Fredrik Skoglund, chief investment officer, Banque internationale à Luxembourg. (Photo: BIL)

Fredrik Skoglund, chief investment officer, Banque internationale à Luxembourg. (Photo: BIL)

Les actions américaines ont connu un mois d’octobre catastrophique, à l’image de l’indice S&P 500 dont les gains annuels sont littéralement partis en fumée. Octobre, c’est aussi la dernière ligne droite avant les élections de mi-mandat aux États-Unis, lors desquelles les Républicains vont devoir défendre leur majorité à la Chambre et, dans une moindre mesure, au Sénat. Le président Trump, qui tend à se servir de la hausse des actions comme d’un baromètre de sa réussite, a cherché à mettre ce décrochage boursier sur le compte de la Fed et de ses tours de vis successifs.

Depuis le mois de juillet, il réprouve ouvertement le projet de celle-ci de relever progressivement les taux d’intérêt à court terme. Trop hâtif selon lui, ce relèvement siphonnerait une partie du bénéfice économique de ses baisses d’impôts, et compliquerait le travail de son gouvernement alors même que l’impact des droits de douane nés des dernières querelles commerciales commence à se faire sentir.

La Fed reste sourde aux admonestations présidentielles et poursuit son chemin vers une normalisation monétaire.

Fredrik Skoglund, chief investment officer à la Bil

Mais la Fed reste sourde aux admonestations présidentielles et poursuit son chemin vers une normalisation monétaire. En septembre, elle a procédé à son troisième relèvement de taux de l’année, à 2-2,25%. À cela, Donald Trump a répondu par un flot de critiques trois jours durant: «Cette correction est causée, selon moi, par la Fed et les taux d’intérêt»; «La Fed commet une erreur... je crois que la Fed perd la tête»; la Fed «devient dingue».

Le problème avec ces critiques ouvertes, c’est qu’elles risquent d’entacher la crédibilité de la Réserve fédérale américaine.

De l’importance d’une Fed indépendante

La Fed, indépendante du pouvoir politique, a un double mandat: maximiser l’emploi et assurer la stabilité des prix au sein de l’économie américaine. Pourquoi cette indépendance? Parce que les responsables politiques tendent à embrasser une vision court-termiste des objectifs économiques, liée au rythme électoral. Si le pouvoir politique s’entêtait à constamment doper la croissance, l’inflation finirait par lui échapper, et minerait sérieusement cette croissance. Une Fed indépendante peut en quelque sorte «fermer le bar» avant que la fête ne dérape (c’est-à-dire avant toute surchauffe de l’inflation et de l’économie).

Par ses critiques, Donald Trump s’attribue le mérite des évolutions favorables et rejette sur la Fed la responsabilité de ce qui ne va pas.

Fredrik Skoglund, chief investment officer à la Bil

Dans les années 1970, la frontière entre le pouvoir politique et le contrôle de la politique monétaire s’est brouillée, entraînant des conséquences particulièrement dommageables. Arthur Burns, le président de la Fed à l’époque, cédait alors aux pressions de Nixon en maintenant des taux bas. Ce qui valut à la Fed une véritable perte de crédibilité dans son rôle de gardien de l’inflation, la hausse des prix se maintenant entre 3 et 12% annuellement, pendant près de 10 ans. Pour ramener l’inflation sous contrôle, la Fed a dû se résoudre à appliquer un taux directeur supérieur à 20%, ce qui a eu aussi pour effet de pénaliser la croissance américaine.

Par ses critiques, Donald Trump s’attribue le mérite des évolutions favorables et rejette sur la Fed la responsabilité de ce qui ne va pas – à plus forte raison, dès lors que les élections de mi-mandat approchent. Mais user de la politique monétaire comme d’un punching-ball a d’autres implications que de gagner en popularité. La crédibilité de la banque centrale américaine est ici en jeu et les investisseurs pourraient finir par douter de la trajectoire annoncée. Cette incertitude sur la politique monétaire américaine risquerait d’impacter négativement le cours du dollar et de miner la confiance du marché. À l’inverse, la Fed pourrait vouloir asseoir plus fermement son indépendance en durcissant davantage sa politique.