M. le Maréchal, il a été question, ces derniers jours, d’une «mise sous tutelle» des recrutements effectués par la maison grand-ducale par le gouvernement. Qu’en est-il?
«Nous constatons qu’il y a eu beaucoup de malentendus et d’amalgames relayés par les médias ces derniers jours. Les faits sont les suivants: il y a plus d’un mois que le Grand-Duc s’est accordé avec le gouvernement sur quelques principes en matière de recrutement du personnel.
Lesquels?
«La Cour a le libre choix dans le recrutement de son personnel, sous réserve de deux exceptions. D’une part, l’accord du gouvernement est nécessaire pour les nominations aux postes de maréchal de la Cour et de chef de cabinet du Grand-Duc.
D’autre part, les recrutements de cadres supérieurs se feront après échange entre le Grand-Duc et le Premier ministre. Le gouvernement prêtera ses services à la Cour pour vérifier l’honorabilité des personnels à engager.
Qu’en est-il de la relation entre le Grand-Duc et le Premier ministre?
«La relation entre le Grand-Duc et le Premier ministre a toujours été cordiale et empreinte d’une confiance réciproque. Il n’y a aucun bémol entre les membres de la famille grand-ducale et un quelconque ministre.
Le départ de Chantal Selva, venue pour revoir l’organisation de la maison grand-ducale, a aussi été évoqué dans la presse. Quelle en est la cause?
«Madame Selva n’était pas salariée de la Cour grand-ducale. Elle travaillait en tant que consultante externe depuis mars 2015. Sa mission ponctuelle était, par essence, limitée dans le temps. Il y a environ deux semaines, nous avons appris que Madame Selva a des antécédents judiciaires que nous ignorions et qui remontent à plusieurs années. La réaction du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse a alors été immédiate. Il a été mis fin au contrat de prestation de services, avec effet immédiat et d’un commun accord.
Peut-on comparer la gestion du personnel de la Cour à celle d’une entreprise?
«Je n’aime pas le terme d’entreprise. Nous sommes une institution employant une centaine de personnes et qui doit être bien organisée pour conduire ses missions. Dans le cadre de la nouvelle organisation de la maison grand-ducale, le Grand-Duc et la Grande-Duchesse s’impliquent personnellement en s’appuyant sur un cadre collégial de personnes qui portent des responsabilités dans la maison. Ce modèle fonctionne très bien, même si d’aucuns ne le croient pas.
Pour quelle raison la Grande-Duchesse était-elle absente de la visite d’État au Luxembourg du président de la Roumanie?
«La Cour a déjà communiqué à ce sujet. Par ailleurs, je n’entends pas commenter la vie privée de la Grande-Duchesse. Je peux vous dire que la Grande-Duchesse a regretté ne pas avoir pu être présente à cette visite d’État. Elle a également été peinée par les commentaires que son absence a suscités. Ceci est d’autant plus triste depuis le début du règne du Grand-Duc, il y a eu 38 visites d’État. En 15 ans, la Grande-Duchesse n’en a manqué qu’une seule, outre celle de la Roumanie. Je dois aussi vous dire que si la récente visite d’État en Finlande fut un tel succès, ce fut grâce à l’implication personnelle de la Grande-Duchesse dans l’organisation de cette visite d’État.
Les travaux de modernisation de l’organisation se poursuivent-ils et autour de quels axes?
«Nous disposons d’une nouvelle organisation des tâches de chef de cabinet et de l’aide de camp et du maréchal de la Cour. Le maréchal ne s’occupe plus des questions journalières, mais doit avoir une vue d’ensemble sur la maison grand-ducale. Ce nouveau système rend plus efficace l’action des souverains.
Quel est le sens de la Fête nationale?
«Il est intéressant de voir l’évolution de la Fête nationale: au 19e siècle et au début du 20e siècle, l’anniversaire du souverain était au centre. Durant le long règne de la Grande-Duchesse Charlotte, la Fête nationale s’est développée progressivement. C’est à partir du règne du Grand-Duc Jean qu’elle a pris une double dimension: c’est d’un côté la fête du Grand-Duc, et d’un autre côté c’est aussi une grande fête populaire. Si aujourd’hui, le Grand-Duc est toujours, et en premier lieu, le visage de la Fête nationale, c’est, à ses côtés, tout le peuple qui est en fête, du nord au sud du pays et de l’est à l’ouest. La ferveur se ressent d’autant plus que nous sommes un pays de petite taille. La Fête nationale est un moment d’enthousiasme, de joie, de rassemblement de la population, qu’elle soit luxembourgeoise ou non luxembourgeoise, autour de la famille grand-ducale qui se retrouve au complet.
Quel rôle joue finalement le Grand-Duc dans une monarchie parlementaire telle que nous la connaissons?
«Il est le symbole de l’unité nationale. En portant une attention particulière sur les différentes communautés, de la plus grande à la plus petite, il joue un rôle fédérateur par les actes continuels qu’il pose et qui ne sont pas toujours directement visibles par le grand public.
Permettez-moi d’ajouter quelques mots concernant la Grande-Duchesse, qui est régulièrement la cible de critiques. Je connais la Grande-Duchesse depuis longtemps, et encore mieux depuis le début de ma mission au Palais, il y a six mois. Je peux témoigner de son engagement inlassable au service du pays. La vie officielle n’est qu’une partie de son engagement. La Grande-Duchesse prête une attention particulière à ceux et celles qui sont en situation difficile, qu’il s’agisse de malades, de gens affectés par des handicaps ou des gens en détresse.
Toutes ses actions et ses engagements ne sont pas communiqués et restent donc moins visibles aux yeux du public, la Grande-Duchesse réalisant des actions de bienfaisance dans la plus grande discrétion, que ce soit au Luxembourg ou à l’étranger. N’oublions pas l’immense succès que fut, au début de cette année, le séminaire initié par la Grande-Duchesse et consacré aux troubles d’apprentissage.
Comme vous le signaliez, vous avez endossé vos fonctions il y a six mois, après un long parcours politique, notamment à la présidence de la Chambre des députés. Fallait-il ce CV pour endosser une telle fonction?
«J’ai passé des années formidables en politique, mais j’ai décidé à un certain moment de tourner la page. C’est à chacun de juger du moment opportun de le faire. Pour ma part, je suis heureux de remplir mon nouveau rôle.»