Abrogé sous la pression internationale, le régime actuel sur la propriété intellectuelle bénéficie d’une période transitoire jusqu’en 2021. Le temps pour les ministères des Finances et de l’Économie de mettre en place un nouveau texte, conforme aux nouveaux standards internationaux. (Illustration: Maison Moderne)

Abrogé sous la pression internationale, le régime actuel sur la propriété intellectuelle bénéficie d’une période transitoire jusqu’en 2021. Le temps pour les ministères des Finances et de l’Économie de mettre en place un nouveau texte, conforme aux nouveaux standards internationaux. (Illustration: Maison Moderne)

À compter du 1er juillet, la générosité offerte par l’article 50bis de la loi de l’impôt sur le revenu n’est plus. Sous la pression internationale, le Luxembourg a donc mis un terme officiel à la déductibilité de 80% sur les revenus des brevets, des noms de domaines, des marques ou des droits d’auteur sur les logiciels. Annoncée fin 2015, la mesure est accompagnée d’une période transitoire qui s’étalera jusqu’au 30 juin 2021. À l’exception cependant des sociétés liées – à savoir les sociétés qui font partie d’un même groupe – qui verront les avantages acquis perdurer jusqu’au 31 décembre prochain.

Mais alors qu’il semblerait logique que l’abrogation d’un régime soit suivie de la mise en place d’un nouveau, le cas de figure ne se présentera pas. Du moins pas encore. «Il existe des contraintes très claires au sein des directives Beps de l’OCDE et du code de conduite de la Commission européenne qui font que le level playing field sera mis en place, mais à l’heure actuelle, nous n’en sommes nulle part pour ce nouveau régime», annonce Katia Manhaeve, présidente de l’Association internationale pour la protection de la propriété industrielle (AIPPI) Luxembourg. «D’autres pays en revanche, comme les Pays-Bas, l’Irlande ou l’Italie, annoncent déjà être en train de préparer une législation.»

Des discussions au sein des ministères des Finances et de l’Économie sont bel et bien en cours, mais la recherche d’un plan B reste d’actualité. La lettre conjointe rédigée par l’AIPPI et la Fédération des conseils en propriété industrielle destinée à exprimer leur «étonnement» a toutefois abouti à l’implication des professionnels du secteur dans les réflexions en cours. Dans une réponse parlementaire publiée en début d’année, Pierre Gramegna (DP), ministre des Finances, indiquait que ses services étaient en phase d’analyse «des différentes formes d’engagements susceptibles de promouvoir la recherche et le développement, afin de dégager quelle pourrait être une forme efficace et, le cas échéant, faisable à court terme, tout en étant conforme aux nouveaux standards internationaux».

Assise extrêmement large de l’ancien régime

Instauré en 2007 afin de placer le pays aux premières places en termes de recherche et développement, l’article 50bis n’a pas connu le succès immédiatement. Et ce malgré son assise relativement large qui incluait notamment les dépôts de marques. «Certains fiscalistes très affûtés s’étaient posé la question de savoir si cette largesse n’était pas un peu limite par rapport aux règles internationales», se souvient Didier Lecomte, managing partner du cabinet Lecomte & Partners. «Mais le texte, bien que très favorable aux entreprises, n’était pas totalement délirant, puisqu’il prévoyait des contraintes, notamment en indiquant qu’il fallait un minimum de substance.»

Le futur régime pourrait introduire un système de certification pour officialiser le caractère innovant de certains actifs.

Katia Manhaeve, présidente de l’AIPPI

C’est pourtant ce seuil minimal, associé à l’agressivité du régime ayant exacerbé la compétition fiscale entre États, qui causera la perte de cet article. Jusqu’au 1er juillet, la législation luxembourgeoise permettait en effet aux sociétés redevables de l’impôt au Grand-Duché de générer des revenus liés aux brevets, sans réel regard sur une présence physique.

La future législation, sous l’influence des critères de l’OCDE, devrait donc renforcer le lien direct entre les activités liées à la propriété intellectuelle et le territoire luxembourgeois. Et supprimer du cadre la notion de dépôt de marque. Bien que plus contraignantes, les nouvelles règles pourraient également représenter des opportunités, à en croire plusieurs spécialistes. «Le futur régime pourrait, par exemple, introduire un système de certification pour officialiser le caractère innovant de certains actifs, aboutir à la mise en place de crédits d’impôt ou renforcer la position du pays en matière de droits d’auteur sur les logiciels», estime Katia Manhaeve, qui juge que «cette question, au-delà de l’impact purement financier, doit s’intégrer dans une stratégie globale qui doit faire du Luxembourg un pays d’innovation».