Isabel Wiseler-Lima prône une Europe mieux coordonnée face aux menaces extérieures et «plus solidaire avec les régions les plus fragiles du monde». (Photo: Jan Hanrion/Archives Maison Moderne)

Isabel Wiseler-Lima prône une Europe mieux coordonnée face aux menaces extérieures et «plus solidaire avec les régions les plus fragiles du monde». (Photo: Jan Hanrion/Archives Maison Moderne)

Pour cet «été pas comme les autres», Paperjam a donné la parole à 10 personnalités luxembourgeoises engagées au niveau européen, afin qu’elles livrent leur analyse des défis qui attendent l’Union européenne. Cette semaine, Isabel Wiseler-Lima, eurodéputée PPE (CSV), s’est prêtée au jeu.

Réinventer l’Union européenne pour les jeunes générations, c’est:

- prendre en compte le contexte géopolitique dans lequel nous nous trouvons et nous équiper contre ses menaces;

- comprendre les défis technologiques et écologiques de l’avenir et nous donner les moyens de les relever;

- rester fidèles à nos valeurs et défendre la démocratie, l’État de droit, la liberté de la presse et d’expression à l’intérieur de notre Union.

Les enjeux majeurs sont donc à la fois intra-européens et internationaux.

Le contexte géopolitique implique de poser la question de la position de l’Union européenne sur l’échiquier mondial. Défendre une position forte internationale pour l’Union ne doit pas être compris comme une fierté bien ou mal placée, mais comme une nécessité pour la survie de l’Europe.

Un autre ordre mondial se dessine où les règles internationales jouent un rôle moindre comparé aux décisions unilatérales ou bilatérales de puissants chefs d’État. Or, la politique de l’Union européenne s’articule surtout autour du droit international, des institutions onusiennes, des droits de l’Homme, de l’OMS, de l’OMC…

Les présidents américain et chinois ont, eux, d’autres stratégies géopolitiques. Le président américain ne cache pas ses intentions – «America First» –, il retire les USA du multilatéralisme et ne se sent pas concerné par l’Union européenne.

Les menaces extérieures viennent également de chefs d’État autoritaires géographiquement tout proches de nous, comme Poutine en Russie ou Erdogan en Turquie.
Isabel Wiseler-Lima

Isabel Wiseler-Limaeurodéputée PPE

La stratégie géopolitique chinoise par rapport à l’Union européenne consiste, quant à elle, à diviser pour mieux régner. Les initiatives de la Chine «One Belt, One Road», les accords bilatéraux avec des pays de l’UE ou les 17+1 ébranlent la cohésion entre les pays européens.

Mais les menaces extérieures viennent également de chefs d’État autoritaires géographiquement tout proches de nous, comme Poutine en Russie ou Erdogan en Turquie.

Les menaces extérieures sont donc intenses et diverses.

L’agressivité économique met en péril notre indépendance dans des domaines aussi cruciaux que l’approvisionnement en énergie; des infrastructures stratégiques (ports, aéroports…) passent en mains étrangères. Nous devons agir: empêcher ces achats, créer pour nos entreprises les conditions pour faire face aux défis technologiques et, dans une perspective d’innovation et d’expansion, leur permettre de créer des champions industriels européens.

L’agressivité politique par la désinformation ou par l’influence recherchée dans la politique interne à l’Union (voir le président Trump et le Brexit, la Chine et le Covid-19) fragilise nos démocraties. Nous devons nous protéger, garantir l’accès à une information fiable et soutenir une presse indépendante.

Enfin, je suis convaincue que s’il est primordial que l’Europe se dote de moyens institutionnellement efficaces pour parler d’une seule voix en matière de politique extérieure, face à l’agressivité latente à nos portes, il est également impératif qu’elle s’équipe de manière à assurer sa propre sécurité sans être totalement dépendante d’autres. En somme, il faut qu’en matière de politique extérieure, l’Union européenne se départisse du vote à l’unanimité et que la collaboration en matière de défense soit bien plus développée qu’elle ne l’est avec Pesco (Coopération structurée permanente, ndlr).

[Le coronavirus] menace non seulement nos vies, mais également nos sociétés.
Isabel Wiseler-Lima

Isabel Wiseler-Limaeurodéputée PPE

Les opportunités internationales toutefois ne manquent pas… Encore faut-il les saisir. Je les vois entre autres dans un partenariat avec l’Union africaine et dans une politique positive à l’égard de ce continent; dans un renforcement systématique des liens avec les pays démocratiques de par le monde et surtout avec les pays des Balkans et de l’est du continent européen et, enfin – si possible –, dans l’intensification des liens transatlantiques avec une Amérique revenue à la raison.

En conclusion, j’aimerais évoquer cette pandémie qui nous a entre autres rappelé notre condition humaine et la fragilité de ce que nous construisons en tant qu’êtres humains. Ce virus menace non seulement nos vies, mais également nos sociétés. Si en Europe et dans les pays démocratiques, nous ne parvenons pas à endiguer le virus, tout en protégeant l’État de droit et les libertés fondamentales, et à maîtriser les conséquences économiques désastreuses, le socle de la solidarité se défaisant, ce sera l’ordre même de nos sociétés qui sera en danger. Nous nous trouvons face à un défi énorme. La solidarité doit jouer dans toute l’Europe, entre les nations et au sein de nos multiples communautés. Au-delà de l’Union, il faudra aussi – impérativement – que nous continuions à nous montrer solidaires des régions les plus fragiles dans le monde.

Enfin, je suis intimement convaincue que les 750 milliards d’euros prévus pour la reconstruction doivent être investis dans des programmes tournés vers le futur (ce fond est surnommé #nextgenerationfund) et doivent impérativement être destinés à l’innovation – essentiellement digitale et verte. Nous ne pouvons hypothéquer l’avenir de nos enfants en leur laissant une énorme dette sans avoir investi dans leur futur. Je reste prudemment optimiste.