Dans l’ADN de la création, il y a dix ans, du Centre interdisciplinaire pour la sécurité, la fiabilité et la confiance (SnT), il y a certainement la rencontre, au début des années 1990, de deux hommes. Tous les deux étudiants à Stanford, en Californie, et rentrent dans leur pays respectif, PhD en poche, mais gardent contact.
Et quand le Suédois multiple les allers-retours vers le Luxembourg où son épouse a commencé à travailler, l’idée de lui confier ce premier centre interdisciplinaire d’une université en gestation semble pertinente. «Avoir amené le SnT à ce niveau-là en dix ans, c’est son grand mérite», salue discrètement le CEO de Proximus pour Luxembourg, mardi, au Casino 2000 de Mondorf.
«Si le SnT a atteint cet âge fabuleux», ajoute, sur scène, le recteur de l’Université du Luxembourg, , «il le doit au leadership de son capitaine! Et la deuxième ‘decade’ ne vient que de commencer!»
Nvidia au cœur du dispositif
Cette nouvelle époque parlera aussi d’ADN. Dans un contexte d’intelligence artificielle et de médecine prédictive, le Luxembourg a une carte à jouer. La stratégie présentée il y a deux semaines défriche quelques pistes pour se mêler à la terrible confrontation entre Américains et Chinois.
Sur scène après le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, , qui assure la volonté du gouvernement de passer de 0,6% à 0,8% du PIB dans la recherche et l’innovation, le vice-président de Nvidia, Marc Hamilton, qui était, la veille, chez le chef du gouvernement, vient dresser le tour d’horizon des possibilités de la société américaine. Elle a investi 2 milliards de dollars l’an dernier dans l’intelligence artificielle.
«Le Luxembourg n’a pas besoin de dépenser 200 millions de dollars pour bâtir une infrastructure de superordinateurs pour l’intelligence artificielle, mais de savoir quels objectifs il veut atteindre et y consacrer les moyens nécessaires», confie-t-il en aparté.
«De plus en plus de pays veulent avoir une stratégie en termes d’intelligence artificielle. Mais pour cela, vous devez avoir des données pour entraîner ces programmes, des capacités de calcul et de l’expertise. Nous, nous mettons par exemple nos modèles à disposition pour que ceux que ça intéresse puissent commencer tout de suite.»
Les fintech et la santé, centres d’intérêt
«Nvidia est intéressé par l’idée d’être partenaire de tous les pays qui auraient des projets concrets, des développeurs, des données et des domaines d’expertise. Le Luxembourg a historiquement des données dans le domaine bancaire et financier. La santé est aussi un domaine qui nous intéresse, comme les transports ou la ‘safe city’.»
L’avantage du Luxembourg en matière de santé, explique-t-il, c’est qu’il a peut-être moins de données de santé que des grands pays, mais qu’elles sont propres. Autrement dit, des experts peuvent les utiliser directement – sans dépenser 70% de leur énergie à leur donner un format utilisable avant d’en extraire la moelle.
Dans le couloir de l’événement, où étaient réunis une trentaine de projets de recherche sur des thèmes aussi variés que les drones, le satellite, les big data ou la voiture autonome, une équipe de chercheurs aurait bien challengé cette idée.
Critix, un projet-clé pour l’avenir
Réunie autour de Maria Fernandes et Jérémie Decouchant, Critix travaille sur un aspect-clé du futur développement de l’intelligence artificielle au Luxembourg: le séquençage du génome. Cette détermination de la séquence des gènes, des chromosomes voire du génome permettrait de vérifier les écarts génétiques et d’identifier à terme les personnes qui pourraient souffrir d’une maladie particulière, comme Alzheimer ou le cancer.
Tous les ministres de la Santé ou de la Sécurité sociale du monde rêvent de pouvoir agir en amont pour limiter les coûts des maladies en aval. D’autres acteurs se livrent à une concurrence féroce pour offrir de nouvelles possibilités de retrouver ses ancêtres, en négligeant parfois le fait d’être tout à fait conformes aux obligations, comme le Règlement européen sur la protection des données. «23andME vend ses données sans que les clients aient été prévenus», explique le chercheur.
La filiale de Google avait au préalable vendu 300 millions de dollars les données anonymisées de ses clients au groupe GlaxoSmithKline. Anonymisées comment? C’est dans cet aspect que se trouve la spécificité du groupe de recherche du SnT.
«Notre ADN est à 97% commun à chacun d’entre nous – disons 90% plus 7% de faux positifs», explique M. Decouchant. «Et surtout, 3% qui sont personnels. Pour déterminer ce code, il faut 3.000GHz de calcul et ensuite, nous devons trouver une manière de rendre chaque individu propriétaire de ses 3%. Pour que ce soit à lui de décider s’il veut les partager, dans le cadre d’un projet de recherche ou d’une étude d’un hôpital, avec cette infrastructure. Notre solution va créer par exemple un ‘pool’ de 1.000 génomes à disposition, mais il ne sera possible ni d’identifier les individus dans ces 1.000 possibilités, ni même de comparer deux groupes de 1.000 qu’on aurait obtenu à deux moments différents pour identifier les individus. C’est un système à base de blockchain et de chiffrement.»
Le génome intéresse beaucoup de monde à Luxembourg, de discrètes petites start-up à l’abri des écosystèmes à la biobanque (IBBL) – structure publique créée il y a dix ans –, au Luxembourg Centre for Systems Biomedicine – autre centre interdisciplinaire de l’université créé également en 2009 – ou au Luxembourg Institute of Health. Mais le SnT est peut-être le seul à se pencher sur la question de la sécurité des données par défaut et de cette manière futuriste.
C’est dans son ADN.