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Guy Gardula, (Photo: Olivier Minaire) 

Monsieur Gardula, alors que les licenciements et les plans sociaux font la une des journaux, vous faites état d’un besoin urgent d’apprentis et de travailleurs qualifiés dans un secteur artisanal qui emploie environ 2.000 personnes dans 180 entreprises...

 «Nous essayons d’attirer l’attention sur ce sujet depuis longtemps. Le Luxembourg a accueilli beaucoup de Portugais il y a une vingtaine d’années. Puis, il a bénéficié d’un afflux de main-d’œuvre après la fermeture de nombreuses usines sidérurgiques en Lorraine il y a 10 ou 15 ans. Mais ces viviers se sont taris. Peu de jeunes apprennent le métier de serrurier, de mécanicien d’usinage ou de maintenance.

Des bras ne sont-ils pas disponibles chez Arcelor­Mittal qui fait tourner ses unités de production au ralenti?

 «Sans dénigrer leur travail, les ouvriers d’ArcelorMittal ne sont pas forcément qualifiés pour fabriquer un garde-corps ou un escalier

Quelles sont les compétences requises?

«Ces métiers d’artisanat nécessitent des aptitudes manuelles qui ne sont pas données à tout le monde, une bonne représentation de l’espace. Il faut être courageux, savoir travailler par tous les temps. C’est un travail ingrat physiquement.

 Ingrat physiquement et dévalorisant socialement...

«On fait davantage de promotion pour les métiers des technologies nouvelles et du commerce. Les parents souhaitent que leurs enfants s’orientent en priorité vers des professions bien rémunérées. Les métiers manuels ne sont choisis que par défaut

Combien un jeune apprenti gagne-t-il?

«20% de plus que le salaire minimum, c’est-à-dire un peu moins de 2.000 euros bruts.

Les compétences sont pourtant rares...

«Les entreprises frontalières exercent une forte pression en travaillant à des prix de revient inférieurs aux nôtres. Nous devons nous adapter. La pression provient aussi de l’Etat lui-même, qui contribue au dumping social. Car conformément à la loi, il sélectionne toujours l’entreprise la «moins-disante» lors des appels d’offres et tire les taux horaires vers le bas. Or, notre activité provient à plus de 50% du secteur public. Ce ne sont pas les employeurs qui en paient les conséquences, mais les salariés. D’autres métiers, comme les garagistes, ne pâtissent pas de cette situation. Ils ne travaillent pas avec l’Etat et peuvent pratiquer des taux horaires compris entre 65 et 80 euros de l’heure, beaucoup plus élevés que les nôtres.

 Comment la formation des métiers du métal est-elle organisée?

 «Il y a sept ans, on ne formait plus aucun apprenti serrurier au Luxembourg. L’année suivante, le Lycée technique de Bonnevoie relançait la formation avec cinq ou six élèves seulement. Et pour la première fois cette année, l’apprentissage se fait sur trois sites – Bonnevoie, Esch et Wiltz – avec un total de 36 élèves. Il y a aussi un lycée privé à Dommeldange. La situation s’est améliorée grâce à une communication de longue haleine auprès des lycées techniques, de l’Adem, des services d’orientation professionnelle, des parents. En 2008, nous avons aussi réalisé un film qui a été diffusé dans tous les lycées pour promouvoir le métier. Nous sommes également présents depuis deux ans à la Foire d’automne. Il y a du mieux donc, mais cela ne veut pas dire que tout le monde va aller au bout du cursus. En plus, le niveau général recule. C’est une tendance qu’on est train de vouloir changer.

A partir de quel âge et sur quelle durée les études sont-elles suivies?

«L’apprentissage dure trois ans et débouche sur un Certificat d’Aptitude Technique Professionnelle (CATP). On peut commencer à 15 ans, mais dans les faits, les jeunes débutent plus tard. Le recours à l’immigration n’est-il pas une solution à la pénurie de main-d’œuvre? «Il y a des obstacles linguistiques. L’usage du luxembourgeois ou de l’allemand est souvent indispensable sur les chantiers.»