Sous le terme «data embassy» se cache un centre de données auquel on accorde les privilèges et immunités d’une ambassade classique. (Photo: Basiczto)

Sous le terme «data embassy» se cache un centre de données auquel on accorde les privilèges et immunités d’une ambassade classique. (Photo: Basiczto)

Qu’est-ce qu’une e-embassy ou data ambassy?

Le terme le plus approprié est «data embassy». Il exprime plus clairement de quoi on parle, puisqu’il s’agit d’un centre de données auquel on accorde les privilèges et immunités d’une ambassade classique. Autrement dit, la salle de serveurs qui hébergera des données de l’Estonie au Luxembourg bénéficiera des accords diplomatiques prévus par la convention de Vienne de 1961, de la même façon que les ambassades installées boulevard Royal. La data embassy offre la possibilité à l’Estonie de protéger des données sensibles dans un pays ami. C’est un point important quand on se rappelle que l’Estonie a déjà été victime d’une cyber-attaque qui a paralysé ses sites gouvernementaux, des banques et des médias pendant deux semaines. La data embassy stockera donc au Luxembourg des informations gouvernementales dont le contenu est évidemment confidentiel.

Pourquoi le Luxembourg a-t-il été choisi pour accueillir la data embassy?

En fait, les deux pays se sont trouvés! Depuis 2015, l’Estonie et le Luxembourg réfléchissent ensemble sur l’hébergement de données. Et puis, il y a eu un déclencheur: le Brexit. Gilles Feith, le directeur du Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE), y a vu l’occasion de relancer le sujet. Le moment est venu pour l’État balte de rapatrier ses data centers londoniens au Grand-Duché. Pour parfaire la proposition, le Luxembourg offre bien plus qu’une simple salle de serveurs. Il lui attribue un véritable statut d’ambassade, assurant ainsi non seulement une sécurité informatique, mais également une protection diplomatique.

Le Grand-Duché possède une grande expérience dans l’hébergement de données sensibles. Il est un des pays leaders dans ce domaine: 25% des data centers Tier IV (le plus haut niveau de garantie qu’un centre de données puisse offrir avec une disponibilité de 99,99%) se trouvent au Luxembourg. Par ailleurs, le pays a bâti depuis les années 2000 un réseau de télécommunications qui le connecte aux plus gros nœuds de raccordement à internet en Europe. Il offre donc à l’Estonie une place de confiance pour ses données et des infrastructures robustes, autant de gages pour une relation diplomatique sereine et une démarche innovante.

Est-ce que tous les pays auront un jour leur e-embassy?

Aucun pays n’avait encore proposé de statut d’ambassade à un data center gouvernemental. Mais on peut imaginer que l’idée fasse florès et s’étende à des organismes intergouvernementaux. Ainsi, un accord aurait été trouvé afin d’héberger au Grand-Duché les archives électroniques du Registre européen des brevets (EPO), selon ce même principe d’e-embassy.

Ce type d’opération est un atout considérable pour le pays d’accueil qui se positionne ainsi comme un pôle d’excellence dans le digital et la sécurité des données. Les entreprises locales peuvent facilement se placer sur les appels d’offres. Gilles Feith confie, par exemple, que les data centers de l’Otan hébergés au Luxembourg coûtent environ 25 millions d’euros sur cinq ans, dont la quasi-totalité revient aux entreprises du pays. Un vrai booster pour l’économie nationale.