Le chanteur Enrico Macias compte parmi les victimes de la Landsbanki. (Photo: YouTube)

Le chanteur Enrico Macias compte parmi les victimes de la Landsbanki. (Photo: YouTube)

Le juge d’instruction Renaud Vank Ruymbeke a suivi le réquisitoire du Parquet de Paris, livré en janvier dernier, en renvoyant dix personnes en correctionnelle dans l’affaire Landsbanki, une escroquerie aux emprunts hypothécaires qui a fait près de 100 victimes, dont le chanteur Enrico Macias.

Paperjam.lu a pu se procurer la copie de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris pour escroquerie et abus de confiance. L’ordonnance a été signée le 24 septembre et communiquée aux parties civiles le lendemain.

La filiale luxembourgeoise de la banque islandaise Landsbanki, qui avait vendu des emprunts toxiques, va donc être jugée ainsi que ses principaux dirigeants et des apporteurs d’affaires en France.

Renaud Van Ruymbeke a retenu que la banque luxembourgeoise avait «trompé M. Ghrenassia dit Enrico Macias et les autres parties civiles par l’emploi de manœuvres frauduleuses (…) en faisant consentir aux emprunteurs des sûretés réelles garantissant le montant total du prêt, alors qu’elle conservait la plus grande partie des fonds et qu’elle fournissait des informations mensongères sur les modalités de l’opération financière, auxquelles l’intervention d’un officier ministériel donnait force et crédit, ainsi que sur sa solvabilité».

Manque de sérieux

Le juge parisien souligne encore dans son ordonnance que c’est la Landsbanki «qui a développé le produit ‘equity release’ et (que) ses représentants, au premier chef ses dirigeants, ont placé le produit pour son compte». La banque ne développait ses activités «que grâce à la trésorerie apportée par sa société mère qui l’a entraînée dans sa chute», note le magistrat. Il évoque enfin le «manque de sérieux dans le développement à haut risque de la banque, organisé et planifié de façon inconsidérée dans l’intérêt exclusif de ses actionnaires et dirigeants».

En manque de liquidités, la Landsbanki avait proposé, via sa filiale luxembourgeoise, de 2006 à 2008, à des centaines de particuliers d'hypothéquer leur maison en contrepartie de prêts avantageux.

Le montage impliquait que l'emprunteur reçût une partie de la somme, tandis que la banque réinvestissait le reste sur les marchés. La valeur de ce portefeuille devait grossir au point de couvrir l'intégralité de l'emprunt, qui n'était remboursable qu'à son terme.

Mais dans la foulée de la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers en septembre 2008, plusieurs banques islandaises s'étaient effondrées, dont la Landsbanki, nationalisée en urgence.

Conséquence de la crise, les placements proposés par Landsbanki Luxembourg ont perdu la majeure partie de leur valeur. D'où les plaintes des particuliers à partir de 2009, dont certains ont été ruinés et accusent la banque d'avoir sciemment proposé le montage financier sans vérifier les capacités de remboursement des clients.

Aucun risque pour la banque

Selon le témoignage d’un apporteur d’affaires de Landsbanki, «la majorité des clients de la banque qu’il avait apportés n’avaient pas la possibilité, au regard de leurs revenus, de payer les intérêts du prêt». Ce qui prouve, selon le juge d’instruction, «que leur banque leur avait fait croire que les intérêts du placement couvriraient les intérêts du prêt dont le paiement était différé». «La banque», souligne-t-il encore, «ne courait aucun risque puisqu’elle avait une garantie hypothécaire sur l’intégralité du prêt, couvrant à la fois la partie débloquée et la partie placée.»

L'ancien président du conseil d'administration de la maison mère islandaise, Björgolfur Gudmundsson, qui présida un temps le club anglais de West Ham United, fait partie des dirigeants renvoyés devant le tribunal correctionnel. «Sa responsabilité pénale est engagée à l’égard des emprunteurs qui ont été trompés sur la solvabilité apparente de la banque luxembourgeoise», signale Renaud Van Ruymbeke.

La liquidatrice de Landsbanki Luxembourg, Me Yvette Hamilius, avait échappé à l'inculpation. Elle avait entendue dans la procédure comme témoin assisté.