Jérémie Schaeffer, partner & head of the Corporate Implementation department chez Atoz. (Photo: Maison Moderne)

Jérémie Schaeffer, partner & head of the Corporate Implementation department chez Atoz. (Photo: Maison Moderne)

L’année 2019 sera rythmée localement par une coalition gouvernementale dont la légitimité a été renforcée par les urnes et, en Europe, par des élections dont les résultats pourraient avoir des conséquences sans précédent. De fait, le sentiment dominant de ce début d’année est l’incertitude.

La montée des tensions politiques et sociales, la volatilité des marchés, l’augmentation des niveaux de dette font dire à certains qu’une fin de cycle approche et que la prochaine crise financière pourrait frapper sous peu. Dans ces temps incertains, esquisser les premiers traits de cette année 2019 est un exercice périlleux.

Le projet luxembourgeois

Sous plusieurs angles, la déclaration gouvernementale est prometteuse: le gouvernement s’engage à ne pas augmenter la taxe d’abonnement (engagement timide de l’avis de certains) et il envisage de revoir le régime existant du carried interest avec pour objectif d’attirer, «au-delà de la domiciliation et de l’administration des fonds, également la partie front-office de la chaîne de valeur». Dans le contexte du Brexit et de l’essor de la Place en matière de fonds d’investissement alternatifs (FIAs), la mise en place d’outils destinés à attirer davantage de métiers stratégiques est de bon augure. Toutefois, les efforts d’investissement en infrastructures doivent être accentués pour accompagner ces bonnes intentions.

Outre son projet d’adopter des mesures fiscales favorables aux fonds d’investissement durables et socialement responsables, le gouvernement souhaite également initier, au travers de la Société Nationale de Crédit et d’Investissement (SNCI), le lancement de différents fonds d’investissement devant servir l’écosystème local. L’objectif est de préparer la mise en place d’une structure pouvant succéder au Luxembourg Future Fund (LFF) et qui contribuera au développement de start-up. Le gouvernement et la SNCI prévoient également le lancement du «Luxembourg Space Fund». C’est là un pari sur l’avenir, de ceux qui ont fait la force du pays et dont il peut s’enorgueillir.

Enfin, l’intention du gouvernement est de suivre de près la digitalisation du secteur financier et de soutenir son développement. Si la note adressée il y a quelques semaines par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) à la Commission européenne oriente résolument le débat vers la mise en place de solutions européennes, le Luxembourg devrait être à l’avant-poste pour convertir les opportunités de se positionner sur ce secteur.

Quelles orientations européennes?

Dans l’attente de normes techniques de l’AEMF, la nouveauté de ce début d’année est l’extension depuis ce 21 janvier de la mise en application du règlement concernant les fonds monétaires (money market funds, MMFs) à tous les organismes de placement collectif en valeurs mobilières et aux FIAs concernés.

La Commission prévoit de lancer différentes évaluations des Directives et règlements européens: revue des règles de fonds propres des entités réglementées, de l’infrastructure des marchés financiers, des documents d’information aux investisseurs, du fonds européen d’investissement de long terme. On se souviendra toutefois que la revue de la Directive concernant les gestionnaires de FIAs (GFIA) devait être initiée au plus tard le 22 juillet 2017.

La douzaine de thèmes abordés par l’étude de marché commandée par la Commission devrait donner lieu à un réexamen des textes applicables, commençant par une amélioration et des précisions concernant le processus de commercialisation transfrontalier, dont l’adoption d’une réglementation et d’une Directive spécifiques est prévue pour mai, quelques jours avant les élections.

PRIIPs est sous le feu des critiques.
Jérémie Schaeffer

Jérémie SchaefferPartner & head of the Corporate Implementation departmentAtoz

Conformément à la Directive GFIA, l’année 2018 devait marquer la fin de l’application des régimes de placement nationaux pour la distribution dans l’Union de FIAs non UE ou par des GFIA établis dans des pays tiers. Alors que l’AEMF avait donné un avis positif concernant l’introduction du passeport pour certaines juridictions, le Brexit a suspendu le processus.

La Commission se réserve le droit de revoir le régime d’équivalence actuellement prévu par la Directive avant d’introduire le passeport pour les fonds et gestionnaires établis dans certains pays tiers, mais dans un contexte de Brexit, les avancées sur ce point sont délicates.

PRIIPs est sous le feu des critiques. La réglementation visant à assurer une meilleure transparence et une simplification de l’information mise à disposition des investisseurs de détail donne des résultats peu satisfaisants. Les acteurs du secteur souhaitent une évaluation et une révision du règlement avant son application élargie.

À la lecture des bonnes résolutions luxembourgeoises et européennes, mais face à un contexte politique, économique et social d’une complexité rare, nul doute que l’actualité réglementaire en cette nouvelle année sera une nouvelle fois foisonnante et amènera son lot de défis aux gestionnaires et aux fonds luxembourgeois.

Cet article a été corédigé par Jérémie Schaeffer, partner & head of the Corporate Implementation department, et Benoît Kelecom, principal – Asset Management.