«En dépit de cette vague de communication, il faut en premier lieu souligner que le marché de la voiture électrique reste anecdotique», affirme Pascal Lebois. (Photo: Edmond de Rothschild)

«En dépit de cette vague de communication, il faut en premier lieu souligner que le marché de la voiture électrique reste anecdotique», affirme Pascal Lebois. (Photo: Edmond de Rothschild)

Le salon de Francfort l’a démontré il y a quelques jours encore: la voiture électrique a le vent en poupe. Elle fut la grande vedette de cette grand-messe promotionnelle qui vient de s’achever sur les rives du Main. Ce marché bénéficie d’un contexte favorable et d’une lente prise de conscience internationale. Depuis 1997, et le protocole de Kyoto, les États se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de façon à limiter le réchauffement de la planète. Un nouvel élan a aussi été pris en 2015 à l’occasion de la Cop 21 et de l’Accord de Paris sur le climat, avec à la clé la volonté affichée de réduire la part des véhicules à moteur à combustion dans les volumes de ventes.

Dieselgate

Mais c’est bien sûr le scandale Volkswagen de septembre 2015 et les soupçons de trucage visant plusieurs leaders mondiaux qui ont créé l’électrochoc et vraiment accéléré la mutation du marché. Preuve que le «dieselgate» a provoqué un changement stratégique: ce même groupe Volkswagen vient d’annoncer vouloir doubler ses investissements dans les voitures électriques pour les porter à plus de 20 milliards d’euros d’ici 2030. Le constructeur allemand vient de déclarer qu’il lancerait 80, et non plus 30 nouveaux modèles électriques, dans les différentes marques du groupe d’ici 2025.

BMW, Nissan, Jaguar… Ces dernières semaines, tous les constructeurs ou presque ont rivalisé d’annonces d’investissements et de nouveaux modèles zéro-émission, à même de séduire des consommateurs.

Fin des voitures thermiques?

Les États multiplient également les messages pour afficher leur volonté de réduire la part des voitures à énergie fossile dans leurs parcs automobiles. L’Allemagne a annoncé dès octobre 2016 la fin de la commercialisation des voitures thermiques d’ici à 2030. La décision de Berlin a été suivie par l’Inde, la France, et le Royaume-Uni.

En avril 2017, la Chine a dévoilé un calendrier pour augmenter le volume de véhicules électriques à 7 millions par an d’ici à 2020.

Encore anecdotique

Il convient néanmoins de relativiser cet élan d’enthousiasme dans une optique d’investissement. En dépit de cette vague de communication, il faut en premier lieu souligner que le marché de la voiture électrique reste anecdotique. Il a représenté moins de 1% des voitures commercialisées en 2016 aux États-Unis. Même en quadruplant de volume, comme le prévoient certains analystes, les ventes devraient se limiter à moins de 650.000 en 2021 outre-Atlantique. En dépit des efforts des constructeurs et du recul du prix des batteries de 73% entre 2010 et 2016, le prix des voitures électriques demeure prohibitif, au regard des voitures à moteur à combustion.

De même, les infrastructures de recharge sont rares et à même de décourager les prospects. À ce jour, on dénombre moins de 370.000 bornes dans le monde. Cela reste infime au regard des capacités des stations-service ordinaires. Et ces stations électriques, qui ne peuvent continuer à vivre qu’à la faveur des subventions de ces États, restent peu rentables. Enfin et là encore malgré les progrès enregistrés, l’autonomie des véhicules reste limitée, hormis pour les véhicules très haut de gamme de Tesla. Elles restent donc avant tout adaptées à un usage quotidien en espace urbain ou périurbain.

Pure players

Enfin, en dépit des promesses de croissance de ce marché, il sera difficile aux investisseurs d’en tirer un véritable avantage. Hormis Tesla, qui vient de se diversifier dans les panneaux photovoltaïques, les «pure players» sont peu nombreux. La plupart des acteurs de la voiture électrique sont des constructeurs ordinaires qui vont être contraints de revoir leur organisation industrielle et commerciale, mais aussi d’investir massivement pour répondre aux nouvelles attentes environnementales.

Les plus avancés en la matière sont Renault, BMW et certains constructeurs chinois comme BYD. Dans la chaine de valeurs de la construction de véhicules électrique, Panasonic fait figure de leader dans la production de cellules électriques pour les batteries. Il fournit Tesla, Renault et BMW. Plus en amont, la plupart des minéraux nécessaires sont des terres rares essentiellement présentes en Chine et dans lesquelles il est donc difficile d’investir. Ceci pourrait aussi poser des problèmes de goulot d’étranglement dans un futur plus ou moins proche.