Le meilleur «coup» de l’année est à attribuer à Netflix: les 21 millions de dollars dépensés pour la première saison de «Squid Game» (vue par 150 millions de ménages pendant plus de 2 milliards d’heures) ont généré des recettes supérieures à 900 millions de dollars. (Photo: Shutterstock)

Le meilleur «coup» de l’année est à attribuer à Netflix: les 21 millions de dollars dépensés pour la première saison de «Squid Game» (vue par 150 millions de ménages pendant plus de 2 milliards d’heures) ont généré des recettes supérieures à 900 millions de dollars. (Photo: Shutterstock)

Les fournisseurs de streaming vidéo pourraient perdre 150 millions d’abonnés cette année, assure Deloitte dans ses «TMT Predictions 2022», publiées mardi. Le «churn», vrai problème des Netflix, Disney+, Amazon Prime ou HBO? Pas si sûr…

«Ce que nous avons vu au cours des deux dernières années, qui est ce genre de théorie de base que nous avons, est que si nous avons fait du bon travail d’investissement, les abonnés paient un abonnement pour de meilleures histoires, plus de belles histoires, des films plus gros, plus de variété. Quand, occasionnellement, nous revenons vers eux et demandons un peu plus d’argent pour maintenir ce genre de cycle, ils sont généralement prêts à payer plus.»

Samedi dernier, Netflix bouclait son année 2021 avec des recettes de près de 30 milliards de dollars contre 25 en 2020 et s’apprêtait, cette année, à enregistrer un nouveau record à 34 milliards. Pas étonnant que le directeur opérationnel et directeur des produits, Gregory K. Peters, ne se soit pas montré inquiet pendant la conférence de presse.

Avec 222 millions d’abonnés, Netflix a encore connu une belle année 2021, même si le directeur financier, Spencer Adam Neumann, a concédé du bout des lèvres que l’augmentation des abonnés n’avait pas été aussi forte que prévu.

The content is king

Tous les opérateurs-stars disent sensiblement la même chose: Disney+ prévoir de passer de 118,1 millions d’abonnés en 2021 à entre 230 et 260 millions en 2024, Amazon Prime de 175 millions à 200 millions et l’ovni HBO en compte déjà 73,8 millions alors qu’il ne vend ses services que dans deux pays et que sa maison-mère, AT&T, a à peine commencé à déployer la 5 G aux États-Unis, retardée par la polémique sur les interférences avec les avions.

Tous les opérateurs qui enrôlent des abonnés par milliers répètent à l’envi une autre théorie: seul compte le contenu. Il faut donc à la fois dégager d’énormes moyens pour acquérir les droits de contenus existants ou pour produire de nouveaux contenus (qui gomment les diversités culturelles nationales par du contenu local). Netflix dépensera 17 milliards de dollars cette année, Amazon Prime de 9 à 12 milliards et Apple 6,5 milliards. Et ce, seulement pour du contenu original. Le dernier fait figure de parent pauvre, pour l’instant, avec ses 20 millions d’abonnés aux États-Unis, seul chiffre que la marque à la pomme accepte de donner.

AT&T devrait boucler, au premier semestre, une fusion de sa filiale WarnerMedia avec Discovery pour 43 milliards de dollars, afin de donner naissance à un pure player du contenu: 200.000 heures des 100 marques préférées dont HBO, Warner Bros, Discovery, DC Comics, CNN, Cartoon Network, Eurosport et Animal Planet.

AT&T et le pure player à 73 milliards

«Cet accord unit deux leaders du divertissement avec des forces de contenu complémentaires et positionne la nouvelle société comme l’une des principales plateformes mondiales de streaming direct au consommateur», a déclaré le CEO d’AT&T, John Stankey, dans un communiqué. «Il soutiendra la croissance fantastique et le lancement international de HBO Max avec l’empreinte mondiale de Discovery et créera des gains d’efficacité qui pourront être réinvestis dans la production de plus de contenu de qualité pour donner aux consommateurs ce qu’ils veulent. Pour les actionnaires d’AT&T, il s’agit d’une opportunité de libérer de la valeur et d’être l’une des sociétés de haut débit les mieux capitalisées, axée sur l’investissement dans la 5G et la fibre pour répondre à une demande substantielle et à long terme de connectivité».

Car outre les nouveaux marchés à priori faramineux comme l’Inde, les opérateurs regardent avec appétit le déploiement de la 5G. Avec plus de trois milliards de personnes sur la planète qui n’ont pas encore un accès à internet – ou pas un accès digne de ce nom pour nous Européens gâtés –, il faudra être prêt, en matière de technologie et d’offre, à prendre des parts de marché.

C’est un des enjeux. Les analystes en dessinent au moins deux autres. L’analyse du churn, des désabonnements, fait apparaître aux États-Unis qu’il émane de consommateurs avec lesquels une marque ne parvient pas à interagir et qui ont souvent commencé à souscrire sur une impulsion, par exemple lors du Prime Day d’Amazon. Surtout que l’abonnement n’est plus considéré comme un Graal définitif: au prix des abonnements, les Américains en comptent 4,2 en moyenne et vivent leur vie d’un fournisseur à l’autre en fonction des contenus.

Les yeux doux pour le sport

Dans ce marché, appelé à passer de 376 milliards de dollars en 2020 – merci la pandémie et l’ennui généralisé en confinement (+75% de temps passé à regarder du streaming en 2020 aux États-Unis) – à 932 milliards en 2028, deux tendances apparaissent. Si Netflix a grandi avec sa structure de 2.000 développeurs, en charge de créer la meilleure expérience possible, Amazon investit dans l’intelligence artificielle pour donner au consommateur lambda ce qu’il attend sans le savoir. Et investit massivement dans le sport ou l’éducation. Ce sont deux nouveaux marchés pour le streaming, bienvenus pour les fédérations sportives.

«Lorsque vous cherchez à développer une stratégie de contenu sur n’importe quelle plateforme médiatique, l’un des moyens les plus rapides de le faire, et coûteux en passant, est d’ajouter des sports», assure Lee Berke, CEO de LHB Sports, qui conseille l’industrie du divertissement sportif. 

Amazon a déjà un pied sur le marché, Apple discute avec la toute puissante fédération américaine de base-ball… et pourrait participer comme Amazon à l’appel d’offres que la prestigieuse NBA s’apprête à lancer: 75 milliards de dollars pour diffuser les matches de la ligue reine du basket-ball mondial. 

Deloitte a raison: une bataille mondiale est engagée pour plaire à des clients potentiels. Mais peu importe s’ils partent. Ils reviendront, par le programme alléchés.

Cet article est issu de la newsletter hebdomadaire Paperjam Trendin’, le rendez-vous pour suivre l’actualité de l’innovation et des nouvelles technologies. Vous pouvez vous y abonner