Les profils intéressants pour le secteur financier se situent à la fois dans les pays frontaliers, d’Europe du Sud et de l’Est. (Illustration: Maison Moderne)

Les profils intéressants pour le secteur financier se situent à la fois dans les pays frontaliers, d’Europe du Sud et de l’Est. (Illustration: Maison Moderne)

Le recrutement, comme la rétention de personnel, devient de plus en plus complexe dans le secteur financier. La chasse de têtes est indispensable pour quasiment tous les niveaux de profils.

Recruter au Luxembourg dans le secteur financier est une gageure. Les candidats, peu nombreux, sont en position de force pour négocier, alors que, dans le même temps, les recruteurs haussent leurs exigences. Résultat: l’offre et la demande ont de plus en plus de mal à se rencontrer, et les asymétries entre salaires et compétences se multiplient.

«Le secteur financier était auparavant demandeur de profils plutôt généralistes. Aujourd’hui, les entreprises recherchent des profils complets, ayant une spécialité et de l’expérience», constate Géraldine Kadret, executive associate chez Michael Page Luxembourg.

Dans son «Salary Guide 2020», Robert Half Luxembourg dresse ainsi la panoplie de compétences qu’un candidat doit présenter pour travailler dans le secteur des fonds.

Outre les formations (licence ou maîtrise en économie ou en finance), le cabinet de recrutement ajoute l’expérience dans un fonds d’investissement alternatif, la maîtrise de l’anglais, de l’allemand et/ou du français, des compétences informatiques, et une connaissance des cadres comptables Lux Gaap ou IFRS.

Dans les fonds, les candidats étaient traditionnellement recherchés pour le marché Ucits; désormais, celui de l’AIFM s’y ajoute.

Géraldine KadreExecutive associateMichael Page Luxembourg.

La liste ne s’arrête pas là: «Les organisations du secteur de l’investissement apprécient également les candidats qui ont une expérience avérée dans l’analyse et la préparation d’états financiers, une bonne connaissance des structures européennes fiscalement avantageuses, ainsi que des véhicules d’investissement et des exigences réglementaires associées.» Sans compter les qualités humaines, comme la communication et l’empathie.

«Dans les fonds, les candidats étaient traditionnellement recherchés pour le marché Ucits; désormais, celui de l’AIFM s’y ajoute, et les compétences ont également évolué. Dès lors, certaines personnes se retrouvent mises de côté, tandis que d’autres sont sursollicitées», note Géraldine Kadret.

Savoir raison garder

Les candidats négocient à la fois le niveau de salaire et les éléments liés à l’équilibre vie professionnelle/vie privée (possibilité de télétravail, flexibilité des horaires, nombre limité de déplacements professionnels, etc.).

«En termes de salaire, il faut savoir rester raisonnable, dans l’intérêt de tous. Si le salaire est trop décorrélé des compétences, tout le monde y perd. Il faut donc veiller à ne pas surévaluer la valeur salariale d’un candidat, au risque d’avoir ensuite des disparités flagrantes de compétences pour un même salaire», prévient Géraldine Kadret.

Celle-ci remarque ainsi que, pour un même intitulé et contenu de poste, par exemple de comptable ou de corporate officer, la rémunération peut aujourd’hui varier de 40.000 à 80.000 euros.

«Aujourd’hui, nous faisons face à une pénurie de candidats pour deux raisons majeures: soit ils connaissent le marché luxembourgeois et demandent un salaire élevé, soit il leur manque des compétences par rapport à celles demandées, notamment s’ils viennent de l’étranger», précise Géraldine Kadret.

Les comptables qui parlent allemand sont particulièrement difficiles à recruter, car l’Allemagne offre déjà des conditions attractives, et les Big Four en recrutent aussi beaucoup.
Géraldine Kadret

Géraldine Kadretexecutive associateMichael Page Luxembourg

Les métiers qui recrutent le plus sur la Place sont ceux qui sont liés au corporate, au juridique et à la comptabilité, et ceux qui permettent de justifier d’une substance. Le point noir: trouver des recrues pour les métiers du risk management, de la compliance, ou relatifs aux nouvelles structures d’AIFM.

«Il n’y a pas forcément un manque de candidats, mais une pénurie de compétences et de connaissances. En effet, les personnes sont tout juste en train de se former, et les métiers ne sont pas encore maîtrisés, comme dans les métiers réglementaires», déclare Géraldine Kadret.

Selon Robert Half, dans le seul secteur des fonds, les postes les plus recherchés sont les suivants: fund accountant, senior fund accountant, accounting manager, fund controller, et finance manager dans le private equity ou le real estate.

Le défi ultime consisterait à attirer un comptable germanophone. «Les comptables qui parlent allemand sont particulièrement difficiles à recruter, car l’Allemagne offre déjà des conditions attractives, et les Big Four en recrutent aussi beaucoup. Par ailleurs, le Luxembourg reste un marché de back et de middle-office. Les personnes qui travaillent dans les fonds et qui souhaitent aller dans l’investment management et le front-office regardent plutôt outre-Rhin», signale Géraldine Kadret.

Rotation de personnel

Attendre les CV des candidats n’est donc pas une option. «Dans le pays, la chasse de têtes se pratique quasiment en permanence, et dès les profils ‘middle’. Nous chassons surtout en Europe, pour éviter les procédures de visa qui peuvent être trop longues pour nos clients, les obligeant à patienter plusieurs mois», affirme Géraldine Kadret.

Les profils intéressants pour le secteur financier se situent à la fois dans les pays frontaliers, d’Europe du Sud et de l’Est. La Roumanie et la Pologne ont notamment de très bonnes formations en comptabilité et finance. Quant au déclenchement du Brexit, il ne devrait par générer un afflux d’embauches: «Le recrutement à Luxembourg est culturellement très éloigné de celui de Londres, qui est plutôt une place de front-office. De plus, les compétences linguistiques anglaises sont souvent restreintes par rapport à celles d’autres pays européens», atteste Géraldine Kadret.

Lorsqu’une personne ne connaît pas son prochain challenge en interne et qu’elle commence à regarder ailleurs, elle va trouver.

Géraldine Kadretexecutive associateMichael Page Luxembourg

Enfin, une fois un candidat recruté, reste encore à le retenir dans l’entreprise. Certes, l’évaluation annuelle peut permettre d’identifier les personnes à «risque de départ». Mais la rotation du personnel atteint encore une moyenne comprise entre 12 et 13% pour l’ensemble des métiers de la finance, selon le dernier «Remuneration Survey» de KPMG.

«Il faut disposer d’une vraie gestion de carrière de ses salariés. Lorsqu’une personne ne connaît pas son prochain challenge en interne et qu’elle commence à regarder ailleurs, elle va trouver. Le suivi des salariés et l’assignation d’objectifs deviennent cependant complexes dans le secteur bancaire, du fait des nombreuses réorganisations qu’il connaît», déplore Géraldine Kadret.