«L’artisanat représente 9% du PIB, recense plus de 7.000 entreprises qui occupent 90.000 personnes, c’est donc un pilier important de l’économie nationale», rappelle Tom Oberweis. (Photo: DR)

«L’artisanat représente 9% du PIB, recense plus de 7.000 entreprises qui occupent 90.000 personnes, c’est donc un pilier important de l’économie nationale», rappelle Tom Oberweis. (Photo: DR)

Monsieur Oberweis, que représente pour le chef d’entreprise que vous êtes la présidence de la Chambre des métiers?

«Le fait d’avoir postulé pour la fonction de président est un nouveau chapitre dans mon engagement pour l’artisanat et pour les métiers de la bouche, qui remonte à plus de 20 ans. Il est important pour la Chambre des métiers que des entrepreneurs s’investissent et donnent leur input. Ceci est le gage de la pertinence des positions de la Chambre dans le débat démocratique.

Quel est votre perception de l’artisanat luxembourgeois actuellement, au sein de la Grande Région?

«L’artisanat représente 9% du PIB, recense plus de 7.000 entreprises qui occupent 90.000 personnes. C’est le premier employeur au Luxembourg. Avec environ 1.750 apprentis, l’artisanat est également la première entreprise formatrice du pays. C’est donc un pilier important de l’économie nationale. Le secteur se caractérise par sa proximité, par la diversité des métiers et des salariés (80% des gens du secteur sont non luxembourgeois), et bien sûr par son savoir-faire qui combine tradition et modernité.

L’artisanat luxembourgeois est synonyme de qualité.

Tom Oberweis, président de la Chambre des métiers

L’artisanat se porte bien et est compétitif, tant pour affronter la forte concurrence d’entreprises étrangères qui viennent prester régulièrement leurs services à Luxembourg, que pour exporter.

Les études de la Chambre des métiers montrent que de plus en plus d’entreprises sont actives dans la Grande Région et au-delà, et ceci avec succès. C’est la preuve que l’artisanat luxembourgeois est synonyme de qualité.

Comme le reste de l’économie, l’artisanat va devoir enclencher sa révolution digitale s’il veut rester performant et attractif. Quelles sont vos priorités en la matière?

«La digitalisation offre des opportunités, mais aussi des dangers pour l’artisanat. Pour cette raison, il est important de sensibiliser et de motiver le secteur pour qu’il en prenne conscience et saisisse les opportunités de cette révolution qui est en marche. Ce sera certainement une des priorités de mon mandat. Comme il est prévu dans le Pakt Pro Artisanat, nous allons sensibiliser les entreprises à la thématique par le biais de workshops et de formations. Outre l’aspect formation, une présence sur le terrain s’impose.

Ainsi, la mise en place par la Chambre des métiers d’une «Cellule digitalisation dans l’artisanat» permettra d’offrir une guidance et des conseils concrets aux entreprises. Les interventions en entreprise seront modulables en fonction des particularités et des besoins des entreprises intéressées.

Et je me réjouis de la bonne collaboration que nous avons sur cette thématique stratégique avec le ministère de l’Économie.

Quels sont les grands chantiers que vous porterez pour faire évoluer l’offre de formations pour les métiers de l’artisanat?

«Tout d’abord, l’offre de formation doit être conçue de telle manière qu’elle reflète la carrière professionnelle au sein du secteur de l’artisanat. Quand je parle de l’offre de formation, je pense donc à la fois à la formation initiale, à la formation continue et à la formation supérieure.

Les chantiers prioritaires sont clairement définis et connus depuis longtemps: apporter des améliorations au système de la formation initiale en vigueur depuis la grande réforme de 2008, réformer le brevet de maîtrise artisanal, optimiser l’offre de formation continue au niveau de l’artisanat par une collaboration structurée entre la Chambre des métiers et les centres de compétences sectoriels, élargir l’offre de formations supérieures et faciliter l’accès pour les collaborateurs des entreprises.

Mettre de l’ordre dans les formations.

Tom Oberweis, président de la Chambre des métiers

Je pense pouvoir affirmer avec toute la prudence qui s’impose dans le dossier sensible et épineux qu’est la formation professionnelle que nous sommes sur la bonne voie.

La priorité des priorités des années à venir sera à mon avis non pas de multiplier les initiatives et les offres, mais d’y mettre un peu plus d’ordre dans un souci de transparence, de cohérence et d’efficacité.

L’artisanat luxembourgeois souffre du manque de nouvelles recrues. Comment pensez-vous attirer les jeunes?

«Permettez-moi d’être très précis: le manque de jeunes motivés et qualifiés pour apprendre un métier technico-manuel et s’engager dans l’artisanat n’est pas un problème, mais le problème auquel l’artisanat se voit confronté. Les raisons à ce problème sont multiples, variées et surtout complexes, et ne peuvent pas être exposées en quelques lignes. Ce qui importe avant tout, c’est de proposer aux jeunes une carrière et des perspectives d’évolution tant professionnelles que personnelles.

Pour commencer, nous, l’artisanat, devons faire nos propres devoirs en promouvant notre secteur auprès des jeunes et de leurs parents. Plusieurs initiatives sont sur les rails: les initiatives De mains de maîtres, où nous avons le privilège fabuleux de travailler main dans la main avec le Grand-Duc héritier Guillaume et la Grande-Duchesse héritière Stéphanie, notre campagne Hands Up et, à partir du début 2018, notre nouveau service Orientation et Sensibilisation.

Une question de mentalité collective et d’attitude personnelle.

Tom Oberweis, président de la Chambre des métiers

Nos propres devoirs accomplis, ou du moins entamés, nous sommes en droit de demander aux responsables politiques d’apporter leur contribution: améliorer, en partenariat avec l’artisanat, le système de la formation professionnelle, et surtout, poser les jalons pour agencer l’orientation scolaire et professionnelle de manière à ce qu’elle repose non pas sur les seules compétences mathématiques et langagières des jeunes, mais qu’elle prenne également en compte leurs compétences techniques et manuelles.

Finalement, je fais un appel à la société dans son ensemble, à nous tous, de reconsidérer notre position vis-à-vis des métiers techniques en général et des métiers manuels en particulier.

La valorisation des métiers technico-manuels est une question de mentalité collective et d’attitude personnelle qui doit interpeller chacun parmi nous.

Voulez-vous changer l’organisation opérationnelle de la Chambre des métiers?

«Sous le mandat de mon prédécesseur, une vaste réflexion sur le rôle et les missions de la Chambre a été menée. Le résultat de cette réflexion s’est décliné dans une vision d’avenir, une stratégie et un plan d’action qui est en cours d’implémentation. Je vais contribuer à cet effort de modernisation au service de l’artisanat. L’institution Chambre des métiers et le secteur sont indissociables.

À quoi devrait ressembler l’artisanat luxembourgeois dans 20 ans?

«Je ne m’appelle pas Nostradamus, mais Tom Oberweis. Je n’ai donc ni la prétention, ni les compétences pour savoir de quoi l’avenir sera fait. Ce que je peux cependant affirmer, c’est qu’il existera un artisanat luxembourgeois moderne et fort dans 20 ans.

L’artisanat a toujours su être la courroie de transmission entre tradition et modernité, conjuguer les recettes et les savoir-faire classiques et les opportunités offertes par les progrès technologiques, s’adapter aussi bien aux évolutions des goûts et des mentalités qu’à celles des priorités politiques et culturelles.

Le grand défi des années à venir pour nous en tant qu’artisanat, c’est de veiller à ne pas nous faire écarter ou remplacer par l’apparition de nouveaux procédés technologiques, de nouveaux prestataires de services ou de nouveaux réseaux de distribution, mais de nous les approprier et de nous y inscrire en vue d’un service encore davantage individualisé et personnalisé pour nos clients.

Dans 20 ans, l’artisanat sera donc toujours présent et visible, représentant de l’économie réelle et ancrée dans la société, formateur de jeunes et première entreprise du Luxembourg.»