Bernard Madoff s’est confié en prison à la journaliste américaine Barbara Walter. (Photo: YouTube/abc News)

Bernard Madoff s’est confié en prison à la journaliste américaine Barbara Walter. (Photo: YouTube/abc News)

Une audience entière avait été réservée hier par le Tribunal administratif pour entendre enfin les plaidoiries dans un litige opposant l’avocat d’affaires Pierre Delandmeter à la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). Le régulateur avait envoyé le 4 janvier 2010 une décision à l’avocat lui reprochant de ne pas avoir agi avec l’honorabilité professionnelle exigée par la réglementation financière dans le cadre de ses mandats d’administrateur de la société de gestion Access Management Luxembourg et du fonds d’investissement Luxalpha.

Deux entités luxembourgeoises qui avaient servi à l’escroc américain Bernard Madoff pour récolter l’épargne de centaines d’investisseurs européens. L’escroquerie avait été évaluée à 1,5 milliard d’euros, rien que sur le fonds Luxalpha.

Perte d’honorabilité

Me Pierre Delandmeter se vit enjoint de démissionner avec effet immédiat de tous ses mandats d’administrateur d’entités surveillées par la CSSF pour laquelle il n’était «plus digne de confiance». 

L’avocat avait fait appel de la décision administrative, estimant être victime d’un «acharnement prudentiel» de la CSSF et se présentant comme le seul bouc émissaire de ce scandale financier, alors que les responsabilités pouvaient être cherchées ailleurs, notamment auprès des responsables de la banque dépositaire de Luxalpha, UBS, qui en était également le promoteur et le gérant via ses filiales, cumul de fonctions non autorisées par la réglementation sur la gestion collective. De plus, comme le relève le recours de l’avocat, UBS Luxembourg «était légalement habilitée à signer des contrats de courtage pour BMIS», la société financière de Bernard Madoff aux États-Unis.

Le recours contre la décision de la CSSF a produit une série d’effets boule de neige en raison de la sensibilité de l’affaire. Delandmeter s’est d’abord battu pour avoir accès à des correspondances entre la CSSF et la banque UBS. Il a fallu qu’il introduise des recours contre le refus de communication. La Cour administrative a fini par lui donner raison en ordonnant au régulateur de fournir courriers, notamment avec UBS, et copie de ses enquêtes dans le cadre du scandale Madoff.

Stratégie d’obstruction

Or, alors que la Cour a rendu son arrêt le 5 janvier 2015, enjoignant la CSSF à communiquer «l’intégralité des enquêtes ou instructions menées» dans le cadre de l’affaire Madoff «et pièces reçues par elle à cette occasion», un coup de théâtre s’est produit.

L’avocat de la banque UBS ainsi que certains de ses administrateurs, mis en cause dans l’affaire Madoff, ont fait «tierce opposition» pour ne pas que Pierre Delandmeter ait accès aux pièces, ni qu’il puisse les exploiter et qu’elles deviennent ainsi publiques. Il s’agit d’une procédure exceptionnelle.

Cette démarche s’inscrit, selon les défenseurs des victimes de la fraude Madoff découverte en décembre 2008, dans une stratégie d’obstruction systématique de la banque UBS.

C’est en tout cas au nom de cette procédure de tierce opposition toujours en instance et à la demande de l’avocat d’UBS que l’audience de plaidoirie qui avait été fixée ce lundi après-midi, et ce depuis la rentrée judiciaire, a dû être remise. Et refixée au 21 mars prochain.

Le temps pour la Cour administrative de revoir éventuellement sa position et de rendre un nouvel arrêt.

L’avocate d'UBS n’a souhaité faire aucun commentaire en marge de l’audience.

Comme l’a signalé la juge, c’est la deuxième fois qu’une audience entière ayant été réservée pour l’affaire est remise.

Pierre Delandmeter et les anciens dirigeants d’UBS sont au cœur d’une plainte pénale déposée par les liquidateurs de Luxalpha. L’instruction de l’affaire a été confiée au juge Ernest Nilles, qui dirige le cabinet d’instruction.