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 (Photo: Julien Becker / Archives)

Mise à jour le 24 juillet: Cette carte blanche intervient en réponse aux propos relayés via cet article.

Le porte-parole de l’Asti, qui n’est pas membre du CNE (Conseil national pour étrangers, ndlr), qui n’a participé à aucune réunion du CNE ni de ses organes et encore moins à ses travaux, prétend que le mandat du CNE démarré en 2012 et qui s’achève cette année n’aurait rien fait et que ce serait de la faute du président qui n’a ni la légitimité ni la capacité de fédérer nécessaires à une telle fonction.

Je suis estomaqué par ces déclarations, qui plus est, venant de quelqu’un qui relaie un ouï-dire, qui est incomplet et imprécis et qui somme toute n’apporte aucune solution aux problèmes qu’il semble avoir identifiés au sein du CNE actuel et qu’il espère qu’un simple changement d’équipe pourra solutionner.

Ceci étant dit, commencer un nouveau mandat du CNE en tapant sur le CNE sortant ne semble pas être la meilleure stratégie. On attend des nouveaux élus qu’ils s’attèlent à améliorer le futur et à bâtir sur ce qui a été produit par le CNE précédent.

Car dire que le CNE dont le mandat s’achève n’a rien fait est une aberration et démontre au mieux une parfaite méconnaissance de ce que le CNE a fait pendant les dernières cinq années, au pire une volonté affichée de dénigrer intentionnellement les personnes et le travail effectué.

Le porte-parole de l’Asti confond le travail réalisé avec la publicité faite à celui-ci

Ce n’est pas parce qu’une partie des membres du CNE, qui n’a pas réussi à fédérer une majorité, décide de ne pas assister aux réunions du CNE et ne participe pas aux travaux que le CNE ne travaille pas.

Pour rappel le CNE n’est pas soumis à une cadence prédéterminée ni à un quota d’avis à rédiger. Ses membres sont des bénévoles et donnent de leur temps libre.

L’actuel CNE a réalisé des travaux tout au long de son mandat et s’est exprimé dans des avis et courriers soumis au ministère de tutelle. Le recueil de toutes les réunions du bureau exécutif, des séances plénières, des réunions des commissions de travail thématiques, des participations au comité Amif (Fonds «Asile, migration et intégration», ndlr) et à l’Assemblée consultative de l’Alia (Autorité luxembourgeoise indépendante de l'audiovisuel, ndlr), des lettres et avis rédigés peut être consulté auprès du secrétaire du CNE, employé de l’Olai.

Il y a un bon tiers du CNE qui a continué à travailler contre vents et marées. Nous l’avons fait parce que nous pensons que les intérêts des étrangers à Luxembourg sont plus importants que les querelles qui peuvent diviser les individus. Parce que nous pensons que les différents qui opposent les membres dans une institution ne doivent pas empêcher celle-ci de fonctionner. L’intérêt commun prime sur les egos personnels.

C’est dans ce sens que les propos du porte-parole de l’Asti sont offensants pour ceux qui au cours des cinq dernières années se sont assis autour de la table pour faire avancer les dossiers, pour rédiger des avis, pour essayer de limer les aspérités au sein du CNE. Celles et ceux qui ont continué à travailler sont des étrangers qui méritent qu’on respecte leur travail, d’autant plus si l’on considère le climat dans lequel ils ont dû le mener à bien. Ce sont aussi des étrangers qui méritent un peu plus d’égard de la part d’une association qui prétend les soutenir.

Le CNE paralysé? OUI, mais en 2011 et après une période d’hibernation de 19 ans!

Le porte-parole de l’Asti semble en outre avoir la mémoire courte. Est-ce volontaire? En effet, il y a bien eu une paralysie du CNE. Celle-ci eut lieu entre 2011 et 2012. À l’époque déjà, le ministère de tutelle avait voulu réformer l’institution et avait dans ce sens purement et simplement abrogé la loi régissant le CNE et le règlement d’ordre intérieur permettant de faire fonctionner celui-ci en bonne et due forme. Des lacunes qu’a dû compenser le CNE dans son mandat 2012-2017.

Par ailleurs, on a envie de demander au porte-parole de l’Asti quel a été le bilan si spectaculaire du CNE depuis sa création en 1993 jusqu’en 2012, et la contribution de l’Asti à l’amélioration de son fonctionnement pendant ces 19 longues années d’hibernation.

Je me permets de prétendre que si le travail avait été bien fait, le ministère de tutelle n’aurait pas eu besoin de faire tabula rasa et de demander aux titulaires du mandat de 2012-2017 de bien vouloir tout reprendre à zéro…

Le CNE ne se résume pas à son président ni aux querelles idéologiques qu’il peut solliciter

Le porte-parole de l’Asti insinue que le président serait illégitime de par le mode de scrutin et incompétent au moment de fédérer les membres du CNE.

Dans les faits, le président ainsi que les membres de son bureau ont été élus suivant les règles que le ministère de tutelle avait fixées. Leur légitimité est issue du strict respect des règles d’élection retenues et non pas sur base de la sympathie, respectivement antipathie, que l’on peut éprouver pour tel ou tel candidat.

Ainsi, le président et le vice-président ont été légitimement élus en tenant compte du nombre de voix attribué à chacun des candidats par un vote simple et à un tour des 34 membres du CNE. Le président fut celui qui obtint le plus de voix, le vice-président celui qui arriva en 2e position. Les règles étaient connues d’avance. Personne ne s’y est opposé. Le président fut ainsi élu avec 8 voix sur 34, le vice-président de l’époque avec 7 voix.

Les autres 19 voix (34-8-7=19) furent attribuées au restant des candidats à la présidence et vice-présidence restants et ils étaient nombreux. Tout le monde voulait devenir président ou vice-président…

Dès lors, les commentaires du porte-parole de l’Asti m’interpellent et m’auraient fait rire si la situation n’était pas triste à pleurer. En effet, si l’Asti avait un tant soit peu la capacité de fédérer; capacité qu’elle accuse le président sortant de manquer, alors l’Asti, qui connaissait le mode de scrutin, aurait pu réunir une majorité forte au tour d’un candidat qui aurait été de son goût et qui nous aurait épargné pas mal de discussions inutiles.

Reste l’argument qui insinue qu’il y aurait une espèce de lutte de classes entre le président et un certain nombre de membres du CNE, le premier défendant les intérêts du patronat véreux et les autres veillant aux droits des employés/travailleurs.

Dans ce contexte, faut-il rappeler que la grande majorité des entreprises créées à Luxembourg le sont par des étrangers? Et quand on parle du droit de vote des étrangers ou de la double nationalité, un patron «étranger» est aussi «étranger» qu’un ouvrier ou un employé «étranger». Ni plus ni moins. En quoi dès lors les intérêts des étrangers résidents diffèrent-ils tellement les uns des autres?

Les critiques contre le CNE sortant, une position qui affaiblit une institution qui manque dramatiquement de moyens

Les étrangers résidant à Luxembourg méritent définitivement plus et mieux que des commentaires qui viennent jeter l’opprobre sur une institution censée être leur porte-parole.

Les citoyens en général, en ont assez des politiques politiciennes, du «pousse-toi de là que je m’y mette», de ceux qui critiquent à longueur de journée sans pouvoir démontrer l’efficacité de leurs propres actions sur le terrain.

Comment expliquer dès lors une participation aux élections communales toujours aussi faible? On devait s’attendre à ce que les donneurs de leçons aient été capables de fédérer autant que ce qu’ils réclament à d’autres de faire.

Combien parie-t-on que si en 2015 nous avions eu 80% de «JO» au référendum sur le vote des étrangers aux législatives, nombreux auraient été ceux à réclamer la paternité du succès et que le CNE ne serait alors plus «la seule instance représentative des résidents étrangers au Grand-Duché»?

Le CNE ne pourra pas relancer le débat sur le vote des étrangers aux législatives tant que la participation des étrangers aux élections municipales restera faible.

En fait la réalité est que le CNE manque terriblement de moyens depuis sa création. ET n’en déplaise au porte-parole de l’Asti, le CNE dont le mandat s’achève cette année a fait remonter ses doléances ET ses suggestions d’amélioration auprès du ministère de tutelle plus d’une fois.

Des doléances qui s’appuient également en partie sur l’audit réalisé par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (Ecri) et qui recommandait en 2012 aux autorités luxembourgeoises «d’augmenter les ressources humaines et financières octroyées au Conseil national pour étrangers, d’aider le Conseil national pour étrangers à accroître sa visibilité et de mettre à la disposition du conseil des locaux où il pourrait siéger décemment.»

Contrairement à l’impression que veut donner le porte-parole de l’Asti, le nouveau CNE qui siègera à partir de septembre/octobre 2017 pourra donc «bâtir» sur l’héritage laissé par certains membres d’un CNE sortant. Ces derniers, à défaut d’avoir brillé par leur éloquence et les effets d’annonce, ont donné beaucoup de leur temps libre et se sont investis avec passion afin de contribuer de façon constructive à l’inclusion des résidents étrangers et au vivre-ensemble dans la société luxembourgeoise.

Pedro Castilho est vice-président du Conseil national des étrangers, membre effectif désigné par le Ministère de tutelle pour représenter la société civile.