La crise sanitaire a totalement bouleversé le quotidien des hôpitaux, mais n’a pas mis à mal les trésoreries. (Photo: archives Paperjam)

La crise sanitaire a totalement bouleversé le quotidien des hôpitaux, mais n’a pas mis à mal les trésoreries. (Photo: archives Paperjam)

Suite à l’épidémie de Covid-19, les hôpitaux belges se retrouvent face à un déficit estimé entre 5 et 7 milliards d’euros. Au Luxembourg, la trésorerie des hôpitaux a, au contraire, très bien résisté au choc. Voici pourquoi.

Les estimations donnent des sueurs froides aux autorités politiques belges et occasionnent des insomnies aux cadres des hôpitaux. Selon leur fédération hospitalière, la crise du Covid-19 coûtera entre 5 et 7 milliards aux structures de soins. Abyssal, car, comme le soulignait le journal Le Soir, les marges sont très faibles et la perte des recettes du parking des visiteurs pourrait parfois suffire à faire basculer certaines institutions dans le rouge. 

Un système de budgétisation globale

Le même danger existe-t-il pour les hôpitaux luxembourgeois? «Non, car nos systèmes de financement sont tout à fait différents», explique Paul Junck, président de la Fédération des hôpitaux luxembourgeois.

En Belgique, les rentrées financières des cliniques sont liées pour 37% au «budget des moyens financiers», soit ce que verse l’assurance nationale maladie-invalidité pour l’occupation des lits. Et pour 40% aux actes posés par les médecins qui rétrocèdent une partie de leurs honoraires pour l’usage du matériel, des locaux, l’aide du personnel… Le solde provient des marges sur les médicaments, les parkings, la restauration ou la pose d’implants. Mais avec le Covid-19, 50% des lits étaient vides. Et l’activité médicale non urgente a été paralysée. Assez pour faire s’effondrer le bel équilibre financier, déjà bancal.

«Au Luxembourg, notre système est celui de la budgétisation globale», explique Paul Junck. «Lors d’une année paire, le gouvernement, début octobre au plus tard, décide d’une enveloppe générale pour tous les hôpitaux et cela pour deux ans. Cette année va donc être décidé le budget pour les hôpitaux pour 2021 et 2022. C’est avec cette enveloppe que les institutions doivent assumer tous les frais fixes, principalement les salaires des 8.000 employés du secteur, et les frais variables.»

Environ 1 milliard d’euros par an pour les hôpitaux

C’est l’Inspection générale de la sécurité sociale qui dresse un rapport prévisionnel en amont. La CNS et la Commission permanente du secteur hospitalier rendent aussi un avis. Et c’est sur ces bases que le gouvernement tranche. «Nous vivons donc actuellement sur l’enveloppe 2019-2020 qui a été décidée en 2018. Le montant est d’environ 1 milliard d’euros par an», poursuit Paul Junck.

Personne ne pouvait prédire qu’un tel événement allait survenir et que les hôpitaux allaient se trouver face à des surcoûts imprévus.
Paul Junck

Paul Junckprésident Fédération des hôpitaux luxembourgeois

Différence de taille: les médecins libéraux, les plus nombreux, n’ont pas de rétrocession d’honoraires à faire envers l’hôpital selon les actes posés. «C’est normal puisque le matériel et son amortissement sont notamment prévus dans le budget bisannuel.» 

Et comme les frais fixes estimés par chaque hôpital sont honorés via des avances mensuelles, et les frais variables comptabilisés en fin de mois avant envoi à la CNS qui paie ensuite, cela évite de manquer de trésorerie et «nous permet de traverser cette période sans problème de finances dans nos hôpitaux». D’autant que la CNS a renforcé son rôle de bouclier «en acceptant de payer des avances sur les frais variables pour raisons exceptionnelles».

Les surcoûts honorés via des rectifications budgétaires

Tout est donc budgétisé, anticipé, prévu au plus près. «Mais, évidemment, personne ne pouvait savoir en 2018 qu’un tel événement allait survenir et que les hôpitaux allaient se trouver face à des surcoûts imprévus et importants», reconnaît Paul Junck. Mais, là aussi, le système luxembourgeois va démontrer son efficacité. «Une solution a été trouvée avec la CNS, afin de réaliser un tableau des différentes facettes des surcoûts. Sur base de cela, chaque hôpital peut en avoir un monitoring précis en temps réel, et la CNS en être informée de manière régulière. Comme cela est prévu par la convention-cadre que nous avons avec elle, la CNS sera donc saisie à la fin de cette année de rectifications budgétaires, bien identifiées, pour l’exercice 2020, et interviendra à ce niveau.»

Le dialogue est donc permanent entre toutes les composantes du système, notamment via la commission technique financière, qui de manière paritaire réunit des membres de la CNS et des membres des hôpitaux.

Quel est le montant estimé de ces surcoûts? «Je ne sais pas encore. C’est chaque directeur financier qui en est en charge», concède Paul Junck.

Enfin, la crise sanitaire a aussi imposé des investissements spécifiques. «La tente de l’Otan près du CHL est un exemple. C’est typiquement une dépense non prévue. Là, c’est le Haut-Commissariat à la protection nationale qui la prendra en charge, comme les autres du même genre.»

Éprouvé, le modèle luxembourgeois a donc parfaitement résisté. «On travaille beaucoup dans les hôpitaux, les équipes sont fatiguées, les semaines sont éprouvantes…  Mais du point de vue de la trésorerie et des liquidités, tout va bien», se félicite Paul Junck en conclusion.