Jacques Chahine, président de la Sicav Digital Funds (Photo: archives paperJam)

Jacques Chahine, président de la Sicav Digital Funds (Photo: archives paperJam)

Ce n’est pas parce qu’on n’est plus patient, qu’on est devenu impatient. Tel est le nouveau discours de la Fed plein de contorsions qui ont fait dire à certains qu’il s’agit du célèbre pas de danse Moonwalk de Michael Jackson où on donne l’illusion d’avancer alors qu’en réalité on recule.

Le timing de la hausse des taux est reculé sine die et dépendra toujours des mêmes paramètres, à savoir un emploi de qualité et un retour de l’inflation vers les 2%. Ces deux souhaits, sauf accident, semblent en voie de se réaliser. Les salaires sont sous pression pour les petits boulots avec des hausses en cascade initiées par Walmart. Quant à l’inflation, les chiffres sous-jacents hors énergie sont de façon stable autour de 2% et la simple stabilité du baril devrait mécaniquement faire revenir l’inflation à partir de la fin de l’année.

Contrairement aux apparences, l’inflation est bien ancrée aux US

(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)  

Les prix dans la restauration sont en hausse de 3,1%, les loyers de 3% et l’ensemble des services continuent de progresser au rythme régulier de 2,4% par an.

Un passage à vide de l’économie américaine

Un petit passage à vide de l’économie a fait peur à la Fed. L’énorme chute du prix du pétrole n’a pas été relayée par des dépenses dans d’autres secteurs, les ménages ayant augmenté massivement leur taux d’épargne. Même si les ventes de logements neufs sont en amélioration constante, mais très modérée, leur dernier niveau, le plus élevé à 539.000 logements en rythme annuel, est très loin du niveau d’avant la crise de 1.200.000. Une bonne partie des ménages ont été mis hors marché après leur défaillance et personne ne leur prête même si les taux sont à zéro. Par contre, on veut bien leur prêter à guichet ouvert pour acheter de l’automobile, dont le marché a dépassé les plus hauts d’avant la crise, mais dont on perçoit la saturation ces derniers mois. La force du dollar a également ralenti les exportations. La croissance du PIB au 1er trimestre  a du coup été drastiquement revue à la baisse de 3% à 2,2%.

Les marchés boursiers américains, qui souffraient d’un excès de valorisation et surtout des profits anémiques ont tenu une nouvelle fois (dernière?) grâce au maintien de la morphine par la Fed.

Les premiers effets bénéfiques du QE se font sentir dans l’eurozone

En eurozone, les premiers effets bénéfiques du QE se font sentir. Reprise des exportations, des taux encore plus bas et beaucoup de liquidités, chute de l’euro et premières révisions timides à la hausse des prévisions de croissance. L’Allemagne profite à fond de la conjoncture et accumule des excédents commerciaux astronomiques au rythme de 20Mds d’euros par mois. Le marché automobile s’est envolé  au mois de février au rythme de 787.000 véhicules/mois corrigé des variations saisonnières, en hausse de 8% sur un an et 21% en rythme annuel de janvier à février. Le potentiel de rattrapage est encore énorme pour retrouver le million de véhicules/mois. Les taux zéro ne sont pas été étrangers à ce phénomène. Citons l’Espagne qui progresse de 27% sur les deux premiers mois, l’Italie de 12%, le Portugal de 32%. La France et l’Allemagne progressent de 5% seulement.

Le marché automobile européen sort de sa crise la plus longue.

(Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Mais les signes de déflation sont encore profonds en eurozone même sans l’impact de l’énergie. Si le dernier chiffre de Mars s’affiche en moyenne à 0%, il n’est que de 0,6% hors énergie, ce qui signifie qu’il sera long et difficile de remonter la pente. La chute de l’euro ne semble pas avoir eu d’impact sur l’indice des prix.

Attention aux risques géopolitiques

Le mois de mars a vu revenir les risques géopolitiques, car les désordres s’approchent dangereusement des champs pétroliers des pays du Golfe avec le Yémen. Le risque grec est toujours en tête de l’actualité, personne ne sait où est la solution. On dirait aussi que le marché s’en fout un peu… L’accord imminent avec l’Iran peut avoir des effets positifs à court terme, avant qu’une bombe nucléaire de jihadistes du coin ne nous tombe du ciel. L’Ukraine semble s’éloigner de l’actualité et il suffit d’un  peu de calme de Poutine pour que les sanctions nuisibles disparaissent.

Profits stables aux US en 2015, fort rebond en eurozone

Les résultats des sociétés américaines de T1 seront décevants, sous l’effet l’énergie et du dollar cher. C’est surtout les perspectives de T2 et suivantes qui sont toujours rabotées et nous attendons des résultats flats en 2015. Les profits en eurozone semblent par contre bien ancrés et à part l’énergie, presque tous les secteurs sont revus à la hausse. Nous n’excluons pas une croissance à deux chiffres pour l’eurozone, la Grande-Bretagne souffrant par contre des mêmes problèmes que les US.

Nos objectifs de cours aux US et en Europe dépendent des taux à 30 ans et comment ils vont évoluer en cours d’année. L’objectif du S&P 500 s’établit entre 1972 et 2077, pour un 30 ans à 3% et 2,75% respectivement. Si le taux observé de 2,58% se maintient, le cours pourrait s’approcher des 2.150 points. En Europe, le 30 ans allemand est à 0,65%, mais nous retenons comme objectif des taux entre 1,5 et 2% tenant compte des autres pays de la zone. Sur ces bases, le Stoxx 600 vaut entre 405 et 455 pour une clôture à 398.

Dans un monde bizarre de taux négatifs, nous continuons de surpondérer l’eurozone sachant qu’il y a toujours une multitude de risques dont la Grèce.