Des erreurs et imprécisions viennent parfois se glisser dans l’interprétation en français des conférences de presse du gouvernement. Un vrai problème, notamment pour les francophones, nombreux au Luxembourg, qui les suivent en direct. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Des erreurs et imprécisions viennent parfois se glisser dans l’interprétation en français des conférences de presse du gouvernement. Un vrai problème, notamment pour les francophones, nombreux au Luxembourg, qui les suivent en direct. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Des interprètes d’une société privée assurent la traduction en français des conférences de presse livrées régulièrement par les membres du gouvernement depuis le début de la pandémie. Un exercice délicat, réalisé dans des conditions difficiles, avec, à la clé, de fâcheuses erreurs ou imprécisions.

Pour les nombreux francophones du Luxembourg qui y vivent ou y travaillent, les conférences de presse que les membres du gouvernement délivrent régulièrement depuis le début de la crise sanitaire amènent souvent leur lot de surprises. La traduction du luxembourgeois vers le français, réalisée en direct, et donc dans un contexte délicat qui n’est pas contesté, est régulièrement émaillée d’erreurs ou imprécisions.  

Ainsi, le 24 mars 2021, la réouverture des terrasses a été annoncée en français «de 8h du matin à 8h du soir», au lieu de 6 à 18h. En mai dernier, dans le cadre des annonces du déconfinement, les interprètes se prennent aussi les pieds dans le tapis en annonçant une reprise des contacts sociaux avec sept personnes maximum, au lieu de six. Ce qui n’est pas sans conséquences, puisque le temps que les rectifications soient faites ou que les erreurs soient signalées, les informations viciées venant pourtant d’une source officielle sont souvent déjà relayées sur les sites internet, partagées sur les réseaux sociaux… et amènent la confusion là où elles devaient apporter de la clarté.

«Si possible, nous fournissons les informations (aux interprètes, ndlr) à l’avance. Dans la réalité, ce n’est presque jamais possible», explique Jean-Claude Olivier, directeur du Service information et presse (SIP) du gouvernement luxembourgeois. Il ajoute que, «généralement, les ministres parlent de façon assez libre. C’est vraiment du travail en direct, c’est du sport.» Un exercice mené donc sans filet, et dont les conséquences se font de suite sentir en cas de chute, hélas.

Travail en direct

Certains ministres préparent leur discours, d’autres uniquement des listes à puces. Ce qui varie aussi selon la situation, ajoute Liz Thielen, attachée de presse du Premier ministre. Et même quand les discours sont prêts à l’avance, les chiffres sont souvent mis à jour au tout dernier moment, pour être les plus actuels possible. Sans parler des conférences de presse, qui se préparent à la hussarde juste après les conseils de gouvernement. «Nous faisons de notre mieux pour que ce soit le meilleur service possible», pour la traduction en français, comme celle en langue des signes, précise-t-elle.

Avant la crise sanitaire, les conférences de presse étaient traduites «de manière ponctuelle», rappelle-t-elle. «Avec le Covid, nous avons voulu rendre l’information aussi accessible que possible. Je pense que c’est quelque chose qui continuera.»

Malgré tout, «il est compliqué d’éviter toute erreur», admet Jean-Claude Olivier. «Ce sont des professionnels, nous supposons qu’ils se trompent le moins possible.» Il rappelle qu’un travail de traduction est ensuite effectué pour sous-titrer les conférences de presse, visionnables en replay souvent un ou plusieurs jours après. Dans ces cas-là, il affirme que tout est revérifié.

Dans d’autres pays, comme la Belgique, les conférences de presse n’ont lieu qu’une fois un document prêt et transmis aux interprètes, aux médias. Ce qui assure l’interprétation la plus fiable possible et un écho précis sur les sites d’information. Le prix à payer est celui de la patience, et il n’est pas rare qu’une à deux heures s’écoulent entre la fin d’une réunion et la communication officielle de son contenu.

Trois à quatre interprètes

Au Luxembourg, les interprètes sont employés par la société externe Meetincs. Elle a été désignée au début de la crise via un , raconte Jean-Claude Olivier, pour obtenir une solution rapide. Un marché public a ensuite été passé fin 2020, auquel trois entreprises auraient participé, mais qui a été remporté par Meetincs, qui présentait «l’offre la plus avantageuse». Demandé pour être consulté, l’appel d’offres n’a pas été transmis à Paperjam.

Selon le directeur du SIP, trois à quatre personnes de l’entreprise reviennent régulièrement pour les conférences de presse et se relaient selon leur durée. Il faut compter en moyenne une demi-heure d’activité par personne, mais «cela est variable, ce n’est pas du tout un chiffre absolu».

Qualité non validée par l’AIIC

«Les prestations pour la traduction des conférences de presse n’auraient certainement pas le label de qualité AIIC», commente de son côté le bureau luxembourgeois de l’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC). «Même si la combinaison linguistique luxembourgeois vers français est rare, il existe au Luxembourg un réseau d’excellents interprètes, qualifiés, expérimentés et compétents soumis à un code de déontologie et à des normes professionnelles strictes.»

On distingue le traducteur de l’interprète, le premier travaillant surtout à l’écrit, et le second, à l’oral. Interrogée à ce sujet, Meetincs nous assure que ce sont des «interprètes de formation», et non des traducteurs, qui s’occupent des discours du gouvernement.