Yves Francis (Photo : Julien Becker)

Yves Francis (Photo : Julien Becker)

Le conseil et l’audit sont des services indispensables pour nombre d’entreprises nageant actuellement en eau trouble. Yves Francis (Deloitte) estime que les prestataires ont d’autant plus de responsabilités.

Monsieur Francis, quels sont les changements significatifs survenus dans le secteur de l’audit et du conseil, au cours de ces dernières années ?

« On constate que le marché a tendance à se scinder nettement en deux catégories d’entreprises : celles qui cherchent à internaliser au maximum et les autres, plus petites en général, qui se doivent d’externaliser toute activité ne s’inscrivant pas dans leur core business. Pour nous, cette tendance se matérialise par une demande accrue en projets d’implémentation de systèmes pour les premières nommées. Alors que les secon­des sont plus demandeuses de projets de gestion de type lean management, des missions qui ont pour finalité d’optimiser les processus et de réduire la consommation des ressources.

En parallèle, notre clientèle demande davantage de conseils réglementaires. Il ne s’agit plus seulement de se conformer à chaque réglementation, les unes indépendamment des autres, mais d’aider à développer des stratégies qui tiennent compte de l’ensemble de la réglementation en vigueur.
 

Cette dynamique devrait-elle se poursuivre ?

« Oui, je reste d’ailleurs optimiste quant à l’avenir de notre secteur car le monde changeant et instable, qui est le nôtre depuis quelques années déjà, suscite un accompagnement constant. Les entreprises ont un besoin accru en conseil, ce qui se traduit par des opportunités nouvelles pour les sociétés de notre secteur. L’exercice précédent par exemple (clôturé au 31 mai) s’est soldé par une croissance du chiffre d’affaires de l’ordre de 10 % pour Deloitte. Il s’agit donc pour nous, et compte tenu de la conjoncture, d’un excellent exercice. En revanche, selon nos informations, les autres acteurs du secteur à Luxembourg ont très probablement connu une croissance plus faible, entre 0 et 5 %.
 

Dans ce contexte, vos besoins en RH ont dû évoluer…

« Nous sommes continuellement en train de recruter. Si nous engageons toujours autant de professionnels du conseil, nous ouvrons de plus en plus nos portes à des collaborateurs venus de différents horizons – banque et industrie par exemple – qui, en ayant travaillé ‘de l’autre côté de la barrière’, parlent du métier avec leurs expériences acquises dans le milieu. Nous nous attachons ainsi à enrichir nos équipes par des personnes rompues aux activités spécifiques des différents secteurs dont sont issus nos clients.

Par contre, il est dommage que nous ayons plus de facilités à recruter des gens de l’extérieur que des Luxembourgeois. À titre d’exemple, en 2011, sur 15 nouveaux réviseurs d’entreprise exerçant au sein des cabinets d’audit de la Place… aucun d’eux n’est luxembourgeois !
 

Quelles améliorations verriez-vous pour le secteur ?

« Ce qui retient mon attention, en ce moment, c’est l’orientation que va prendre la directive européenne introduite par Barnier, directive focalisée sur l’audit. Certaines des mesures qui y sont inscrites n’amélioreraient nullement la profession : séparer l’audit de la branche consulting par exemple. Ainsi on a parfois besoin d’un actuaire, qui n’est autre qu’un professionnel du conseil. Si on s’en sépare, l’audit perdra de sa pertinence. Les cabinets d’audit seront contraints de recruter, pour certaines missions, des experts, dont les prix sont souvent très élevés. Cette mesure n’est donc pas concevable à long terme.
Cette directive sera discutée dans les prochains mois. Et certaines dispositions devraient à notre sens être rejetées. »

 

Yves Francis
- 45 ans

- Managing partner, CEO Deloitte Luxembourg depuis 2005
- A rejoint Deloitte en 1990, en provenance de JP Morgan Asset Management (Europe)