Télétravail, management dans un monde Covid, quête du bonheur au travail, reconnaissance des métiers nécessaires… Julia de Funès décrypte les nouveaux comportements du monde de l’entreprise dans son nouvel ouvrage «Ce qui changerait tout sans rien changer». Un condensé des contradictions de notre monde que la crise actuelle n’a fait qu’exacerber.

Quelle(s) trace(s) laissera la crise du Covid-19 sur notre rapport au temps, au travail et à nous-mêmes? Des questions dont les réponses restent à écrire, mais sur lesquelles Julia de Funès porte un regard à la fois critique et constructif.

Dans son ouvrage «Ce qui changerait tout sans rien changer», paru aux Éditions de l’Observatoire, la philosophe spécialisée dans le monde du travail revient notamment sur les rapports hiérarchiques et leur évolution sous l’effet d’un télétravail voué à perdurer.

Comment le patron doit-il se situer dans le cadre plus flexible, mais en même temps plus contrôlé, du télétravail?

Julia de Funès. – «On ne peut plus contrôler les salariés comme quand ils sont visibles en permanence. Donc, il faut lâcher prise sur ses collaborateurs. C’est un gage de confiance qui leur est demandé. Le management aujourd’hui – il y a évidemment des phases de contrôle – doit passer d’un manager ‘contrôleur’ à un manager ‘ressource’.

C’est quoi le bonheur?

«C’est très subjectif, très personnel. C’est une affaire entre soi et soi-même. C’est pourquoi je m’insurge contre les définitions du bonheur ou les bonnes recettes pour être heureux, ‘les 5 leçons pour être heureux’… C’est quelque chose d’assez gratiné en général. Non, il n’y a pas de définition. Il est indéfinissable. Il est contingent. Il est éphémère. Ce n’est pas un état stable. On peut être heureux trois semaines et malheureux les six mois d’après, et surtout il dépend de personnes qui vont au-delà du ‘petit moi’. Si mes enfants vont mal, je suis forcément malheureuse. Donc tout ne dépend pas de moi et c’est pour cela encore une fois que tous les bons conseils ‘Comment être heureux?’ dépendent de tellement de paramètres qui nous dépassent, qu’il faut vraiment l’accueillir quand il arrive et puis ne pas en faire un objectif parce qu’il est très difficile à atteindre.

Pourquoi est-ce qu’on a besoin, plus que jamais, d’entendre la voix des philosophes dans les médias?

«La philosophie est vieille. Elle n’a jamais perdu de son prestige. Elle a cinq mille ans. Aujourd’hui, on a besoin de spiritualité laïque, c’est-à-dire une forme de repères, sans tomber forcément dans la religion. Et la philosophie donne du sens, des repères, de la culture. C’est aussi parce qu’on manque de culture, on manque de mots, on manque de vocabulaire, que la philosophie est essentielle. Quand on manque de mots, on a moins de pensées et tout se nivelle. C’est à la fois une discipline enrichissante d’un point de vue intellectuel, et très enrichissante d’un point de vue existentiel aussi. Elle permet de mieux vivre théoriquement.»