La révision de la taxe d'immatriculation devrait attirer des navires plus grands dans le pavillon maritime luxembourgeois. (Photo: Jan De Nul Group)

La révision de la taxe d'immatriculation devrait attirer des navires plus grands dans le pavillon maritime luxembourgeois. (Photo: Jan De Nul Group)

Alors que pendant longtemps, les autorités luxembourgeoises ont espéré pouvoir développer le secteur maritime, côté gestion et finance, en se passant de l'essentiel, c'est-à-dire les navires, voici qu'elles font preuve d'un regain d'intérêt pour le pavillon maritime. Cet attrait retrouvé pour le secteur se lit en filigrane du projet de règlement grand-ducal que le ministre de l'Économie Étienne Schneider, LSAP, a présenté début avril aux milieux économiques.

Son idée est d'adapter la taxe d'immatriculation, réputée élevée, «aux réalités économiques», et la rendre plus attractive, en plafonnant notamment son montant à 20.000 euros pour les navires neufs. «Le Luxembourg semble redécouvrir son pavillon maritime», commente un opérateur du secteur, qui s'en félicite tout en s'interrogeant sur le degré d'ouverture du gouvernement à promouvoir et développer davantage un pan d'économie offrant de réelles opportunités.

Taxe confiscatoire

Inchangée depuis 1990, année de création du registre maritime luxembourgeois (qui avait à l'époque pour «promoteur» le ministre LSAP de l'Économie, Robert Goebbels), la taxe d'immatriculation, calculée en fonction de l'âge des navires et de leur tonnage, ainsi que la prorogation de cette taxe chaque année, sont réputées «confiscatoires», surtout pour les bateaux à fort tonnage. «Dans le contexte concurrentiel particulièrement important, des frais de première immatriculation trop élevés constituent un désavantage pour le pavillon maritime luxembourgeois», confirme la Chambre de commerce dans son avis du 15 mai relatif au projet de règlement grand-ducal réformant le système de prélèvement. L'organisation patronale juge nécessaire cette révision de la structure de taxation, d'autant plus que la tendance est à la construction de navires toujours plus grands pour lesquels la taxe devient effectivement «confiscatoire».

D'où l'idée de la plafonner à 20.000 euros pour un navire âgé entre zéro et cinq ans, 22.500 euros pour les bateaux entre six et 10 ans et 25.000 euros pour les bâtiments de 11 ans et plus. Ce taux, de l'avis des autorités dans l'exposé des motifs, restera élevé en comparaison avec les autres registres européens. «Dans certains cas», souligne le projet de règlement sans toutefois fournir de chiffres, «les écarts sont considérables et se chiffrent à un multiple de la taxation dans d'autres pays européens». «Ceci», ajoutent les auteurs du texte, «risque à terme de poser un problème d'image du Luxembourg reflétant un déphasage par rapport aux réalités économiques au plan international».

Car, comme les investisseurs internationaux regardent le taux d'imposition et moins les déductions possibles avant de s'installer au Grand-Duché, les armateurs se montrent très sensibles au niveau des taxes d'immatriculation, même si elles pèsent en réalité assez peu dans leurs coûts d'exploitation.

Première étape avant une révision globale

La Chambre de commerce a d'ailleurs saisi l'occasion qui lui est donnée pour «rappeler qu'à ses yeux le secteur maritime représente une réelle opportunité de diversification et de développement pour l'économie nationale». Les milieux patronaux veulent d'ailleurs voir ce projet de règlement non pas comme «une fin en soi», mais comme «une première étape nécessaire avant une révision plus globale de la législation maritime nationale (…) afin de rendre le registre luxembourgeois plus compétitif et plus attractif».

La lecture de l'exposé des motifs laisse en tout cas entrevoir les très bonnes dispositions du ministère à développer des compétences administratives dans le secteur maritime, notamment certains services et prestations facturés par le Commissariat aux affaires maritimes. Pour le ministère de l'Économie, c'est là «un outil qui a encore un potentiel de développement en termes de revenus pour l'État». «La facturation de services directement prestés telles les dérogations ou autorisations spéciales sont mieux perçues qu'une taxe ou impôt», note le texte du règlement.

La stratégie du gouvernement semble donc être toute tracée: il s'agit de développer la «substance» et les compétences du secteur maritime, ce qui suppose, selon un expert du secteur, de «refaire une politique maritime», après l'avoir laissée en friche, notamment lors du règne du ministre libéral de l'Économie, Henri Grethen, entre 1999 et 2004.

Un commissariat plus fort

Cela supposera une administration plus forte et donc un Commissariat aux affaires maritimes mieux doté structurellement et financièrement, pour réaliser lui-même des tâches qu'il sous-traite actuellement à des sociétés de classifications comme Veritas. «On peut gagner de l'argent», souligne notre expert en précisant que la tendance au niveau européen allait d'ailleurs vers davantage de capacités données aux administrations maritimes, pour maximiser la responsabilité des États à bord des navires.

Le projet de règlement grand-ducal évoque d'ailleurs «un projet législatif complémentaire et plus ambitieux» mis sur le métier pour introduire, entre autres, des critères écologiques (‘green shipping') au niveau de la tarification des taxes et élargir la gamme des prestations de services fournies par le CAM.

Selon le budget 2014, les taxes d'immatriculation prélevées en 2013 devaient rapporter 720.000 euros. Le gouvernement a misé, sans fournir d'autres explications, sur une explosion des rentrées au titre de l'exercice 2014 avec des prévisions de recettes de l'ordre de 3,3 millions d'euros.

Reste à convaincre la population d'un pays sans mer de l'opportunité de donner plus d'argent à l'administration maritime.