Lydia Mutsch défend un projet de loi «destiné à garantir une médecine d’excellence pour le patient». (Photo: Mike Zenari / archives)

Lydia Mutsch défend un projet de loi «destiné à garantir une médecine d’excellence pour le patient». (Photo: Mike Zenari / archives)

«Faut-il craindre à l’avenir d’être malade?» Le titre accrocheur de la lettre du praticien n’a pas manqué de faire réagir Lydia Mutsch deux semaines après sa conférence de presse destinée à calmer le jeu avec les médecins.

La ministre de la Santé signe trois pages de réponses point par point aux accusations du Dr Als, qui estime que «le projet de loi 7056 sur l’organisation hospitalière est discriminatoire envers les médecins et les soignants, anti-constitutionnel, ainsi que défavorable à la qualité des soins», en s’appuyant sur certaines remarques de l’avis du Conseil d’État rendu le 23 décembre dernier.

«Le Conseil d’État conclut que ‘les principes de base régissant l’exercice de la médecine libérale ne sont pas atteints par l’article sous avis’», rappelle la ministre alors que le Dr Als estime que le «projet de loi porte atteinte de multiples façons au statut libéral des médecins hospitaliers».

J’ai pris mes responsabilités.

Lydia Mutsch, ministre de la Santé

La ministre LSAP cite encore la «large consultation» qui a prévalu durant l’élaboration de l’avant-projet de loi ainsi que l’intervention des «experts indépendants du Luxembourg Institute of Health», auteurs de la mise à jour de la carte sanitaire. Et ce alors que le Dr Als, comme l’AMMD de manière récurrente, l’accuse d’«exclure le corps médical et les professionnels de la santé» de son tour de table, mais surtout «de la direction et de la gestion des hôpitaux».

Une allusion à la gouvernance que la ministre s’attache à réguler dans le projet de loi. «Compte tenu des observations pertinentes qui m’ont été transmises par les différentes institutions, j’ai pris mes responsabilités en adaptant l’avant-projet de loi sur neuf points, dont notamment les dispositions réglementant la gouvernance hospitalière», avance la ministre. «En effet, un certain nombre d’avis émettaient comme critique que l’avant-projet de loi évitait de régler les relations entre les médecins, les directions d’hôpitaux et les conseils d’administration des hôpitaux.»

Une tentative qui passe mal dans le milieu médical, celui-ci réclamant une réelle représentation au sein des conseils d’administration. «Selon votre projet de loi, les décisions seraient prises uniquement par des managers, économistes et technocrates», attaque le Dr Als, qui reprend également l’argumentaire de l’Association des médecins et médecins-dentistes d’une standardisation rampante sur fond d’économies. «Vous confiez les choix des moyens diagnostiques et thérapeutiques uniquement aux mains d'économistes et de juristes managers, qui décideront sur base d’arguments financiers et non pas d’excellence.»

Divergences sur la gouvernance

Une remarque partagée – de manière moins virulente – par le Conseil d’État, qui prône également une concertation de la communauté médicale avant définition de standards concernant les procédures ou les dispositifs médicaux. «Dans ce sens, je soutiendrai devant la commission compétente de la Chambre des députés cette proposition du Conseil d’État d’inscrire clairement dans le projet de loi que des représentants des conseils médicaux des hôpitaux soient associés à l’élaboration de tels standards», indique Lydia Mutsch.

Celle-ci dément encore vouloir donner au directeur général des hôpitaux un «statut tout-puissant», «qui peut cumuler les fonctions de directeur médical, administratif et de soins, avec les quasi-attributions d’un dictateur, sans beaucoup de comptes à rendre, avec la voie ouverte à l’arbitraire envers tout le personnel», d’après les mots du Dr Als. Il faut dire que les médecins réclament de pouvoir opposer un droit de veto lors de la nomination d’un pair. Pour la ministre, l’avis préalable du conseil médical suffit à faire entendre la voix des médecins, étant entendu que même «le Conseil d’État estime que la nomination d’un médecin est une décision stratégique qui ne relève pas de la gestion journalière d’un établissement et doit être réservée au conseil d’administration de l’établissement».

Pour conclure, la ministre, qui n’en est pas à sa première explication de texte, insiste sur le fait que «le présent projet est en premier lieu destiné à garantir une médecine d’excellence pour le patient - ce qui à [ses] yeux est le plus important. Il devrait ensuite permettre de clarifier les droits mais également les obligations de tous les intervenants en milieu hospitalier.»

Une position de dialogue, mais aussi de fermeté face à la fronde des médecins. L’AMMD a d’ailleurs convoqué une assemblée générale extraordinaire ce mercredi. Il ne serait pas surprenant que, pour se faire entendre, les médecins décident une action plus musclée, et pourquoi pas une grève.