de coopération. Dans un contexte d’euroscepticisme croissant et nourri par l’austérité imposée depuis plusieurs décennies, l’année à venir sera décisive. L’Europe du marché doit devenir une Europe solidaire et écologique pour renouer avec les citoyens. Et trois domaines d’action seront cruciaux: celui du budget, de la santé et de la démocratie.

Le premier défi de l’année à venir sera de construire une vraie solidarité budgétaire accompagnée d’une forte composante sociale et écologique.
Tilly Metz

Tilly Metzdéputée européenne Déi Gréng

Commençons par l’urgence actuelle, la solidarité face à la crise. L’UE a débloqué différents fonds pour faire face au ralentissement économique, et il s’agit maintenant d’avoir une réponse à long terme pour pallier les conséquences sociales et économiques de cette crise.

Ici, l’Europe joue son avenir. Il est déplorable que, dans l’accord pour le plan de relance, le montant initialement prévu pour le programme de santé publique ait disparu, et que le montant prévu pour le fonds pour une transition juste ait vu son budget réduit à un tiers. Et je suis révoltée lorsque certains pays moins touchés se permettent de négocier pour amoindrir leur contribution financière. C’est l’Europe qu’ils mettent en danger. Quel(le) citoyen(ne) européen(ne) ira soutenir une Europe qui lui ferme la porte dans les moments les plus difficiles? Le premier défi de l’année à venir sera de construire une vraie solidarité budgétaire accompagnée d’une forte composante sociale et écologique.

Réinventer l’Europe, c’est également renforcer ses actions en faveur du bien-être des Européen(ne)s. Les préceptes budgétaires européens ont poussé ces dernières années à davantage de libéralisation des services publics de santé, et ce au détriment d’investissements essentiels pour les hôpitaux publics et des conditions de travail de nos personnels de santé, qui ont pourtant montré leur caractère essentiel pendant cette crise.

Contrairement au marché, la santé n’a pas été établie comme une priorité, et c’est cela qu’il faut changer!
Tilly Metz

Tilly Metzdéputée européenne Déi Gréng

Contrairement au marché, la santé n’a pas été établie comme une priorité, et c’est cela qu’il faut changer! Commencer par permettre aux États d’investir massivement dans la santé publique, garantir aux patients l’accès à des soins de qualité partout en Europe, et poser des critères pour que les soignants aient des conditions de travail égales et dignes.

Puis, instaurer des règles pour relocaliser la production de médicaments en Europe, et ainsi éviter les pénuries de médicaments, créer des centres de recherche publics, et ainsi un maillage de centres de compétences européens, et donner à la santé des Européens un poids aussi important que celui donné au fonctionnement du marché intérieur dans les politiques publiques de l’Union. L’échelle européenne est la bonne pour entreprendre ces efforts. Vivre en Europe doit être synonyme de bien-être, d’innovation en matière de santé et de protection sociale.

Enfin, l’année à venir sera un défi pour la Démocratie. La conférence sur le futur de l’Europe s’ouvrira, et les Européens pourront donner leur avis sur ce que doit devenir notre projet commun. Quelle Europe pour demain? L’UE n’est pas parfaite, mais ensemble, nous parviendrons mieux à éviter des crises futures. Et c’est ensemble, dans l’intérêt des citoyens avant tout, qu’il nous faudra réinventer l’Europe!