Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne/Archives)

Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne/Archives)

La mort du général iranien Qassem Soleimani, commanditée par le président américain Donald Trump, est le premier choc géopolitique de l’année 2020. Dans sa chronique, Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux, pointe que l’événement remet déjà en question toutes les prévisions qui avaient été établies ces dernières semaines pour l’année 2020.

L’année 2020 est à peine entamée, et déjà rien ne se passe comme prévu. La frappe des États-Unis visant un général iranien et son bras droit vient en effet, de manière sanglante, de jeter le doute sur pas mal de commentaires réalisés en fin d’année 2019 lors les traditionnels exercices de prévisions économiques.

Les conséquences de cette frappe sont d’abord politiques: le monde découvre la partie d’échecs qui se joue dans une région qui se remet à peine des années sous la menace de l’État islamique et qui se cherche un nouvel équilibre. Sur le plan économique, nul doute que ce qu’il s’est passé cette semaine peut avoir des conséquences majeures sur le scénario de 2020. Tout d’abord, le prix du pétrole encaisse le coup, en progressant de près de 3 dollars depuis l’attaque (ces chiffres ont été observés le 3 janvier à la mi-journée, ndlr). Il faut se méfier des réactions de court terme des marchés, et ne pas tirer de conclusion hâtive, mais un tel événement risque de maintenir une pression haussière sur le pétrole pour un bon moment.

Un tel événement risque de maintenir une pression haussière sur le pétrole pour un bon moment.
Philippe Ledent

Philippe Ledentsenior economistING Belux

Il faut se souvenir que le prix du pétrole n’était déjà pas au plus bas, le baril de Brent se négociant à 69 dollars en fin d’année 2019, soit une hausse de 25% sur un an. Or, tous les efforts d’une transition écologique n’y feront rien: nos économies restent, à court terme, très dépendantes du pétrole. La hausse de son prix est un risque pour l’inflation et donc pour les politiques de taux bas des banques centrales, si importantes aux yeux des marchés d’action et d’autres classes d’actifs financiers.

C’est aussi une menace pour la croissance de la consommation des ménages (le principal pilier de la croissance économique en zone euro actuellement) dans la mesure où une facture d’énergie plus élevée ampute une partie du pouvoir d’achat des consommateurs. Si l’on y ajoute le risque géopolitique, le fragile équilibre sur lequel certains bâtissaient le scénario d’une année 2020 plutôt solide sur le plan économique vient de s’écrouler…

2020 ne sera pas lisse!

Pour ma part, je n’ai jamais adhéré à l’idée que 2020 serait une année formidable économiquement et financièrement parlant. L’idée était plutôt celle d’une année en demi-teinte, où l’on éviterait la récession à grand renfort de politique budgétaire et de taux bas.

Si ce scénario est toujours d’actualité malgré les récents événements, ces premiers jours de 2020 nous apprennent un élément supplémentaire: l’année ne sera pas lisse, et les progressions et les corrections économiques et financières ne se feront pas en douceur. Non, il y aura des chocs, des surprises et des imprévus.

Au final, l’année sera peut-être effectivement en demi-teinte, mais probablement pas comme nous l’avions pensée. Bienvenue en 2020!