L’ évolution des médias au Luxembourg coïncide avec l’émergence des trois plus grands groupes du pays. Fondé par l’archevêché en 1848, le Wort, du groupe Saint-Paul, est le plus ancien quotidien du pays encore en activité, et reste en tête des journaux les plus lus, bien que son audience s’érode. Son pendant d’obédience socialiste, le Tageblatt, fondé en 1913, reste le poursuivant de toujours. Quant à l’audiovisuel, depuis les premiers programmes radiophoniques dans les années 30, la marque RTL n’a cessé de se développer pour devenir l’acteur prédominant. Tandis que le groupe dispose d’un monopole télévisuel, ses parts de marché en radio lui permettent d’occuper les premières places du podium, via son programme généraliste (RTL Radio Lëtzebuerg), son programme musical qui n’en finit pas de progresser (Eldoradio), sa chaîne en langue allemande (l’Oldiesender), et avec L’essentiel Radio, dans laquelle le groupe détient une participation de 25%.

Le paysage médiatique au Luxembourg s’est du reste enrichi progressivement avec l’apparition d’autres acteurs, comme les journaux Lëtzebuerger Journal, d’Lëtzebuerger Land, Woxx et le Zeitung vum Lëtzebuerger Vollék, les publications de Maison Moderne (Paperjam, Delano, Archiduc...), la radio publique 100,7, la radio associative Radio Ara, l’hebdomadaire satirique Feierkrop, le périodique Forum, ainsi que l’hebdomadaire tabloïd Lëtzebuerg Privat. Sans oublier de nombreuses publications magazines, actives essentiellement dans le domaine du lifestyle.

Mission de service public pour RTL

Véritable porte-drapeau et fierté nationale pour beaucoup d’acteurs économiques et politiques, RTL Group et son bras armé de la diffusion, CLT-Ufa, sont détenus depuis 2001 majoritairement par Bertelsmann, et donc la famille allemande Mohn. Rien que le chiffre d’affaires de CLT-Ufa (700 millions d’euros) et les 688 employés de RTL Group au Kirchberg illustrent son importance. Figurant parmi les plus grands employeurs du pays, RTL se distingue dans les conditions de son développement par son statut hybride. En échange de remplir une mission de service public convenue dans un accord scellé avec l’État, RTL peut compter sur des conditions favorables à son expansion internationale.

Le gouvernement luxembourgeois a ainsi signé, début avril, un nouveau contrat de concession pour les années 2021 à 2023, qui prévoit que l’État pourra compenser le déficit financier de la chaîne télévisée luxembourgeoise jusqu’à 10 millions d’euros par an. En outre, RTL gardera le droit d’utiliser les fréquences nationales jusqu’en 2030. Des fréquences dont la valeur serait estimée à quelque 5 millions d’euros, contre 10 à 15 auparavant, indiquait le député ADR, Roy Reding, suite à une réunion à la Chambre avec le Premier ministre Xavier Bettel fin janvier. De par sa mission de service public, RTL est censée refléter la société luxembourgeoise. Ses contenus sont généralistes et la couverture de l’actualité se penche sur la politique nationale, en réservant beaucoup de place aux faits divers et au sport. Dans la suite de l’affaire Lunghi, pour laquelle RTL Télévision et les journalistes en charge du reportage se sont vu infliger un blâme du Conseil de presse pour avoir manipulé des images d’une interview avec l’ancien directeur du Mudam, RTL Lëtzebuerg sera doté de davantage de règles déontologiques.

Editpress, principal bénéficiaire de l’aide à la presse

Saint-Paul publie entre autres le Luxemburger Wort, ainsi que le magazine hebdomadaire le plus lu, le Télécran, et l’hebdomadaire en langue portugaise, Contacto. Le groupe appartenant à l’archevêché participe aussi majoritairement à la société qui opère la seule radio lusophone du pays, Radio Latina. Le Wort couvre en large partie l’actualité politique locale, nationale, européenne et internationale, ainsi que l’économie et la culture. Ses lecteurs sont très friands des informations locales, des annonces et des avis mortuaires. La ligne éditoriale a ses origines dans le camp catholique et conservateur. Néanmoins, elle s’est émancipée au cours des dernières années, allant à certaines reprises jusqu’à s’attirer la critique du parti chrétien-social (CSV). Le Wort est le premier, et jusqu’à présent unique, média au Luxembourg à avoir introduit un paywall, donc certains contenus payants sur internet, mais accessibles à ses abonnés de la version papier. Une formule et un accès qui ont permis que, selon les responsables du Wort et les données de TNS Ilres, l’audience du site internet n’en souffre pas trop.

Editpress publie le quotidien Tageblatt, principalement en langue allemande, et l’hebdomadaire Le Jeudi, en langue française. En outre, Editpress tient des participations dans Lumedia, qui publie le quotidien en langue française Le Quotidien, et dans Edita, qui publie le seul quotidien gratuit du pays, L’essentiel, le journal le plus lu après le Wort. Le Tageblatt accorde dans ses contenus beaucoup de place au commentaire politique, qui ne cache pas, tout comme dans les autres publications d’Editpress, sa sympathie pour le mouvement syndical et les acquis sociaux. Le Quotidien suit cette tendance, tout en réservant une place plus importante à la couverture sportive. L’essentiel se limite, comme son titre l’indique, à l’essentiel, ou plutôt à des brèves qui donnent en quelques lignes les principaux titres d’actualité luxembourgeoise, internationale, sportive et people. Avec ses nombreuses publications, le groupe Editpress engrange la plus grande part de l’aide publique à la presse écrite, malgré une part d’audience inférieure au groupe Saint-Paul.

En radio, le Luxembourg dispose, hormis les chaînes des trois grands acteurs RTL, Saint-Paul et Editpress, d’une chaîne associative, Radio Ara, et d’une chaîne publique, l’établissement de radiodiffusion socioculturelle, opérant sous la marque «radio 100,7». Créée en 1992 lors de la libéralisation du marché audiovisuel, 100,7 a pu se développer en une chaîne complémentaire en offrant des programmes musicaux classiques et alternatifs. Son programme est consacré en grande partie à l’information, qui se concentre sur des sujets politiques et de société.

Maison Moderne publie entre autres Paperjam, mais aussi le magazine en anglais Delano ou encore Archiduc, consacré à l’architecture. La première entreprise média indépendante se finance exclusivement par ses propres recettes. Depuis 2017, elle peut prétendre à un financement public au titre de l’aide à la presse en ligne instaurée par le gouvernement, avec une enveloppe de 100.000 euros par an. Paperjam, le magazine et son site internet, couvre principalement l’actualité écofin et politique du pays.

De par leur nombre d’employés, leurs chiffres financiers ou leur audience, les quotidiens Lëtzebuerger Journal, proche du parti libéral (DP), et la Zeitung vum Lëtzebuerger Vollék, communiste, les hebdomadaires d’Lëtzebuerger Land et Woxx (associatif dont les membres ont une tendance écologiste et sociale), et l’hebdomadaire satirique Feierkrop demeurent des acteurs d’une taille plus modeste. Ces publications reflètent néanmoins un certain pluralisme, particulièrement dans le cas du d’Lëtzebuerger Land, qui milite pour un journalisme de qualité et d’investigation. En évoquant la qualité, il convient aussi de citer le périodique Forum, qui fournit régulièrement des dossiers très complets et des points de vue éclairés sur différents sujets politiques, sociétaux ou culturels. Le périodique est financé grâce à une aide à la presse culturelle de l’État, aux revenus des ventes, aux publicités et aux dons.

Depuis 2006, on trouve également dans les kiosques un hebdomadaire de format tabloïd, Lëtzebuerg Privat, fondé par Jean Nicolas, à qui il faut reconnaître d’avoir révélé l’affaire des voitures de service, mais dont la «ligne éditoriale» marie souvent fausses informations et collages insultants, ce qui vaut au magazine d’être régulièrement convoqué au tribunal. Le «Groupe de presse Nicolas» (comme l’indique le site internet, mais qui n’est pas enregistré au Registre de commerce) publie en outre le périodique people Promi.