Luc Frieden: «Les incertitudes liées au Brexit engendrent beaucoup de questions de la part de nos clients asset managers, sociétés financières et sociétés d’investissement depuis 2016, et elles augmentent donc d’autant le nombre de dossiers à traiter pour nous.» (Illustration: Shutterstock)

Luc Frieden: «Les incertitudes liées au Brexit engendrent beaucoup de questions de la part de nos clients asset managers, sociétés financières et sociétés d’investissement depuis 2016, et elles augmentent donc d’autant le nombre de dossiers à traiter pour nous.» (Illustration: Shutterstock)

Si les interrogations et les craintes sont encore nombreuses, les opportunités que constitue le Brexit pour le Luxembourg le sont tout autant. L’implantation de nouvelles entreprises dans le pays, notamment dans le secteur financier, ou la recrudescence d’activité pour les cabinets d’avocats et de conseil en sont l’illustration la plus visible. Mais même le secteur de la logistique a une carte à jouer en mettant en avant ses compétences digitales.

Cet article est paru dans l'édition mars 2019 du .

«Qui dit complexité, dit opportunités, pour des cabinets comme le nôtre», lançait Pierre-Jean Estagerie, partner chez Deloitte Tax & Consulting, lors de la conférence Prepare4Brexit, qui s’est tenue le 8 février dernier. Dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les cabinets de conseil tirent largement leur épingle du jeu, les demandes d’expertise étant pléthore.

Les cabinets d’avocats sont généralement sollicités en premier lieu pour aider les sociétés dans leurs demandes de création ou d’extension de licence. «Afin d’obtenir une licence pour opérer à partir du Luxembourg, elles ont aussi besoin d’un ensemble de services qui en découlent, tels qu’un soutien à la mise en place de nouvelles infrastructures ou de structuration des équipes, qui sont plutôt du ressort des activités de conseil. Dans ce cadre, nous avons observé une croissance de ces demandes depuis l’annonce du Brexit», souligne Christophe Diricks, partner chez KPMG Luxembourg.

Celui-ci remarque également que des asset managers comme Wells Fargo ou Fidelity, présents historiquement au Luxembourg, demandaient quant à eux des extensions de leurs licences, «ce qui génère une augmentation de leurs activités pour lesquelles les cabinets de conseil peuvent offrir un large éventail de services».

Londres a toujours été pour nous un marché très important, et nous travaillons beaucoup en coopération avec des avocats londoniens.

Luc FriedenP artner et responsable de la task force BrexitElvinger Hoss

Les Big Four sont taciturnes quant à la part supplémentaire d’affaires générée grâce au Brexit. Mais leurs résultats 2017-2018 ont en tous cas été particulièrement bons: à titre d’exemple, KPMG Luxembourg a réalisé une croissance de 8% en 2018, tandis qu’EY Luxembourg réalisait sa meilleure année depuis six ans en 2017, avec un chiffre d’affaires en hausse de 10,9%.

«Londres a toujours été pour nous un marché très important, et nous travaillons beaucoup en coopération avec des avocats londoniens. Les incertitudes liées au Brexit engendrent beaucoup de questions de la part de nos clients asset managers, sociétés financières et sociétés d’investissement depuis 2016, et elles augmentent donc d’autant le nombre de dossiers à traiter pour nous», constate , partner et responsable de la task force Brexit chez Elvinger Hoss. Ce dernier note par ailleurs qu’un premier flux de demandes est arrivé en 2017 et 2018, et anticipe une deuxième phase après la clarification des relations futures avec le Royaume-Uni.

Des problématiques variées

Outre l’octroi de licences, de nouvelles règles comptables, fiscales et de contrôle s’appliqueront pour les sociétés qui exercent des activités en lien avec le Royaume-Uni, ce qui représente aussi des affaires supplémentaires pour les cabinets d’audit et d’expertise-comptable. Les problématiques des sociétés concernant le Brexit étant variées et denses, la plupart des cabinets de conseil ont mis en place des équipes et des offres dédiées, ainsi que des sites internet ou des blogs spécialisés.

«Les cabinets de conseil et d’avocats aident notamment les sociétés qui réalisent des opérations transfrontalières. Celles-ci requièrent des compétences particulières de par la complexité de l’environnement réglementaire auquel elles doivent faire face. Des sociétés comme les nôtres permettent de recourir à un large réseau d’experts dans les pays concernés, avec des compétences très ciblées», déclare Christophe Diricks.

Déjà présentes ou non au Luxembourg, les banques, compagnies d’assurances et fonds d’investissement sont les entreprises les plus consommatrices de conseil, que ce soit concernant les modalités de sortie du Royaume-Uni de l’UE, ses impacts (économiques, sociaux, fiscaux, financiers), ou encore l’identification des risques et des opportunités.

À long terme, nous perdons un allié au niveau européen dans le cadre du travail législatif.

Luc FriedenPartner et responsable de la task force BrexitElvinger Hoss

EY Luxem­bourg mentionne également qu’il existe une demande accrue de la part des sociétés immobilières et de private equity dans l’implémentation de plates-formes opérationnelles, ou dans l’adaptation de leurs modèles de gouvernance et de fonctionnement au contexte du Brexit.

Quant à l’organisation elle-même des sociétés de conseil, elle n’est pas non plus freinée par le Brexit: «En tant que cabinet, nous avons des clients supplémentaires, mais notre société n’est pas affectée par le Brexit, étant donné que nous ne délivrons pas de services au Royaume-Uni», relève Luc Frieden. Celui-ci reste cependant prudent quant aux conséquences politiques de la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

«À court terme, le Brexit apporte des affaires supplémentaires au Luxembourg. À long terme, nous perdons un allié au niveau européen dans le cadre du travail législatif, en particulier concernant la dimension transfrontalière des services financiers», conclut Luc Frieden.