Étienne Schneider (ici lors du lancement de l’agence spatiale luxembourgeoise) a défendu, face au député Laurent Mosar, une vision de développement d’un secteur économique forcément risqué, mais porteur à moyen et long termes. (Photo: Matic Zorman / archives)

Étienne Schneider (ici lors du lancement de l’agence spatiale luxembourgeoise) a défendu, face au député Laurent Mosar, une vision de développement d’un secteur économique forcément risqué, mais porteur à moyen et long termes. (Photo: Matic Zorman / archives)

Ambiance à la Chambre. «Petit comptable», «amateur», les amabilités ont fusé jeudi après-midi entre le député CSV Laurent Mosar et le ministre de l’Économie Étienne Schneider (LSAP). Au cœur des discussions: le secteur du «space mining», ou plutôt du «new space», promu par le gouvernement depuis un peu moins de trois ans. 

Si, comme l’ont rappelé le ministre Schneider et les députés issus de la majorité à la tribune de la Chambre, le CSV soutenait le projet à ses débuts, le principal parti d’opposition n’est visiblement pas satisfait de son déroulement actuel.

Pour Laurent Mosar, qui avait demandé que soit organisée une «heure d’actualité», et donc un échange à la Chambre sur l’initiative qui a pris le nom de Spaceresources.lu, si l’on excepte les retombées en termes d’image, il n’y a «aucune substance», aucun emploi généré. Sauf les 11 qui ont été créés pour les besoins de la récente agence spatiale luxembourgeoise basée dans les locaux du ministère de l’Économie.

Laurent Mosar estime que l’initiative n’a pas été gérée sérieusement d’un point de vue financier, en particulier lors de l’investissement de l’État luxembourgeois via la Société nationale de crédit et d’investissement (SNCI) dans la société Planetary Resources. La déroute de cette dernière, sa revente à ConsenSys et la perte des 12 millions d’euros investis par l’État ne passent toujours pas pour le député CSV, qui avait déjà thématisé le sujet en novembre dernier lors d’une conférence de presse ainsi que par voie de questions parlementaires.

«Investir pour le futur de l’économie»

Étienne Schneider piaffait d’impatience de répondre à Laurent Mosar. À sa prise de parole, le ministre a balayé d’un revers de main la critique d’amateurisme et défend une vision de développement d’un secteur économique forcément risqué, mais porteur à moyen et long termes.

Avec une telle mentalité affichée par le CSV, la sidérurgie, la place financière puis le secteur ICT n’auraient pas vu le jour, estime Étienne Schneider. Le ministre admet que la vingtaine d’entreprises du secteur qui se sont installées au Luxembourg depuis le lancement de l’initiative sont des start-up, mais qu’elles participent justement à l’idée d’une «start-up nation» et qu’elles pourraient représenter à l’avenir des emplois et des rentrées fiscales. 

Quelque 150 demandes d’établissement de sociétés seraient par ailleurs en cours d’analyse au ministère de l’Économie.

La collaboration avec d’autres pays – dont récemment la Belgique –, un master créé avec l’Uni, la perspective d’une mission sur la lune menée par Ispace avec le soutien du List ou encore les «petits satellites» de Spire sont des éléments encourageants pour le ministre.

Schneider rend des comptes

Hasard du calendrier, une réponse parlementairesignée de la main du ministre Schneider est parvenue à Laurent Mosar ce jeudi. Il y apporte une série de précisions sur les montants débloqués par l’État directement depuis trois ans, au départ d’une enveloppe de 200 millions d’euros «pour soutenir le développement économique du secteur spatial commercial au Luxembourg pendant la période 2016-2021».

«Les activités qui seront directement couvertes par le budget de l’État sont les activités de promotion et d’étude ainsi que l’organisation de conférences et d’événements pour promouvoir le pays comme terre d’investissement pour l’industrie spatiale de haute technologie», précise Étienne Schneider dans sa réponse.  

3,2 millions ont été dépensés à cet effet depuis 2016. Il faut y ajouter les 4,5 millions d’euros pour l’Interdisciplinary Space Master lancé avec l’Uni.

50% maximum dans le «Luxembourg Space Fund»

S’ajoutent des montants dépensés indirectement pour d’autres objectifs précis:

  • 30 millions engagés auprès de l’Agence spatiale européenne (ESA) jusqu’en 2021 dans le cadre de l’adhésion du pays à l’Agence en 2005. Le retour sur investissement s’effectue par le soutien direct ou indirect de l’ESA aux projets de R&D industrielle des entreprises intégrées dans l’initiative Spaceresources.lu. Ces montants ne sont pas précisés dans la réponse parlementaire.
  • 700.000 euros pour deux projets de recherche publique menés par Ispace avec le SnT et le List via le Fonds national de la recherche (FNR).
  • 25 millions d’euros pour des investissements en capital (dans Planetary Resources et Spire Global) effectués via le Luxembourg Future Fund, fruit d’un partenariat entre la SNCI et le Fonds européen d’investissement.

Parmi les dépenses à venir, Étienne Schneider mentionne la constitution du futur Luxembourg Space Fund qui sera alimenté par l’État et des partenaires privés, à hauteur de 50% maximum pour la main publique.

Les chiffres et la transparence accrue dans les prochains investissements ramèneront-ils le calme politique sur ce dossier?

À l’horizon 2045, la Luxembourg Space Agency estime que l’industrie des ressources spatiales devrait générer mondialement jusqu’à 170 milliards de dollars de revenus.