Maintenant que sa première vie est derrière lui, David Determe est impatient de découvrir ce que lui réserve la seconde. Très impatient même. Celle-ci a commencé le 11 novembre, avec l’arrivée sur le marché de la plateforme Pairtopair, trois mois et demi après avoir quitté, fin juillet, le bureau d’ingénieurs-conseils en techniques spéciales Betic (devenu Betic, part of Sweco). Sa démission de son poste de managing director et lui ont laissé «un goût d’inachevé». Mais le chapitre est clos, assure-t-il, regard pétillant derrière ses lunettes: «J’ai 45 ans, je suis bourré d’énergie, c’est une super opportunité.»
«Ce n’est d’ailleurs pas une nouvelle page, plutôt un prolongement», ajoute celui qui s’est abondamment inspiré de son expérience professionnelle pour concevoir ce projet «humaniste». Avec Pairtopair, David Determe fait le pari de l’accompagnement professionnel. Point d’orgue de l’offre, articulée en trois volets: la possibilité donnée aux dirigeants d’entreprise et aux managers d’être associés à un mentor en charge de les épauler, les conseiller, les éclairer.
De quels constats êtes-vous parti pour élaborer Pairtopair?
. – «Deux dirigeants d’entreprise sur trois souffrent de solitude dans le processus décisionnel. Qu’importe la taille de l’entreprise, c’est vrai à toutes les échelles. Je l’ai moi-même vécu. Comment faire pour éviter que d’autres vivent la même chose? Les décideurs sont certes entourés, mais cet entourage est animé de biais. À qui parler? À ses associés? De fait, ils auront des biais économiques. À sa famille, à ses amis? Ils auront des biais émotionnels. Le mentor, lui, n’a aucun biais. Il peut transmettre savoirs et expérience sans interférences. C’est un regard extérieur. Neutre.
Votre conception du «bon» mentor?
«Quelqu’un avec une écoute active, en capacité de suggérer au dirigeant des bonnes pratiques, avec honnêteté et humilité, mais sans lui imposer quoi que ce soit. Le dirigeant prend ses propres décisions, le mentor est là pour l’aider à ce qu’elles soient éclairées et conscientes. L’autre élément, c’est de tendre un miroir à l’entreprise à travers la mise en place d’un comité consultatif. Soit quatre ou cinq autres pairs, également déconnectés économiquement et émotionnellement de l’entreprise, qui vont apporter un regard et un avis eux aussi extérieurs. Quand vous êtes dirigeant, vous êtes plein d’enthousiasme, convaincu de certaines choses et entouré de gens tout aussi convaincus que vous. ‘C’est pas mal, on y va, on y croit!’. Des ‘yes men’. Et soudain, quelqu’un arrive et vous interroge: ‘Tu as pensé à tel point? Tu t’es soucié de tel autre? Qu’est-ce que le marché va dire? Est-ce en phase avec les valeurs de l’entreprise?’ Une petite leçon d’humilité. Lorsque cela m’est arrivé, j’ai pris quelques claques. Mais ces claques permettent de prendre le petit pas de recul dont chacun de nous a besoin.
Un bon match, c’est l’assurance de mettre les meilleures chances de son côté.
Quels profils avez-vous ciblés?
«J’ai souhaité réunir le panel de mentors le plus large possible, en ayant 80 à 90% de personnes actives dans l’entreprise, afin d’être au plus près de la connaissance du terrain. Tous les mentors que j’ai approchés m’ont dit oui*. Il y a des dirigeants ayant lancé quelques start-up, des dirigeants impliqués dans la responsabilité sociale de l’entreprise, d’autres en fin de carrière ou qui viennent de céder leur entreprise… Transmettre, c’est apprendre. Je suis donc persuadé que les mentors, eux aussi, vont pouvoir tirer des enseignements de leur expérience, et les mettre au service de leurs propres entreprises. Mon job, c’est de rendre le temps qu’ils me consacrent le plus efficace possible pour tout le monde. Et je serai mentor moi-même, car je veux vivre cette expérience.
Pairtopair repose sur un système de «matches». Comment cela se traduit-il?
«Le ‘mentee’ ne choisit pas son mentor, le mentor ne choisit pas son ‘mentee’. Un match se décide selon les besoins et les attentes exprimés, ainsi qu’en fonction de (psychologue américain). J’ai éprouvé cette méthode en entreprise il y a dix ans, cela nous avait permis de rematcher toutes nos équipes, tous nos managers, tous nos collaborateurs. Un bon match, c’est l’assurance de mettre les meilleures chances de son côté.
Comment se déroule le processus ensuite?
«Après le match, la relation est prévue pour une durée d’environ 18 mois. Manière de s’inscrire dans le temps, de construire une base solide, d’être dans la connaissance de l’entreprise. Mais sans aller au-delà non plus, afin de conserver un regard neuf et d’éviter les biais émotionnels et économiques que j’ai évoqués auparavant. Les rencontres entre le ‘mentee’ et le mentor ont lieu chaque mois, en face à face. Elles s’accompagnent d’une méthodologie. Entre deux rendez-vous, Pairtopair met à disposition un chat sécurisé. Des messages et documents peuvent être échangés, le lien est maintenu. Parallèlement, le comité consultatif se réunit cinq à six fois par an. Pour le composer, le mentor propose une liste de pairs qu’il pense être le miroir de l’entreprise. Le ‘mentee’ valide cette liste ou l’amende. Le rôle de ce comité est de faciliter la vie des dirigeants.
Le mentor a déjà vécu les situations auxquelles sont confrontés les dirigeants.
Quelles différences entre un mentor et un coach?
«Le coach donne au dirigeant des outils afin qu’il puisse trouver des solutions par lui-même. Le mentor, par comparaison, a déjà vécu les situations auxquelles sont confrontés les dirigeants. Lui, il faut qu’il ait les outils pour transmettre ce vécu. Ce sont deux univers différents. Ce qui n’empêche pas que j’aimerais, dans le futur, faire graviter des coaches qui pourraient venir en soutien sur des thématiques spécifiques dans lesquelles le mentor ne se sentirait pas forcément le plus qualifié. Par exemple dans les cas de transmission d’entreprise ou de gestion de conflit avec des associés ou des collaborateurs.
Comment évaluerez-vous l’efficacité de la méthode Pairtopair?
«À travers des feedbacks et un travail de documentation de la relation ‘mentee-mentor' qui va permettre aux dirigeants, après six mois, un an, de jeter un œil dans le rétro et de revoir les bonnes pratiques mises en place. Ces bonnes pratiques, si le dirigeant souhaite qu’elles le soient, peuvent ensuite être partagées et profiter à l’ensemble de la communauté. Idem pour les mauvaises pratiques d’ailleurs. Quand je parle de projet humaniste, c’est pour deux raisons. La première est liée au fait que Pairtopair veut contribuer au bien-être professionnel comme familial, puisque les deux sont liés. La seconde tient à l’objectif de devenir une société d’impact sociétal. La cause est noble. Je compte même aller un peu plus loin en interdisant, dans le pack des associés, que la société soit revendue avec une plus-value.
Quel est votre schéma commercial? Et quels objectifs vous êtes-vous fixés?
«Nous sommes sur un format membership. L’abonnement commence lorsque le match a eu lieu et s’arrête lorsque celui-ci prend fin. Pairtopair ayant d’autres solutions que le mentoring, l’objectif chiffré c’est 20-200-2.000. 20 dirigeants accompagnés dans le mentoring; 200 managers, dirigeants de TPE et indépendants pour l’abonnement intitulé InsideOut, qui permet des partages par groupes de quatre personnes; et 2.000 membres pour l’abonnement IntraLink, qui favorise le partage de connaissances au sein d’une même entreprise. C’est l’échelle que j’aimerais atteindre pour avoir de l’impact à tous les niveaux. Quant aux étudiants, via la solution MyFuture, gratuite, qui leur permet d’échanger avec des professionnels et des entrepreneurs, je souhaite en réunir un maximum.
Avez-vous le sentiment de répondre à un besoin?
«C’est en tout cas l’analyse unanime qu’en font les mentors. Pour eux, Pairtopair répond à un véritable besoin. Ils ont connu des moments difficiles au cours de leur carrière, avec ce genre d’initiative ils auraient abordé différemment certaines situations. Les futurs ‘mentees’, en revanche, il va falloir aller les chercher. Ayant la tête dans le guidon, ils n’identifient pas forcément le besoin.»
(*) Figurent dans le pool de mentors, entre autres personnalités, le président d’In Extenso Belux: Cédric Rensonnet, la fondatrice d’Apollo Strategists: , la directrice d’Accentaigu: , le directeur général du groupe Tricentenaire: , la directrice d’IMS Luxembourg: , etc.