Gabriela Nguyen-Groza: «On sait qu’impliquer les parties prenantes va augmenter la probabilité que la décision prise, in fine, soit la meilleure.» (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Gabriela Nguyen-Groza: «On sait qu’impliquer les parties prenantes va augmenter la probabilité que la décision prise, in fine, soit la meilleure.» (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

«Inscrire son organisation dans une approche durable exige des dirigeants qu’ils mènent une réflexion sur leur propre processus de prise de décision», explique Gabriela Nguyen-Groza, managing partner d’Amrop Luxembourg.

Comment les dirigeants peuvent-ils agir en faveur d’une approche plus durable?

Gabriela Nguyen-Groza. – «On parle souvent de responsabilité d’entreprise, mais derrière les organisations, on retrouve des êtres humains, des dirigeants, qui prennent des décisions stratégiques. Pour arriver à une approche responsable, ils doivent eux-mêmes traduire ces engagements dans leurs choix quotidiens. L’enjeu est de passer d’une prise de décision ‘intelligente’, qui s’intéresse principalement aux résultats financiers, à une prise de décision ‘éclairée’, qui englobe également l’impact durable sur l’environnement et la société.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ce concept de prise de décision «éclairée»?

«Au sein d’Amrop, nous avons interrogé plus de 350 membres de conseils d’administration et de comités exécutifs, au niveau mondial et venant de tous les secteurs, sur la manière selon laquelle ils appréhendaient les enjeux de la responsabilité d’entreprise. Leurs réponses nous ont permis de mettre en lumière les pratiques qui favorisent la prise de décision éclairée et qui intègrent les principes de responsabilité environnementale, sociétale et de gouvernance.

Quels sont-ils?

«En travaillant avec le Dr Peter Verhezen, spécialiste en la matière, nous avons identifié trois piliers inhérents à toute prise de décision: l’autodétermination, la motivation, et une réflexion permanente sur sa capacité de prise de décision. De manière générale, on a trouvé que les dirigeants possèdent une volonté d’engager leur organisation vers une démarche responsable. Toutefois, au-delà de cette volonté, l’enquête relève certaines lacunes, les empêchant d’aller plus loin.

Comment cela?

«On sait, par exemple, qu’impliquer les parties prenantes va augmenter la probabilité que la décision prise, in fine, soit la meilleure. Or, un dirigeant sur deux a tendance à les impliquer, non pas en amont de la prise de décision, mais principalement dans l’optique de valider sa propre opinion. Seulement 4% choisissent systématiquement d’impliquer des gens qui ne sont pas forcément d’accord avec eux.

Autre problème: 71% des leaders déclarent qu’ils ont été confrontés à des situations les amenant à prendre des décisions en contradiction avec leurs valeurs personnelles. Les raisons? La pression financière, la culture locale, ou bien les demandes venant de personnes d’influence au sein de l’organisation. Il importe, dès lors, que la mission de l’entreprise soit alignée avec les valeurs du dirigeant.

De manière générale, par quoi sont motivées les décisions des leaders?

«La plupart des leaders interrogés (86%) sont motivés par l’idée de ‘servir’, plutôt que par leurs intérêts personnels. 60% sont motivés au niveau personnel par une poursuite de sens, une ‘raison d’être’, plutôt que par la pure valeur financière.

Comment peut-on faire évoluer son processus de prise de décision?

«Par le coaching, ou bien en allant chercher du feed-back de manière active, par exemple. 58% des dirigeants affirment utiliser cette dernière méthode. Le feed-back est un élément essentiel du développement du leader. La pratique régulière de la méditation, ou d’autres pratiques qui suscitent la réflexion, comme la marche ou l’écriture, permet de prendre du recul par rapport aux enjeux auxquels chacun est confronté, de mieux comprendre, et d’éclairer l’esprit.

Quelles recommandations formuleriez-vous à l’égard des dirigeants qui souhaitent éclairer davantage leur prise de décision?

«On dit souvent que les dirigeants se sentent très seuls. Il faut dès lors éviter de se retrouver isolé et, au contraire, tenter de rester bien connecté à la réalité sociale. Une réflexion consciente des dirigeants sur leur propre processus de prise de décision peut conduire à des changements sains et à des décisions éclairées, réduisant les risques et augmentant la durabilité. Ainsi, ils pourront créer de la valeur économique à long terme, tout en construisant des organisations durables et légitimes à leurs yeux et aux yeux du public.»

Cet article a été rédigé pour   parue le 24 juin 2021.

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