Claude Kremer (Alfi) (Photo: Eric Chenal/Blitz)

Claude Kremer (Alfi) (Photo: Eric Chenal/Blitz)

Monsieur Kremer, quel bilan global tirez-vous de vos quatre années à la tête de l’Alfi?

«Lorsque je regarde ces quatre dernières années, le premier constat est que les choses ont évolué de manière totalement différente de ce qui était prévu au départ! Après une très longue période de croissance des actifs, les difficultés externes à l’Alfi ont commencé presque simultanément avec le début de ma présidence. Je n’anticipais évidemment pas la façon dont la crise économique et financière nous a touchés et la crise de confiance qui a suivi. Les fonds d’investissement ont subi, tant en Europe qu’au Luxembourg, une réduction des actifs dans une proportion qui a avoisiné les 25%.

Mon activité à la tête de l’Alfi a alors été intimement liée à l’ensemble des mesures qu’il a fallu prendre pour remédier à cette crise et en tirer les leçons pour s’adapter au monde qui avait changé.

Quelle a été, selon vous, la mesure la plus importante que vous ayez prise?

«Il est difficile de les hiérarchiser, car il y en a eu beaucoup. Nous avons eu tout d’abord, à cette époque, cette prise de conscience qu’il fallait placer l’investisseur au centre de nos préoccupations. C’est lui le moteur de toute notre industrie. Sa confiance avait été ébranlée et nous devions la restaurer. C’est pourquoi nous avons créé, sur le site de l’Alfi (www.alfi.lu), une partie investor centre afin de familiariser tout un chacun avec le jargon technique et le fonctionnement du secteur des fonds d’investissement…

Cela veut-il dire que vous ne l’auriez pas nécessairement fait sans la crise économique?

«Avant la crise, l’industrie des fonds était surtout tournée vers l’offre, qui devenait de plus en plus sophistiquée et performante, mais aussi de plus en plus complexe. La demande semblait alors illimitée. Or, la crise a montré que, justement, cette demande n’était pas illimitée. Nous nous intéressions bien évidemment aux investisseurs avant cette crise, mais l’investisseur avait sans doute moins exprimé le besoin qu’on s’intéresse à lui. C’est par rapport à cela que nous avons réagi.

La protection accrue de ce consommateur se reflète dans la vague législative qui déferle depuis deux ans. Comment vous inscrivez-vous dans ce mouvement?

«Nous avons défini, dans notre plan d’action, des démarches d’accompagnement, de manière constructive et proactive, de l’ensemble des évolutions réglementaires. La directive AIFM (Alternative Investment Fund Managers, ndlr.) constitue un des exemples les plus marquants. Le texte est né de la volonté de bon nombre de forums internationaux, à commencer par le G20, de faire en sorte qu’il n’y ait plus ni d’acteurs ni de produits financiers qui échappent à la réglementation. Nous nous sommes beaucoup engagés, au sein de l’Alfi, pour accompagner la naissance de cette directive. Du reste, la réglementation existante en matière de fonds d’investissement spécialisés, qui date de 2007, a été, en quelque sorte, et sans que nous le sachions alors, le précurseur d’AIFMD.

Tout le monde est unanime dans la volonté de faire quelque chose en la matière. Pourtant, le passage à l’acte est complexe et de nombreuses zones d’ombre subsistent dans le texte…

«Les différents intervenants ont en effet compris que le sujet était beaucoup plus complexe que celui qui a été décrit au départ. Le Luxembourg est volontairement resté à l’écart de ces querelles entre Etats membres. Nous restons persuadés qu’AIFMD peut être une grande opportunité pour l’Europe et, de fait, pour le Luxembourg. Nous estimons qu’il est possible de s’inspirer des facteurs de succès à la base de la directive Ucits et de les répliquer avec AIFMD. Je pense que le futur va nous donner raison en la matière.

Quel est l’impact de cette évolution permanente du cadre réglementaire sur la place luxembourgeoise en tant que telle?

«Pendant la crise, nous avons bien compris que l’appétit venait à beaucoup d’autres centres financiers pour gagner en importance et récupérer du volume d’affaires que le Luxembourg était susceptible de perdre. Il fallait que, nous aussi, nous ayons à l’esprit de renforcer la compétitivité de notre Place. Cela passe par le développement de secteurs de niche, tels que la microfinance, les investissements socialement responsables, les ETF (Exchange-Traded Fund, ndlr.) ou encore la finance islamique.

Nous avons ensuite plaidé en faveur de, et obtenu, la réduction de la taxe d’abonnement sur les fonds ETF et sur les fonds en microfinance. Cette suppression constitue évidemment un réel avantage concurrentiel.

Je note également l’importance d’une transposition pragmatique de la directive Ucits IV. Nous avons eu le souci d’identifier au plus tôt certains obstacles, d’ordre fiscal notamment, et de faire en sorte que ceux-ci soient pris en compte par le législateur et réglés en amont de la directive. Ce sont autant de démarches que nous avons entreprises pour que la compétitivité de la Place soit préservée.

Le marché est-il prêt, au Luxembourg, pour l’entrée en vigueur de la directive Ucits IV, le 1er juillet prochain?

«Les choses se mettent en place. Les sociétés de gestion, par exemple, doivent se soumette à certaines règles de fonctionnement et de conduite, plus exigeantes, comme en matière de gestion du risque et de reporting. Par ailleurs, beaucoup d’acteurs se mettent à la rédaction des fameux KIID (Key Investor Information Document, ndlr.), pour la mise en œuvre desquels il y a une année de transition supplémentaire.
On voit également que pour les aspects facultatifs de la directive, par exemple les fonds de type master feeder, le passeport de la société de gestion ou encore les fusions transfrontalières de fonds, les acteurs s’intéressent de très près à ces opportunités nouvelles que Ucits IV leur permet de mettre en place. Mais dans le même temps, ils sont plus prudents, car il reste encore un certain nombre d’obstacles fiscaux non réglés dans certains Etats membres qui empêchent, par exemple, qu’une fusion transfrontalière de fonds ne soit neutre fiscalement dans le chef des investisseurs. Il faudra encore du temps pour que des solutions soient trouvées par le biais d’accords bilatéraux ou multilatéraux.

Le succès de la directive Ucits place, de fait, le Luxembourg en première ligne sur bon nombre de marchés de par le monde. Comment gérez-vous la présence internationale de l’association?

«L’une des conséquences de la crise a été, en effet, de multiplier nos efforts pour augmenter notre visibilité et notre présence internationales. Le fait le plus marquant, en la matière, est l’ouverture, en novembre dernier, de notre bureau de représentation à Hong Kong. L’écho que nous en avons actuellement est très positif. Les investisseurs en Asie apprécient beaucoup que nous soyons directement établis dans leur région.
Par ailleurs, le nombre de roadshows auxquels nous participons a augmenté et leur contenu a été rendu encore plus pointu… L’idée de ces road-shows est née pendant la présidence de mon prédécesseur, Tom Seale. Mais le marché nous a motivés à les rendre encore plus spécialisés et plus performants. Nous en avons à peu près six par an et nous faisons en sorte de cibler, en fonction de nos lieux de destination, des thématiques qui touchent directement les promoteurs et les gestionnaires établis sur place. L’année dernière, à Londres, nous avons réuni plus de 400 personnes, dont une centaine venait de Luxembourg.

Aujourd’hui, il y a une réelle attente, chaque année, dans ces grandes villes où nous nous rendons, pour que nous venions présenter aux professionnels toutes les dernières nouveautés sur les sujets d’actualité. Nous y sommes toujours très bien reçus.

Enfin, je dois signaler que nous nous sommes également efforcés de renforcer l’implication de l’Alfi au sein des associations internationales: l’Efama, bien sûr (European Fund and Asset Management Association, dont Claude Kremer est le vice-président, ndlr.), mais aussi l’EFRP (European Federation for Retirement Provision, ndlr.), car nous pensons que les fonds de pension sont un secteur d’avenir dans lequel l’Alfi doit être présent. Nous sommes également impliqués de manière très active au sein de la fédération mondiale IIFA (International Investment Fund Association, ndlr.).

Là encore, est-ce que cet effort aurait été le même sans la crise que nous avons vécu?

«Savoir prêcher la bonne parole et diffuser les bons messages en dehors du Luxembourg a toujours été l’une de nos priorités. Mais cela s’est sans doute avéré d’autant plus important, voire crucial, dans ce contexte de crise.

Vous avez également augmenté votre visibilité au cœur même du Luxembourg, notamment en multipliant les événements que vous y organisez…

«Il est vrai que nos deux conférences historiques, au printemps et à l’automne, ont été grandement professionnalisées. Nous avions, en outre, la chance de pouvoir nous appuyer sur le nouveau centre des congrès qui nous a permis d’entrer dans une autre dimension. Ces deux événements ne sont pas des foires, mais de réelles conférences où l’élément d’apprentissage est tout aussi important que l’élément de rencontre et de relationnel. Nous tenons à garder un savant dosage de ces deux composantes, avec la tenue de débats de haute qualité en présence des plus grands spécialistes.

A côté de ces deux événements que je qualifierais de traditionnels, nous avons créé de nouvelles conférences, qui touchent les fonds alternatifs, les investissements socialement responsables, la microfinance et, plus récemment, une série de conférences d’une journée, très spécialisées, du type leading edge. Elles ne visent pas seulement nos membres au Luxembourg. Nous attirons aussi de nombreux visiteurs de l’étranger.

Qu’en est-il de votre implication au sein des organes de la Place, notamment de Luxembourg for Finance?

«Depuis sa création en 2008, l’Alfi est un des acteurs majeurs du développement de Luxembourg for Finance (LFF), via la plate-forme Profil, qui est le véhicule d’accès à LFF pour le secteur privé. Mais nous avons également intensifié notre coopération avec l’ABBL. Nous avons de nombreux sujets de préoccupation communs, notamment en matière de communication. Nous avons évidemment intérêt à travailler ensemble de manière très étroite.

Nous avons, de notre côté, entrepris de nombreux efforts en matière de communication, notamment en développant nos propres outils. L’Alfi diffuse un Newsflash bimensuel, adressé à l’ensemble de ses membres, et un Newsdigest mensuel international adressé à plus de 6.000 destinataires à travers le monde, par exemple les ambassades, les autorités de surveillance et les associations de fonds dans les différents pays, mais aussi les acteurs de terrain avec qui nous sommes en relation grâce à nos roadshows. Il y a aussi, bien sûr, notre site Internet qui a été refait et qui connaît une fréquentation en hausse.

A tout cela s’ajoute une demi-douzaine de brochures d’information que nous avons éditées et que nous distribuons dans nos roadshows, ou bien que nous transmettons à nos membres pour qu’ils les distribuent eux-mêmes lors de leurs propres déplacements.

Dans ce contexte d’élargissement de votre visibilité en matière de communication, comment les relations avec la presse sont-elles abordées?

«Nous avons développé et intensifié la communication avec les journalistes. Je dois dire qu’il s’agit d’un aspect très important pour moi. Là encore, la crise nous a fait prendre conscience que nous étions mal connus dans certains pays, ou alors pas connus du tout dans d’autres endroits. Il y a eu aussi d’énormes malentendus sur certains sujets.

Nous avons donc développé un vaste programme de prise de contact avec des journalistes, notamment en Grande-Bretagne, en France ou en Allemagne et nous entretenons avec eux des contacts très réguliers.

Nous avons su, de la sorte, éveiller leur intérêt et il n’est pas rare aujourd’hui qu’ils nous appellent directement pour avoir des informations sur tel ou tel point. Beaucoup d’entre eux ne devinaient pas qu’il y avait un tel niveau d’activités ici en matière de fonds d’investissement.
Nous avons aussi favorisé les travaux de recherche avec des instituts spécialisés. Il y a eu notamment deux études très intéressantes qui ont été publiées: une par Lipper («Symbiosis in the evolution of Ucits», ndlr.), qui a établi une projection de l’évolution des fonds en Europe entre 2010 et 2020, avec un travail d’extrapolation très intéressant sur la gestion collective pays par pays, et une autre faite par Strategic Insight («Alternative and Hedge Fund Ucits in the Next Decade», ndlr.) sur l’importance des fonds Ucits de type alternatifs, ces fameux Newcits. Ces études ont été publiées à l’occasion de nos conférences à Luxembourg et nous avons pu les présenter à la presse internationale et luxembourgeoise.

Au-delà de toutes ces réalisations déjà concrètes, quels sont les dossiers qui restent encore à mener à bien?

«Je vois principalement trois grands chantiers. Le premier concerne un ambition paper élaboré par notre comité stratégique (voir encadré ci-dessous), puis validé par le conseil d’administration de l’Alfi et soumis récemment au ministre des Finances. Il sera discuté au sein du Haut comité de la place financière. Il reprend les grands axes de développement projetés pour le secteur des fonds d’investissement, ses défis et ses opportunités.

Ensuite, nous voulons développer un programme de collecte de données statistiques. Nous disposons à l’heure actuelle d’un grand nombre de données sous une forme non structurée. L’idée est de les regrouper et les compiler de manière systématique afin de les mettre à la disposition du marché. C’est un projet ambitieux, car il faudra des ressources humaines pour convertir toutes ces données brutes en des données exploitables qui permettront, par exemple, de mieux identifier des tendances de marché.

Enfin, il reste les grands chantiers réglementaires, à commencer par la directive AIFM. Mais il y a aussi une vingtaine d’autres dossiers importants en cours, en provenance de la Commission européenne ou encore des Etats-Unis et qui auront un impact important sur les fonds. Il va falloir réagir sur chacun de ces textes. C’est un chantier perpétuel qu’il ne faut surtout pas sous-estimer, compte tenu des effets que cette avalanche de réglementations à venir aura sur le secteur.

Que pensez-vous de l’actuelle version de la directive AIFM? Correspond-elle à vos attentes?

«Nous sommes satisfaits avec ce texte, même s’il n’est pas encore clair sur bien des aspects qui devront être explicités dans les mesures de niveau II. Nous devrions avoir une vue plus claire sur la question aux alentours du mois de novembre.

Quels sont les autres opportunités, voire défis, auxquels l’industrie des fonds au Luxembourg doit faire face?

«Il convient en premier lieu d’assurer le développement du Luxembourg comme centre de distribution transfrontalière de fonds d’investissement. Cette affirmation peut paraître banale, puisque telle a toujours été notre ambition, mais cela doit rester un objectif. Cette ambition est liée à la pérennité de la marque européenne Ucits, non seulement au sein de l’Union, mais aussi au-delà et notamment en Asie, en Amérique latine ou au Moyen-Orient. Dans le même temps, il convient de reproduire le succès de Ucits avec AIFMD pour ce qui est des produits alternatifs. Nous aurions alors deux plates-formes sur lesquelles nous pourrions vendre une très large gamme de fonds vers l’étranger.

Là où ça devient un défi, c’est de ne pas sous-estimer le risque qu’une marque concurrente à celle des Ucits puisse s’établir en dehors de l’Europe. Nous devons donc anticiper un tel mouvement et le contrecarrer, en offrant un produit qui fonctionne bien et qui soit accepté aux endroits où il est vendu.

Y a-t-il des projets concurrentiels concrets qui se dessinent actuellement?

«Non, rien de concret pour l’instant. Actuellement, beaucoup de fonds sont créés en Europe par des promoteurs asiatiques pour être commercialisés en Asie. Pourquoi ne pas imaginer qu’un jour un produit Ucits d’origine asiatique soit mis en place dans cette région? On n’en est pas encore là, mais il faut rester vigilant.

Vous évoquiez précédemment l’avalanche de réglementation à laquelle l’industrie des fonds est soumise. Cela peut-il aussi constituer un danger?

«Une sur-réglementation risque de mettre en péril la compétitivité de l’industrie des fonds en Europe, notamment par rapport aux Etats-Unis et à l’Asie. Nous sommes favorables à toute réglementation adéquate, mais pour l’heure, nous sommes noyés par tout un ensemble de réglementations, certes animées d’intentions louables, mais dont l’impact cumulatif n’est pas neutre.

J’ai un peu peur que, lorsque nous serons totalement submergés par ces réglementations, certains pays en dehors de l’Union européenne, qui auront pu y échapper en partie, puissent en profiter. Toute réglementation a un coût et, inévitablement, une partie de ce coût risque d’être répercutée sur les investisseurs. Ceci pose un problème de compétitivité vis-à-vis de tous les autres endroits au monde où une telle réglementation n’existe pas ou seulement de manière allégée et on risque de tuer la poule aux œufs d’or.

Il est donc essentiel d’avoir un dialogue constructif, mais critique, notamment avec la Commission européenne, afin que l’élaboration des textes se fasse en étroite concertation avec l’industrie, que les règles à adopter tiennent compte de ses soucis, notamment des coûts qu’elles engendrent, et que le volume des normes nouvelles ne dépasse pas la capacité d’absorption du marché.

Parallèlement, il est indispensable d’assurer un contexte concurrentiel équivalent pour l’industrie de la gestion collective, le secteur bancaire et celui de l’assurance. C’est essentiel, notamment en ce qui concerne les conditions de transparence au niveau des coûts des produits et des modalités de distribution des produits. Les pratiques de vente ne sont pas les mêmes selon les secteurs. Il faut les harmoniser. C’est l’objectif d’un projet de directive comme Prip (Packaged retail investment products, ndlr.), dont nous n’avons pas encore vraiment le détail.

Avez-vous le sentiment que l’industrie des fonds est plus forte aujourd’hui qu’avant la crise?

«Nous sommes certainement plus forts aujourd’hui qu’avant la crise. On devient toujours plus fort en surmontant des difficultés et je pense que nous avons pris les bonnes orientations. Le risque était réel, à un moment, pour les fonds luxembourgeois de perdre des parts de marché. Mais l’inverse s’est produit: ils en ont gagné et en même temps le Luxembourg a contribué au développement de la marque Ucits en Europe qui se révèle, aujourd’hui plus que jamais, être le bon produit.

A l’heure de passer la main, quel message souhaitez-vous transmettre à votre successeur?

«A titre personnel, j’ai appris pendant ces quatre années beaucoup de choses que je n’aurais jamais pu appréhender si je n’avais pas exercé ces fonctions. J’ai rencontré de nombreuses personnes intéressantes et j’ai pu élargir mon horizon. J’ai eu une grande complicité avec Camille Thommes et Charles Muller, mes deux interlocuteurs au quotidien dans les rangs de l’Alfi.

J’ai aussi perfectionné mon sens du compromis, ce qui indispensable avec un conseil d’administration de 24 personnes au sein duquel, de temps en temps, apparaissent des divergences de vues et parfois, mais très rarement, l’une ou l’autre tension. J’espère que mon successeur aura, dans sa mission, autant de satisfaction et de plaisir que moi.

D’un autre côté, dans ma vie professionnelle, la présidence de l’Alfi représente seulement un chapitre, intense certes, mais limité dans le temps. J’ai la chance d’être un des associés fondateurs d’un cabinet d’avocats dynamique et actif sur la Place. J’ai occupé mes fonctions de président de l’Alfi en plus de mes activités quotidiennes et cela s’est fait souvent au détriment de ma vie familiale et de mes loisirs. Je me replonge désormais les deux pieds joints dans tous les projets dont j’ai la charge au sein de mon cabinet et je m’en réjouis beaucoup.»

Alfi - Une gouvernance améliorée

Au cours de son mandat de quatre années à la tête de l’Alfi, Claude Kremer s’est également attaqué à la structure même des instances de gouvernance de l’association, pour la rendre plus efficace. Un strategic advisory board a ainsi été créé, composé de 13 membres (dont certains ne sont pas membre du conseil d’administration de l’Alfi), placé sous la présidence de Claude Kremer en personne. «Cela nous a permis d’avancer dans nos réflexions», assure-t-il.

Autre entité nouvellement créée: le regulation advisory board (aussi appelé RegBo), plus condensé (huit membres), présidé par Jacques Elvinger. «Il y a eu tellement de nouveaux textes pour lesquels nous devions donner des avis qu’il n’était plus possible que tout le conseil d’administration de l’association s’en charge. Dans ce ‘RegBo’, il n’y a que des membres du board ayant des compétences particulières pour s’occuper des textes réglementaires qui nous sont soumis.»

L’Alfi a grandi ces dernières années, puisque le personnel permanent est passé de 13 à 26 personnes, auxquelles s’ajoutent le représentant de l’association à Hong Kong, deux délégués détachés auprès de Luxembourg for Finance et deux autres personnes représentantes permanentes à Bruxelles, en partenariat avec l’ABBL.

Bilan - Plus de bons que de mauvais moments
Les moments les plus difficiles de sa présidence, Claude Kremer en identifie deux en particulier. En premier: la crise des liquidités des fonds monétaires, en octobre 2008. «Nous avons évité la catastrophe grâce à une très bonne collaboration entre l’Alfi, le gouvernement, la CSSF et la Banque centrale. Nous avons eu des échanges parfois très tard le soir ou très tôt le matin. Et nous avions d’autant plus la pression que l’Alfi était l’organe de référence auprès des autorités.» L’autre «point noir» fut évidemment l’affaire Madoff et le risque de mauvaise réputation qui a entaché le secteur.

Un écueil qui a demandé un redoublement d’efforts en termes de communication. «Dans ces moments-là, la collégialité des équipes en place au sein de l’Alfi a joué à plein, notamment à l’intérieur du conseil d’administration qui était très soudé. C’était réconfortant de savoir que nous pouvions nous appuyer les uns sur les autres.»

Au chapitre des satisfactions, M. Kremer en retient trois: avoir pu contribuer à développer l’esprit d’équipe et de solidarité au sein de la communauté des fonds au Luxembourg; avoir pu développer une «excellente collaboration» avec les autorités de la Place, en particulier avec le ministre des Finances Luc Frieden et la CSSF et, enfin, avoir mené à bien l’ouverture du bureau à Hong Kong. «C’était un projet ambitieux et je suis reconnaissant au conseil de l’Alfi de m’avoir soutenu. Les débats ont été longs et il y avait quelques réserves isolées au départ. Mais une fois que la décision a été prise, tout le monde a adhéré à ce projet.»