La source du premier épisode de LuxLeaks a désormais un visage et un nom dévoilés ce matin par Libération. (Photo: Libération)

La source du premier épisode de LuxLeaks a désormais un visage et un nom dévoilés ce matin par Libération. (Photo: Libération)

On connaissait les chefs d'inculpations depuis vendredi soir: vol domestique, violation du secret professionnel, violation de secrets d'affaires, blanchiment et accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données.

On connaît désormais le nom et les motifs qui ont poussé l'ancien employé de PwC à dérober 40.000 pages de documents confidentiels, dont de nombreux rulings, qui ont servi de base au consortium de journalistes d'investigation ICIJ pour effectuer leurs révélations dites LuxLeaks, au moins pour la première vague.

L'inculpé qui ne se cache plus s'appelle Antoine Deltour et s'est confié au journal Libération dans un entretien exclusif.

Sur le plan procédurier, on y apprend qu'il a été placé en garde à vue en France en juin dernier, sur commission rogatoire internationale de la justice luxembourgeoise. Avant de se retrouver dans le bureau d'un juge luxembourgeois vendredi, où il a souhaité «tout raconter».

«Par conviction»

«J'ai agi par conviction, pour mes idées, pas pour apparaître dans les médias. Je suis juste l'élément d'un mouvement plus général. Dans LuxLeaks1 sont mentionnés plusieurs documents internes postérieurs à mon départ de PwC. Je ne suis donc pas seul», indique le Français âgé aujourd'hui de 28 ans.

Il est entré en 2008 chez PwC Luxembourg en tant qu'auditeur avant de quitter la firme deux ans plus tard. «Je ne me sentais pas à ma place dans ce milieu-là. J'ai progressivement découvert la réalité du système dans sa radicalité: une pratique massive d'optimisation fiscale. Je n'avais pas envie de contribuer à ça», indique-t-il auprès de nos confrères.

Un téléchargement «par hasard»

C'est à la veille de son départ qu'il aurait téléchargé les documents ayant suscité la polémique, presque par hasard si l'on en croit son témoignage: «J'ai copié des documents de formation, mais en explorant la base informatique de PwC, je suis aussi tombé sur les fameux tax rulings. Sans intention particulière ni projet précis, je les ai aussi copiés, car j'étais consterné par leur contenu.»

Et d'ajouter: «Je n'ai contourné aucune protection informatique. Mon ancien employeur a dû le reconnaître: je n'aurais peut-être pas dû avoir accès à ces fichiers-là, mais je n'y suis pour rien.» 

C'est par l'intermédiaire du journaliste qui préparait en 2010 l'émission Cash investigation de France 2 déjà consacrée à l'optimisation fiscale que les documents se sont retrouvés entre les mains des membres du consortium ICIJ, sans qu'Antoine Delcour soit directement en contact avec ses membres, toujours selon ses explications. «Dans mon esprit, ces documents n'avaient vocation à être utilisés que dans le cadre de la préparation de ce magazine», précise-t-il.

Un combat politique

Regrettant que toute l'attention se porte sur lui, il regrette encore plus que seul le Luxembourg soit pointé vis-à-vis de la «planification fiscale agressive mise en place par certains États, de stratégies complexes pratiquées à échelle industrielle par certains cabinets».

«La régulation sera toujours en retard sur l'ingénierie financière, alors que l'évaporation de recettes fiscales devient cruciale en temps de crise», indique le jeune homme qui place vraisemblablement son argumentation et sa défense dans le champ politique. «Il va être enfin question d'une harmonisation des bases fiscales en Europe.»

L'ancien auditeur estime que son action va dans le sens de l'histoire et d'une finance plus éthique. Antoine Deltour a du mal à imaginer qu'il va être condamné pour l'exemple. Le travail des juges indiquera si sa démarche, qui ne serait pas isolée, sera effectivement punie comme telle.