Le ministre Romain Schneider est venu rappeler l'engagement du Luxembourg en matière de coopération et donc de microfinance. (Photo: Luc Deflorenne/archives)

Le ministre Romain Schneider est venu rappeler l'engagement du Luxembourg en matière de coopération et donc de microfinance. (Photo: Luc Deflorenne/archives)

Autre courant, autre cadre. L’Alfi (Association luxembourgeoise des fonds d’investissement), habituée de Luxembourg-Congrès, avait choisi le Tramsschapp pour rassembler quelque 200 personnes ce mardi autour d’une thématique qui ne rivalise pas encore avec le «mainstream» de la finance, mais qui représente un courant en croissance permanente: la microfinance.

Un créneau sur lequel le Luxembourg mise depuis plusieurs années, tant pour asseoir sa politique de soutien aux pays en voie de développement que pour assurer une diversification de sa place financière.

Luxembourg, déjà sur la carte

Le ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire était d’ailleurs venu rappeler cet engagement public via, notamment, la contribution de 1% du revenu national brut à cette politique, ce qui place le Luxembourg en tête de l’aide publique au développement.

«La finance inclusive ne concerne pas uniquement le gouvernement et l’industrie financière», a déclaré Romain Schneider (LSAP). «Elle repose aussi sur l’action des organisations non gouvernementales ainsi que de la société civile.»

Et le ministre d’insister sur la collaboration transversale qui doit s’établir pour faire du pays un centre d’excellence en la matière. Cette position, le pays peut déjà en quelque sorte la revendiquer, a minima en matière de domiciliation de véhicules d’investissements (MVIs). L’étude Microrate indique ainsi que 31% d'entre eux sont domiciliés au Luxembourg, loin devant les États-Unis (18%).

Et parmi ces acteurs, le Luxembourg Microfinance and Development Fund (LMDF), qui est à la fois domicilié et géré localement, continue de tracer sa route. Après l’installation de la mécanique interne, le LMDF fêtera ses cinq ans d’existence l’an prochain et comptabilisait, au 31 mars dernier, 12,5 millions d’actifs directement investis dans la microfinance (à comparer aux 9,5 millions enregistrés au 30 juin 2013).

«Nous voulons continuer à structurer les processus d’investissements afin d’attirer plus de clients institutionnels et privés», déclare Kaspar Wansleben, executive director du LMDF, rencontré dans les travées de l’événement. La sensibilisation aux particularités de la microfinance, couplant un retour sur investissement sur un plus long terme à des impacts sociétaux, devra être maintenue pour atteindre cet objectif.

«C’est un secteur qui reste jeune, nous devons donc encore gagner en expérience», ajoute M. Wansleben. «Nous devons travailler dans ce contexte avec les professionnels du private banking pour qu’ils puissent proposer à leurs clients une autre vision de la finance.»

Au-delà du microcrédit

Car, comme l’ont montré les témoignages de ce matin, la microfinance bouscule les codes traditionnels d’un secteur bancaire qui laisse par ailleurs de côté une partie importante de la population pauvre, notamment dans les pays en voie de développement. Mais pas uniquement.

«17% de la population mexicaine vit sans compte bancaire», indiquait Robert A. Annibale, global director de la branche de Citi dédiée à la microfinance. L’institution s’est lancée dans ce marché en se positionnant à la fois comme partenaire de banquiers de pays du Sud, mais aussi en développant des solutions innovantes.

«Le paiement mobile permet de créer de véritables relations financières», relevait l’orateur invité par l’Alfi, en évoquant un exemple en République dominicaine se basant sur les téléphones portables.

La transition du microcrédit originel (défendu par la figure emblématique du prix Nobel Muhammad Yunus) vers une finance alternative, censée combler les besoins d’une population quant au financement de sa santé ou encore de l’éducation des enfants, est en marche.

«Nous assistons à la fin du microcrédit en tant que réponse à la pauvreté alors que la microfinance devient le moyen de faciliter l’accès à de meilleures conditions de vie», indiquait d'ailleurs Daniel Rozas, senior microfinance expert au sein de l’European Microfinance Platform.

À la croisée des chemins… et des idées

Les retombées de la microfinance, initialement centrée sur des microcrédits à vocation locale, touchent aussi progressivement les flux commerciaux du Sud au Nord comme le commerce équitable. D’où le besoin, également reflété lors du panel proposé par l’Alfi, de recourir à des labels reconnus comme Fairtrade, au même titre que Luxflag pour les fonds d’investissement.

Ce dernier ayant récemment enclenché une nouvelle phase de développement fait partie des atouts pour placer le Luxembourg aux avant-postes de la microfinance. Entre autres.

La recherche d’investisseurs chez les mass affluant (+de 100.000 euros) de la part du Luxembourg Microfinance and Development Fund – pour ne citer que lui – présente aussi une convergence intéressante avec la banque privée qui se tourne vers les clients fortunés, dans le sillage de la fin du secret bancaire.

Le domaine du paiement mobile ne doit pas non plus être négligé pour un pays qui compte plusieurs jeunes pousses prometteuses, ainsi que la SES, qui est présente en Afrique, via le réseau O3G permettant un accès internet via satellite.

Autant d’opportunités qui nécessiteront des synergies, mais avant tout que le secteur puisse continuer à gagner en maturité et donc en fluidité dans ses aspects réglementaires, surtout avec les pays tiers qui présentent des situations politiques diverses et variées…