Le Commissariat aux assurances a-t-il fixé ses frais de contrôle des courtiers arbitrairement? (Photo: Luc Deflorenne )

Le Commissariat aux assurances a-t-il fixé ses frais de contrôle des courtiers arbitrairement? (Photo: Luc Deflorenne )

Décidément, le Commissariat aux assurances a du mal à faire passer la taxe pour le contrôle des courtiers en assurances. Un premier essai en 2012 avait échoué pitoyablement devant le tribunal administratif en raison du défaut de base légale du règlement grand-ducal du 21 juillet 2012, adopté d’urgence sans qu’il y ait de justification.

Dans une version initiale qui fut retoquée, le Commissariat avait fixé la taxe à 6.000 euros par an, mais l’annulation du dispositif par les juges administratifs avait rétabli la taxe à son montant précédent, qui datait de 2007, à 600 euros par an.

Le régulateur du secteur de l’assurance avait revu à la rentrée 2014 l’ensemble de ses taxes, mais n’avait pas voulu toucher à celle prélevée sur les courtiers. Le Commissariat aux assurances cherchait à négocier un compromis avec les professionnels du courtage. Il en est sorti une proposition qui ressemble à tout sauf à un compromis. Le projet de règlement grand-ducal présenté par le ministre des Finances à la mi-décembre 2014 suscite toujours la polémique parmi les courtiers, qui sont fermement soutenus par la Chambre de commerce, comme ce fut d’ailleurs le cas en 2012.

Écrit avec de l’encre au vitriol, l’avis de l’organisation patronale est tombé le 20 février et vient d’être publié sur son site internet.

Détermination arbitraire

Le principal grief porte sur le montant de la taxe annuelle, 4.000 euros, huit fois plus élevé qu’en Belgique. Ce serait, selon l’organisation patronale, la porte ouverte à une fuite des courtiers à l’étranger pour revenir à Luxembourg en pratique de libre prestation de services, «ce qui serait pour le moins néfaste pour la compétitivité du pays».

Le patronat pose dans son avis la question de la détermination par le régulateur de la taxe pour les courtiers. En principe, et c’est une directive européenne qui le prévoit, le Commissariat ne peut pas demander plus qu’il ne dépense pour la surveillance de ce secteur. Or, la couverture des frais du régulateur par les courtiers semble avoir été fixée au pifomètre, de façon «apparemment arbitraire».

Dans un premier temps, le Commissariat aurait fait valoir des frais de contrôle de 920.000 euros pour la supervision des courtiers luxembourgeois. Après que ce montant fut contesté par les concernés eux-mêmes, le régulateur avait ramené la facture à 720.000 euros, sans pour autant soumettre aux professionnels des documents explicatifs ni d’extraits de comptabilité justifiant cette somme. La Chambre de commerce s’interroge «sur la validité et la pertinence des données à disposition du Commassu et qui devront servir à établir la clé de répartition des taxes annuelles depuis que chaque catégorie de professionnels doit subvenir à la couverture des frais occasionnés par la surveillance ayant trait à sa propre catégorie».

Elle pointe d’ailleurs «une augmentation non corrélative» des taxes selon les catégories de professionnels concernés. En tenant compte de la hausse de l’Indice des prix à la consommation entre 1995 et 2014 (+46%), l’augmentation de la taxe annuelle des courtiers atteint «presque 1.000%», alors que la hausse pour une entreprise d’assurances moyenne (avec un volume de primes entre 25 et 75 millions d’euros) a été limitée à 36,8%, selon les calculs du patronat qui réclame une baisse du niveau de la taxe de moitié à 2.000 euros, à l’instar des sociétés de gestion d’entreprises de réassurances et de fonds de pension.

Rétroactivité sur plus d’un an

La Chambre de commerce dénonce en outre le caractère rétroactif (au 1er janvier 2014) de la taxe sur les courtiers. Ce qui en soi n’est pas nouveau puisque sept règlements grand-ducaux portant sur les frais de personnel du Commissariat ont connu une application rétroactive, mais jamais sur une période aussi longue. L’organisation patronale juge «inconcevable» que la rétroactivité soit étendue à plus d’un an mais réclame aussi que les frais couvrant la surveillance (environ 500.000 euros) ne soient pas supportés par les autres acteurs du secteur de l’assurance et de la réassurance.

Le Conseil d’État, qui a avisé ce mardi le projet de règlement grand-ducal, épingle également ce point, estimant «que cette manière de faire est contraire au principe de non-rétroactivité et risque dès lors d’encourir la sanction de l’article 95 de la Constitution».

«Aucune autorité réglementaire ou administrative, signalent les Sages, ne peut fixer l’entrée en vigueur d’un acte à caractère réglementaire ou individuel à une date antérieure à celle respectivement de sa publication ou de sa notification.»

Le Conseil d’État demande donc le retrait de la disposition. Reste à savoir si le gouvernement en tiendra compte, au risque de voir le texte une nouvelle fois retoqué.