Arlette Schneiders (Photo: David Laurent/Wide)

Arlette Schneiders (Photo: David Laurent/Wide)

Première femme à diriger un bureau sans associé masculin, la talentueuse architecte prouve qu’une passion débordante et un engagement sans faille peuvent mener au bout de ses ambitions, voire de ses rêves.Si le terme de vocation est souvent employé à l’emporte-pièce, il sied néanmoins à merveille à Arlette Schneiders. Toute petite, les belles maisons de son entourage avaient déjà sur elle un fort pouvoir d’attraction. Depuis, le phénomène ne s’est jamais atténué, bien au contraire. A 15 ans, elle n’a plus d’hésitation quant à son avenir et le célèbre architecte américain Frank Lloyd Wright y est pour une grande part. «Dans un livre, il y avait une photo de la maison fallingwater qu’il avait conçue.Elle était merveilleuse. C’est à cet instant que j’ai eu le déclic et me suis dit: ‘tu seras architecte!’», se rappelle-t-elle.

Diplômée, à 25 ans, de l’Institut supérieur d’architecture Saint-Luc à Bruxelles, elle fait alors ses premières armes au sein du bureau d’architectes Théo Worré à Luxembourg. Deux ans plus tard, Arlette Schneiders décide de reprendre ses études et prend la direction de Rome pour quatre années de spécialisation en restauration des monuments. En parallèle, elle intègre un bureau d’architectes de la capitale italienne. Mais les débouchés sont limités pour elle, ce qui l’incite, une fois son diplôme décroché, à retourner au Luxembourg. A peine ses  valises posées, elle choisit de collaborer avec Claude Schmitz. «Le travail était très intéressant, que ce soit au niveau de la conception ou de l’exécution», admet-elle. Il y a cependant un hic: le milieu de l’architecture étant alors très masculin (nous sommes fin des années 80), les suivis de chantier étaient systématiquement dévolus aux hommes. «Je ne pouvais donc pas suivre les chantiers dont j’avais réalisé les études et la conception.» La frustration grandissant, elle décide de créer sa propre structure, devenant alors, en 1989, la première femme-architecte du pays à diriger un cabinet sans associé masculin. «Je pouvais ainsi faire mon métier de A à Z», rajoute-t-elle.

Récompenses multiples

Elle met ainsi le pied à l’étrier en débutant par de «petites choses». «Mon premier travail consistait à l’aménagement d’une chambre d’enfant avec salle de bain», se souvient-elle. Mais à force de travail et de persévérance, elle gagne un concours d’urbanisme et de logements sociaux qui lui permet de s’atteler à des projets plus grands et de cumuler un certain nombre de références. Une notoriété qui lui permet d’accéder, en 1997, pour la première fois, à un concours européen organisé par le Fonds de rénovation de la Vieille Ville.

Elle convainc le jury et gagne le premier prix de ce qui deviendra l’un de ses projets phares: la rénovation de l’Ilot B situé au Marché-aux-

Pois­sons, à Luxembourg-ville. Arlette Schneiders réussit, à merveille, à y intégrer des éléments con­temporains et modernes dans un ensemble de mai­sons anciennes. Elle est récompensée, en 2004, pour cette œuvre au travers du prix luxembourgeois de l’Architecture. En cette faste année 2004, elle reçoit également le Bauhärepreis couronnant sa réalisation de l’école préscolaire et primaire d’Eich-Mühlenbach. Ces deux projets lui ont ainsi permis de se faire un nom et de créer des bâtiments dans lesquels rejaillit son style, fait de détails fins, de raffinement et d’un important apport de lumière naturelle. A l’instar de l’école d’Eich, ces constructions «ne s’imposent pas à la nature, mais s’y intègrent», développe-t-elle.

Les projets se sont ensuite multipliés: «J’ai alors réalisé bon nombre de bâtiments administratifs.» Parmi ceux-ci, le Plaza au centre-ville, l’ E-Building à Münsbach ainsi que l’Unico (de plus de 12.000 m2) et l’Axento (18.500 m2), tous deux au Kirchberg, sont peut-être les plus marquants. «J’ai également décroché le premier prix, cette année, pour la conception d’un bâtiment administratif de 40.000 m2 pour le Fonds de compensation au Kirchberg. Certains de ces bâtiments, en alliant commerces et bureaux, demandent un tout autre travail. C’est très captivant!» D’autres projets sont encore sur les rails, notamment le Lycée technique pour professions de santé à Bonnevoie, mais exigent encore le feu vert des administrations concernées.Le bureau a ainsi pris, d’année en année, une nouvelle dimension, conduisant Arlette Schneiders à le convertir en Sàrl (en association avec Philippe Lavis, un collaborateur de longue date), en 2008. Elle ne se considère pas pour autant comme chef d’entreprise, mais plutôt «comme une femme qui s’est donné une structure pour réaliser ses rêves».

Aussi avoue-t-elle avoir était surprise lorsqu’on lui a proposé de concourir pour le prix Dexia Business Woman Manager of the Year. Mais, par cette participation, elle souhaite «montrer que les femmes peuvent réussir dans n’importe quel domaine, du moment qu’elles font montre d’engagement et de passion». Si d’aventure elle venait à remporter le premier prix, elle compte en faire profiter ses collaborateurs au travers d’un voyage d’études. A but pédagogique, évidemment, mais aussi dans un esprit de renforcement des liens au sein d’une équipe où l’équilibre femmes/hommes, s’il est le fruit du hasard, n’en est pas moins une conséquence de la persévérance d’Arlette Schneiders. En mettant son pied dans la porte, elle a permis aux femmes d’entrer dans le monde du bâtiment jusqu’alors exclusivement masculin…