Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne / Archives)

Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne / Archives)

L’Asie devrait connaître un taux de croissance économique plus élevé qui s’explique par une croissance démographique et des gains de productivité. Alexandre Gauthy, macroéconomiste chez Degroof Petercam Luxembourg, analyse ces perspectives.

Le poids de l’Asie émergente devient de plus en plus important dans l’économie mondiale. Alors que la région ne représentait que 7% de l’économie mondiale en 2000, selon le Fonds monétaire international, elle atteindra plus d’un quart en 2022. Ce développement est dû à un taux de croissance économique plus élevé en Asie que dans le reste du monde. L’Asie va-t-elle pouvoir garder cet avantage dans les prochaines années?

Un taux de croissance économique structurellement plus élevé en Asie que dans le monde peut être attribué aux deux facteurs explicatifs de la croissance à long terme: la démographie et les gains de productivité. Aujourd’hui, environ 60% de la population mondiale vit en Asie. Avec un taux de 0,9% attendu pour cette année, la croissance démographique annuelle asiatique dépasse celle de l’Europe (proche de 0%), des États-Unis (+0,7%) et du Japon (-0,25%).

La productivité est fortement influencée par le capital, la compétence de la main-d’œuvre et par le progrès technologique.
Alexandre Gauthy

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

L’Afrique reste le continent où la croissance démographique est la plus forte (+2,5%). Selon les Nations unies, de 2020 à 2030, la population mondiale augmentera de 755 millions de personnes – soit environ la taille actuelle de la population européenne –, et l’Asie à elle seule sera responsable de 43% de cette hausse. Par conséquent, la démographie favorable en Asie est l’un des deux éléments qui expliquent pourquoi le continent asiatique devrait bénéficier d’une croissance économique plus élevée que la croissance mondiale au cours des prochaines années.

Cependant, un profil démographique positif ne suffit pas à lui seul à accroître la production. Il faut en même temps que les économies puissent générer des emplois pour ces nouvelles personnes qui rentrent sur le marché du travail, et que ces emplois soient également plus productifs.

La grande majorité des pays asiatiques ont un taux d’épargne brut supérieur à la moyenne mondiale.
Alexandre Gauthy

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

Les gains de productivité constituent le deuxième pilier de développement économique à long terme. Si le nombre de travailleurs dans un pays ainsi que le nombre d’heures prestées restent inchangés, la production totale n’augmentera que si la productivité par heure de travail progresse.

La productivité est fortement influencée par le capital, la compétence de la main-d’œuvre et par le progrès technologique. Elle est l’élément déterminant des salaires réels et du niveau de vie. Le taux d’épargne relativement important des pays asiatiques explique en grande partie les gains de productivité supérieurs en Asie par rapport aux autres régions.

Ce taux élevé permet de financer directement ou indirectement – via le crédit bancaire – les investissements de long terme nécessaires à l’amélioration de la productivité de l’économie. La grande majorité des pays asiatiques ont un taux d’épargne brut supérieur à la moyenne mondiale. Au contraire, une économie à taux d’épargne faible privilégie la consommation à court terme au détriment des investissements.

La région asiatique étant à un stade de développement économique inférieur aux pays développés, le rattrapage technologique peut également s’opérer au travers des investissements étrangers qui peuvent contribuer à améliorer la productivité du travail. En implantant des succursales dans les pays émergents, les sociétés des pays avancés favorisent le développement économique de cette région grâce à l’apport de compétences et de technologies.

Mais pour inciter les sociétés étrangères à investir dans ces pays, un nombre de conditions doit être rempli. En général, les pays africains disposent d’une large population jeune rentrant sur le marché du travail, mais l’instabilité politique, la corruption, le manque de lois protégeant les investisseurs et la lourdeur administrative de certains pays peuvent décourager les investissements étrangers, ce qui constitue un frein dans leur développement économique.

Il est donc logique que globalement, les pays asiatiques reçoivent plus d’investissements directs étrangers que les pays africains.
Alexandre Gauthy

Alexandre GauthymacroéconomisteDegroof Petercam Luxembourg

La Banque mondiale publie chaque année une classification des pays en fonction de leur facilité à y développer des affaires. Elle étudie un certain nombre de critères primordiaux pour le bon déroulement des affaires, par exemple la résolution des faillites, le cadre légal entourant la création d’entreprises (encourageant ou non l’esprit d’entreprendre), l’état des infrastructures, la facilité d’octroi d’un crédit bancaire, la gouvernance d’entreprise, etc.

Sans surprise, les pays développés figurent en tête de ce classement. Un grand nombre de pays asiatiques se placent relativement bien (Malaisie 15e place, Thaïlande 27e, Chine 46e, Vietnam 69e, Indonésie 73e, Inde 77e). Par contre, la plupart des pays africains se retrouvent dans le bas du classement.

Il est donc logique que globalement, les pays asiatiques reçoivent plus d’investissements directs étrangers que les pays africains. En guise d’exemple, pour l’année 2017, les investissements directs étrangers représentaient plus de 1,5% du PIB en Inde, en Thaïlande, aux Philippines, en Indonésie et en Malaisie, alors qu’ils s’élevaient à un montant inférieur à 1% du PIB en Algérie, au Kenya, en Afrique du Sud, au Soudan et au Nigeria.

Un meilleur climat des affaires en Asie explique donc en grande partie la raison pour laquelle le taux de croissance de l’économie asiatique a été supérieur au taux de croissance africain au cours des 10 dernières années, malgré un facteur démographique plus favorable en Afrique.