Mara Cruciani s’engage dans la lutte contre la maladie en levant des fonds grâce à la vente de peluches tricotées par ses soins. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Mara Cruciani s’engage dans la lutte contre la maladie en levant des fonds grâce à la vente de peluches tricotées par ses soins. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Mara Cruciani a traversé deux graves cancers du sein et s’engage désormais à sa manière dans la lutte contre la maladie avec la confection et la vente de poupées tricotées par ses soins. Rencontre en ce début du mois d’octobre rose.

C’est l’histoire de vacances au ski qui se terminent à l’hôpital, mais sans plâtre ni attèle. Mara Cruciani a 38 ans en ce mois de février 2000 lorsqu’elle remarque une gêne sur son sein gauche. «Je sentais comme une tumeur, ça me faisait mal», se souvient-elle. À son retour au Luxembourg, elle contacte son médecin et lui décrit son ressenti. Après un examen et une biopsie, le verdict tombe: la mère de famille est atteinte d’un cancer médullaire triple négatif très agressif.

«Mon médecin m’a dit: ‘Un cancer comme celui-là, j’en vois une fois tous les 15 ans.’» Pour venir à bout de cette tumeur de 2,2cm, la patiente subit six séances de chimiothérapie à raison d’une toutes les trois semaines. «C’était une chimio très puissante, très agressive. Quand j’arrivais à me remettre de la séance après trois semaines, c’était reparti pour une autre, c’était l’enfer.» Vomissements, diarrhées, douleurs, aphtes, fatigue et champignons dans la bouche, le traitement affaiblit Mara qui passe de 50 à 38kg. «J’ai été réduite à une loque vivante», évoque-t-elle.

Les amis disparaissent

Son mari et sa belle-mère prennent le relais pour s’occuper de ses deux enfants, à l’époque âgés de 6 ans et demi et 13 ans. Un soutien précieux, d’autant que la mère de famille voit ses amis lui filer entre les mains, à sa grande surprise. «C’est comme si j’avais la peste», évoque-t-elle. «Soit ils ne savent pas comment se comporter face à une maladie, soit ils ne savent pas quoi dire. Mais un malade n’a pas besoin de ça, on a simplement besoin de quelqu’un qui est à côté de nous pour nous écouter», souligne-t-elle.

Après 28 séances de radiothérapie supplémentaires, son médecin lui annonce sa guérison. «Il m’a assuré que ‘celui-là ne reviendra[it] plus’.» La vie reprend alors son cours. Après neuf mois d’interruption, Mara reprend sa carrière d’agent immobilier et, dans le même temps, elle commence à s’intéresser à la médecine alternative.

En découvrant les bienfaits de certains produits tels que le thé vert ou les pépins de raisin, la Luxembourgeoise se met à étudier ces éléments intégrés dans le suivi des patients atteints d’un cancer côté allemand, mais pas au Luxembourg. «Ce sont des choses naturelles qui ne font pas de mal et qui peuvent aider énormément le corps», résume-t-elle.

Fin 2017, la mammographie de routine et le contrôle échographique ne signalent rien d’anormal. Mais six semaines plus tard, le sein gauche de Mara se met à gonfler. «Il est devenu rouge comme du feu, j’avais 38,5°C de fièvre.» Son médecin prescrit des antibiotiques et des anti-inflammatoires, face à ce qui s’apparente à un abcès. Mais rien n’y fait, la tumeur est toujours là et dure comme de la pierre. La patiente consulte alors un autre praticien qui diagnostique un cancer triple négatif 3G, très agressif. Il propose 16 séances de chimiothérapie à raison d’une par semaine pour venir à bout de cette tumeur qui, en six semaines d’existence, mesure déjà 1,8cm.

Vous ne me touchez pas, on ne fait rien!

Mara Cruciani

«J’étais sidérée, choquée. Je lui ai dit: ‘Vous ne me touchez pas, on ne fait rien!’» Mara ne veut plus se battre ni revivre les gros effets secondaires de la chimiothérapie.

Mais nous sommes en 2018: les chimios sont désormais plus petites, plus ciblées et moins agressives pour le reste de l’organisme.

Finalement, son mari et son oncologue parviennent à convaincre la patiente de tenter le traitement. «Après la cinquième séance seulement, la taille de la tumeur avait été réduite par deux!» Ce signal positif encourage Mara à poursuivre le traitement. Finalement, il cesse après 12 séances sur les 16 annoncées. Pour la deuxième fois, elle a vaincu le crabe tant redouté.

L’échographie plutôt que la mammographie

Mais cette expérience lui a aussi fait prendre conscience de l’importance de l’échographie, qui permet la détection des cancers triples négatifs comme le sien, à la différence de la mammographie, où les tumeurs sont invisibles. «Il ne faut pas attendre 45 ou 50 ans pour faire une mammographie. Et dans mon cas, mes deux cancers, on ne les a pas vus, car ils étaient transparents. Il faut donc faire des échographies», insiste-t-elle.

De son point de vue, le dépistage du cancer du sein arrive trop tard au Luxembourg alors que «j’ai vu des femmes très jeunes, parfois à 25 ans, qui ont un cancer du sein».

Pour limiter les risques de récidive, Mara décide de procéder à une double mastectomie, dont une première le 3 août 2018 et la deuxième plus récemment. «J’ai été opérée le 31 janvier 2020. Heureusement! Avec la pandémie qui a suivi, ça serait tombé à l’eau», dit-elle sur un ton soulagé.

«Je me porte très bien dans ma tête, je peux vivre avec des prothèses, j’ai de beaux soutiens-gorges, de beaux maillots de bain, je suis beaucoup plus libre», assure Mara.

J’ai eu la chance de survivre 20 ans et de voir mes enfants grandir et maintenant, mes petits-enfants. Pour moi, c’est déjà un 6 au Loto que j’ai pu survivre à tout cela.

Mara Cruciani

Elle consacre 5 à 6 heures chaque jour au tricot pour confectionner des poupées en coton et en laine vendues au profit de la Fondation enfants atteints d’un cancer et de la Fondation Cancer. Ce crochet solidaire, c’est sa manière à elle de soutenir la lutte contre la maladie ainsi que la Fondation Cancer, qui apporte un soutien solide aux malades du cancer et à leurs proches avec des aides psychologiques et financières.

«Il est important de dire à ceux et celles qui sont dans la maladie que l’on peut toujours s’en sortir. Il faut y croire, il faut rester positif», insiste-t-elle dans un dynamisme qui contraste avec la dureté des épreuves endurées.

L’ex-malade du cancer veut désormais profiter de chaque jour: «J’ai eu la chance de survivre 20 ans et de voir mes enfants grandir et maintenant, mes petits-enfants. Pour moi, c’est déjà un 6 au Loto que j’ai pu survivre à tout cela.»