Après les 80% de «nee» à la question du droit de vote des étrangers aux législatives, le CNE reste la seule instance représentative des résidents étrangers au Grand-Duché.  (Photo : Christophe Olinger / archives)

Après les 80% de «nee» à la question du droit de vote des étrangers aux législatives, le CNE reste la seule instance représentative des résidents étrangers au Grand-Duché.  (Photo : Christophe Olinger / archives)

Le 8 juillet 2017 se tenait le scrutin unique au terme duquel 22 des 34 membres effectifs du CNE (et autant de suppléants) étaient élus par 49 «associations œuvrant en faveur des étrangers», principalement des associations culturelles, des associations d’entraide et des chambres de commerce binationales. Publiant la liste des heureux élus, le ministère de la Famille et de l’Intégration, dont dépend le CNE, indiquait qu’il lui restait à désigner les 12 autres membres, comme le prévoit la loi du 16 décembre 2008, parmi ceux présentés par les syndicats les plus représentatifs, les organisations patronales, la société civile, le Syvicol et les représentants des réfugiés. Une nomination attendue pour septembre voire octobre 2017, soit déjà trois mois après le scrutin.

Le député LSAP Marc Angel avait déjà interpellé la ministre de tutelle, Corinne Cahen (DP), fin septembre concernant la mise en route du nouveau CNE et sa nécessaire réforme. La ministre avait indiqué que «certains organismes n’[avaient] pas encore proposé leurs représentants malgré les sollicitations de l’Olai» et que «tout [était] mis en œuvre pour que le CNE complet puisse tenir son assemblée constituante avant la fin de l’année».

Un CNE encore incomplet

Sauf que début janvier 2018, les membres élus du CNE n’avaient toujours pas reçu de convocation pour l’assemblée constituante au cours de laquelle le président et le vice-président doivent être élus. De quoi les alarmer, au point que l’un d’eux a soufflé une question parlementaire au député Déi Lénk David Wagner le 8 janvier.

Hasard du calendrier? Au lendemain de la publication de cette question parlementaire, relayée par la presse, les membres élus du CNE recevaient leur convocation à l’assemblée constituante prévue le 23 janvier.

Sollicité par Paperjam.lu, le secrétariat du CNE assuré par l’Olai n’a pas été en mesure de répondre aux questions concernant le délai excessif entre l’élection et la première assemblée ou la composition du CNE au complet. Il faudra attendre la réponse de Mme Cahen à la question parlementaire de M. Wagner afin d’obtenir des explications. La liste complète du CNE sera publiée à l’issue de la première assemblée constituante.

L’Olai a en revanche assuré qu’il n’y aurait pas de reconvocation des 49 associations pour étrangers afin d’élire les membres suppléants dont les postes n’ont pas été pourvus le 8 juillet faute de candidats – un Belge, un Néerlandais, un Anglais ainsi que quatre ressortissants d’autres pays de l’UE. Le règlement grand-ducal du 15 novembre 2011 prévoit en effet ce cas de figure et laisse au ministre de tutelle le soin de «nommer les représentants manquants après avoir consulté les associations d’étrangers ayant participé au vote et sur leur proposition». Reste à voir si les quelques étrangers qui se sont entretemps manifestés auprès du ministère afin de proposer leur nom seront pris en compte.

Il est important que les 22 élus ne perdent pas leur temps à se demander ce qu’il se passe.

Franco Avena, membre effectif du CNE

Concernant le délai de désignation des représentants luxembourgeois, «il ne s’agit pas d’un problème politique, mais structurel, qui n’a pas été pris en compte par les instances habilitées à le faire depuis au moins trois mandats», estime Franco Avena, vice-président du CNE entre 2008 et 2012 et membre effectif du CNE élu en 2017. Il note ainsi que le dernier CNE élu le 28 mars 2012 avait tenu son assemblée constituante le 13 septembre de la même année, soit cinq mois et demi après. Même s’il souligne aussi la surcharge de travail de l’Olai, entre l’afflux de demandeurs de protection internationale et son récent déménagement au Kirchberg.

«Puisque trois mois sont nécessaires pour désigner les 12 membres, entre l’appel à candidatures, le temps de réponse et le choix final des organisations, je proposerais à l’Olai de lancer la procédure trois mois avant la date de l’élection des membres afin que les membres désignés le soient autour de la même date», poursuit Franco Avena. «Il est important que les 22 élus ne perdent pas leur temps à se demander ce qu’il se passe, autrement leur passion et leur ardeur à se donner pour le CNE vont fléchir.»

Cela viendrait s’ajouter aux diverses améliorations proposées par quelques membres du dernier CNE, M. Avena inclus, à la ministre de la Famille et de l’Intégration en juin 2017. L’une d’entre elles est déjà d’application, puisque l’élection du président du CNE le 23 janvier se tiendra à la majorité qualifiée (pour au moins deux tours) et non plus à la majorité simple – un point qui avait contribué aux dissensions au sein du CNE sortant, le président Paul Schonenberg étant arrivé en tête avec seulement huit voix au terme d’un vote dispersé.

Les membres du CNE auraient pu organiser des réunions et lancer des travaux préparatoires, tout en harcelant le ministère

Pedro Castilho, ex-vice-président du CNE 2012-2017

Ces couacs ne manquent en tout cas pas de faire sourire certains membres du CNE sortant dont l’inertie et le silence avaient été fustigés l’été dernier. «Six mois après l’élection du nouveau CNE, il n’a toujours pas de président ni de bureau constitué et pas une seule réunion organisée», souligne Pedro Castilho, membre effectif représentant la société civile et vice-président entre 2012 et 2017, qui avait déjà vivement réagi aux critiques. «Beaucoup de gens n’ont pas lésiné sur les commentaires à l’encontre de l’ancien CNE et disaient qu’il ne fonctionnait pas à cause du président. Certains donnaient l’impression qu’ils savaient mieux faire que d’autres, mais cela fait maintenant six mois que le CNE ne fait rien. Même si ses membres devaient attendre la convocation de l’assemblée constituante, ils auraient pu organiser des réunions et lancer des travaux préparatoires, tout en harcelant le ministère» pour accélérer la procédure de désignation des autres représentants.

Un point sur lequel Franco Avena a réagi mardi matin, rappelant que les membres du CNE n'étaient pas censés se réunir en tant que tels tant qu'ils n'avaient pas reçu l'arrêté ministériel à leur nom officialisant leur nomination.

Même doté d’un(e) président(e) et d’un(e) vice-président(e) fin janvier, le CNE devra encore choisir son bureau exécutif qui lancera ensuite les premiers travaux. Autant dire que le premier semestre sera bien entamé avant qu’il soit productif. Et la proximité des élections législatives risque de rendre sa mission plus ardue d’ici la fin de l’année, le référendum de 2015 ayant éteint toute volonté politique d’évoquer la question des résidents étrangers, au moins au sein des quatre grands partis.