Robert Goeres: «Il n’y a pas vraiment de mauvais investissement: il faut juste savoir reconnaître une erreur.» (Photo: Edouard Olszewski)

Robert Goeres: «Il n’y a pas vraiment de mauvais investissement: il faut juste savoir reconnaître une erreur.» (Photo: Edouard Olszewski)

Tous les mois, dans Paperjam, une personnalité influente du Grand-Duché se livre à notre interview «Argent comptant». Au tour ce mois-ci de Robert Goeres, directeur de Goeres Horlogerie.

Cacahuète symbolique

Selon quel rapport à l’argent avez-vous été éduqué?

. – «J’ai été élevé dans le respect des choses que l’on possède. Pendant la guerre, mon père avait toujours dans sa poche une boîte d’allumettes con­tenant une cacahuète, et il aimait montrer qu’il la con­servait intacte. Il l’a mangée à la fin de la guerre! C’est un message qui m’est resté. Le gaspillage est aujourd’hui quelque chose qui m’énerve profondément, quel que soit l’objet.

Vous souvenez-vous de votre première activité rémunérée?

«Je suis né dans une entreprise familiale et j’ai toujours trouvé normal d’y travailler ‘gratuitement’ au départ. Pendant mes études en Suisse, pour gagner un peu d’argent avec des amis, nous réparions les horloges des clochers d’église dans les villages autour de Genève, jusqu’à ce que l’école l’apprenne…

Histoire d’une Rolex

Quel «cadeau» vous êtes-vous offert avec vos premiers salaires?

«Quand j’avais 16 ans, mon père m’a vendu ma première Rolex d’occasion pour 16.000 francs luxembourgeois (près de 400 euros, ndlr). Je l’ai revendue quatre ans plus tard pour 20.000 francs, heureux d’avoir réalisé une plus-value. Mais sitôt fait, c’est devenu mon plus grand regret.

10 ans plus tard, la personne à qui j’avais vendu la montre cherchait à la revendre. Je la lui ai rachetée 45.000 francs, et je l’ai toujours. J’espère qu’à l’avenir, quelqu’un d’autre pourra autant que moi apprécier l’objet et son histoire. Les montres ne vous appartiennent jamais vraiment, elles sont pour les générations futures.

Il y a une chose dans la vie qui ne s’achète pas: ce sont les souvenirs.
Robert Goeres

Robert GoeresdirecteurGoeres Horlogerie

Un achat trop coûteux mais que vous ne regrettez pas?

«J’ai acheté un chargeur frontal télescopique et un tracteur. Une à deux fois par an, j’aide les fermiers de mon village, dans le nord du pays. Et je ne leur demande qu’une chose en échange: participer au barbecue! Il y a une chose dans la vie qui ne s’achète pas: ce sont les souvenirs.

Virage à 180 degrés

Comment préparez-vous financièrement votre retraite?

«Quelle retraite? Un entrepreneur part-il vraiment un jour à la retraite?

Dans quels types de produits conseilleriez-vous à vos enfants d’investir?

«Dans leur éducation. Les études sont la clé pour entrer ensuite dans le monde du travail.

Quel est, jusqu’à présent, votre meilleur investissement?

«Mon entreprise.

Et le plus mauvais?

«Il n’y a pas vraiment de mauvais investissement: il faut juste savoir reconnaître une erreur. Une des forces de quelqu’un comme Steve Jobs, c’est de pouvoir faire un virage à 180 degrés pendant la nuit, de reconnaître un mauvais investissement et de passer à autre chose. Je souhaite à chacun de savoir quitter le navire au bon moment, et d’en faire l’expérience le plus tôt possible dans une carrière.

Le prix des émotions

Dans quel projet fou d’entreprise vous êtes-vous lancé?

«Celui de la nouvelle boutique Rolex (au coin de la Grand-Rue et de l’avenue de la Porte-Neuve), qui a commencé en novembre, lors de son ouverture.

Mon père m’a toujours dit: ‘Quand tu as de l’argent, tu n’en parles pas. Et quand tu n’en as pas, tu n’en parles pas non plus.’
Robert Goeres

Robert GoeresdirecteurGoeres Horlogerie

Une montre qui vous fait rêver?

«C’est toute la définition des objets de luxe, dont le prix est aussi le reflet des émotions qu’ils suscitent.

Votre resto étoilé préféré?

«Celui que tient ma femme à la maison! Et mon accord mets-vin préféré, c’est la côte à l’os avec du vin rouge que l’on mange après les moissons.

Frimer ou impressionner

Y a-t-il des choses pour lesquelles vous ne regardez pas à la dépense?

«Oui, la philanthropie. Via la Fondation Rolex, j’aime soutenir les causes qui ciblent les jeunes. Et d’une manière générale, j’aide les clubs et les associations qui sont en contact avec des jeunes. Je suis aussi très impliqué dans le scoutisme.

Qu’avez-vous appris sur le rapport à l’argent au contact d’une clientèle fortunée?

«Mon père m’a toujours dit: ‘Quand tu as de l’argent, tu n’en parles pas. Et quand tu n’en as pas, tu n’en parles pas non plus.’ Je remarque que, bien souvent, plus les gens sont fortunés, plus ils font preuve d’humilité et de discrétion. Il arrive un moment où l’on n’a plus besoin de montrer. Et il existe une différence subtile entre frimer et impressionner.»