Nicolas Montrieux, Partner & COO Inowai Residential et Julien Licheron, chercheur au LISER et coordinateur de l’Observatoire de l’Habitat (Crédit: Mike Zenari)

Nicolas Montrieux, Partner & COO Inowai Residential et Julien Licheron, chercheur au LISER et coordinateur de l’Observatoire de l’Habitat (Crédit: Mike Zenari)

Le résident luxembourgeois aspire toujours à devenir propriétaire, bien que la montée des prix de l’immobilier résidentiel dans le pays risque de peser de plus en plus sur le budget des ménages. Des solutions existent. 

Ce n’est un secret pour personne: les prix des logements, qu’il s’agisse d’appartements ou de maisons, à la location ou à la vente, connaissent une forte croissance au Luxembourg. Selon le LISER, le prix des appartements en construction a connu une augmentation annuelle moyenne de 5% entre 2008 et 2018. «Cette progression trouve son origine dans le décalage profond qui existe entre l’offre et la demande sur le marché. La demande en logement est sans cesse portée par la croissance démographique, alors que la construction de logements reste nettement insuffisante et n’a d’ailleurs pas beaucoup augmenté ces dernières années», souligne Julien Licheron, chercheur au LISER et coordinateur de l’Observatoire de l’Habitat.

Depuis 2019, la tendance semble s’être encore accélérée, avec des niveaux de progression compris entre 12 et 14%. «Cette croissance à deux chiffres s’explique plus difficilement, concède Julien Licheron. J’espère que la situation va s’assainir, sans quoi, cela risque de devenir compliqué d’accéder à la propriété, à moins de contracter un prêt hypothécaire sur 35 ou 40 ans...»

Des terrains à libérer

Le résident luxembourgeois «aime être propriétaire, voire multipropriétaire, analyse Jean-Nicolas Montrieux, Partner & COO Inowai Residential. Dès lors, très peu de biens immobiliers sont remis sur le marché. La demande se reporte sur les biens neufs, qui peinent à sortir de terre suffisamment rapidement, et qui coûtent de plus en plus cher. Résultat : le marché est en train de bouillir.»

Dans l’immobilier résidentiel, c’est le foncier qui s’affiche en maître du jeu. Le principal challenge consiste donc à le mobiliser, en trouvant les solutions qui inciteront les propriétaires à vendre leurs terrains. «Le pays dispose d’un potentiel de 2.850 hectares, qui permettrait de construire 50.000 à 80.000 logements, et ce sans étendre le périmètre. Mais pour l’instant, il n’y a pas d’incitation à vendre», regrette Julien Licheron. « Si le propriétaire n’a pas besoin de liquidités, il n’a, actuellement, aucune raison de mettre sa parcelle en vente, poursuit Jean-Nicolas Montrieux. Disposer d’un terrain, c’est un placement sûr, pour lequel il n’existe aujourd’hui pas d’alternative aussi intéressante. »

Des locataires discrets

Longtemps, le Luxembourg a encouragé ses résidents à acheter leur logement, à travers des aides financières. «D’un point de vue fiscal, l’acquisition reste beaucoup plus intéressante que la location», indique le chercheur du LISER. Conséquence: 72% des résidents luxembourgeois sont propriétaires, quand la moyenne européenne se situe à 69%. 24% des habitants sont locataires sur le marché privé, les 4% restants sont logés gratuitement chez des connaissances ou dans des logements à prix réduit.

On le voit, la location reste un marché secondaire. Le montant des loyers augmente d’ailleurs moins vite que celui des habitations vendues. «En outre, c’est un produit plus disponible, on peut plus facilement louer qu’acheter. Trouver un bien à acquérir dans certains quartiers est très difficile. De nombreux candidats se tournent vers des logements qui ne correspondent pas à leur idéal, par dépit», ajoute Jean-Nicolas Montrieux «Il y a cette volonté de devenir propriétaire, quels que soient les sacrifices à faire, poursuit Julien Licheron. Cela fait partie du modèle luxembourgeois. Et ce qui est assez surprenant, c’est que même une grande partie des résidents d’origine étrangère finissent par se conformer à ce modèle.»

Ainsi, malgré l’augmentation des prix du logement, le taux de propriété n’a pas diminué ces dernières années. «Les Luxembourgeois continuent à acheter. Ils se disent que les prix seront plus élevés demain et que devenir propriétaire constitue donc un bon investissement», commente l’expert d’Inowai.

Contrer la montée des prix

Disposant d’un haut pouvoir d’achat et pouvant s’appuyer sur des taux d’intérêt bas, la plupart des résidents ne semblent donc pas – encore – souffrir de la situation. Pour les ménages aux revenus plus faibles, l’accès à la propriété, et même à la location, se durcit néanmoins. Certains se voient repoussés au-delà des frontières. D’après Eurostat, les ménages luxembourgeois ont consacré en moyenne 24,2% de leur budget au logement (eau, électricité et chauffage compris) en 2018, un pourcentage équivalent à la moyenne européenne. Cependant, depuis 2005, cette enveloppe a augmenté deux fois plus vite au Grand-Duché. «Pour répondre à ce problème, on pourrait développer davantage l’habitat social. Mais le Luxembourg n’a jamais fait ce choix. Le logement social ne représente en effet qu’environ 2% du parc immobilier», commente Julien Licheron.

Au-delà de la mobilisation du foncier, d’autres pistes pourraient permettre d’enrayer la croissance des prix. «On peut imaginer augmenter la densité et la hauteur des logements, de manière raisonnée, ou mieux exploiter l’espace disponible dans les combles ou les habitations sous-occupées, explique Jean-Nicolas Montrieux. Mais ces idées se heurtent encore aujourd’hui à la législation.»

Des solutions créatives pourraient également être déployées, telles que le co-living, l’habitat groupé, des logements avec des équipements collectifs et mutualisés ou encore de grands projets urbanistiques comme à Belval. «Ces développements immobiliers ne peuvent toutefois se faire en vase clos, confie Jean-Nicolas Montrieux. Ils doivent être réfléchis en tenant compte des enjeux de mobilité, d’infrastructure, d’aménagement du territoire ou encore d’urbanisme, ce qui est loin d’être aisé. Mais le Luxembourg a la volonté et les moyens d’y parvenir.»

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