Margrethe Vestager et les services de la Commission européenne ont enquêté plus particulièrement sur deux structures d’Engie au Luxembourg. (Photo: capture d'écran / vidéo Commission européenne)

Margrethe Vestager et les services de la Commission européenne ont enquêté plus particulièrement sur deux structures d’Engie au Luxembourg. (Photo: capture d'écran / vidéo Commission européenne)

La Commission européenne poursuit son combat politique contre les pratiques fiscales qu’elle juge abusives et les aides d’État présumées. Après avoir ouvert une enquête approfondie en septembre 2016 à l’égard du groupe énergétique français Engie et ses structures luxembourgeoises, la Commission européenne a rendu son verdict ce mercredi. 

La commissaire européenne chargée de la politique de concurrence, Margrethe Vestager, s’est exprimée dans un dossier qui avait déjà fuité durant les derniers jours, laissant apparaître une demande de récupération de 120 millions d’euros d’impôts non payés formulée à l’égard de l’État luxembourgeois.

«Le Luxembourg a accordé des avantages fiscaux illégaux à Engie, a déclaré Margrethe Vestager. Ces décisions fiscales anticipatives ont avalisé deux structures de financement complexes, mises en place par Engie, qui traitent une même opération de manière incohérente, à savoir à la fois comme une dette et comme une prise de participation. La charge fiscale de l’entreprise s’en est trouvée artificiellement réduite. En conséquence, Engie a payé un taux d’imposition effectif sur les sociétés de 0,3% sur certains bénéfices au Luxembourg pendant une dizaine d’années. Ce traitement fiscal sélectif est illégal.»

Deux structures de financement intragroupe étaient au cœur de l’enquête de la Commission: Engie LNG Supply et Engie Treasury Management. Les deux rulings «ont artificiellement réduit la charge fiscale d’Engie au Luxembourg pendant une dizaine d’années, sans la moindre justification valable», estime la Commission.

Le gouvernement se défend

Dans une réaction publiée en fin de matinée, le gouvernement luxembourgeois par l’intermédiaire du ministère des Finances «convient que de telles situations, alors même qu’elles sont conformes à la lettre de la loi, ne correspondent plus à l’esprit actuel du cadre fiscal national et international.» 

Le gouvernement souligne «qu’il a collaboré pleinement avec la Commission tout au long de son enquête et qu’il partage l’objectif de la Commission de lutter contre l’évasion fiscale. Le Luxembourg adhère pleinement au projet Beps de l’OCDE et a activement soutenu l’adoption des directives Atad au niveau de l’Union européenne, dans l’esprit du “level playing field”. Le 15 juin 2018, le gouvernement a adopté un projet de loi transposant la directive Atad en droit luxembourgeois et modifiant des dispositions de la législation fiscale, avec l’objectif d’empêcher à l’avenir des situations telles que soulevées par la Commission.» 

Engie, Amazon et Fiat

Selon les règles en vigueur, l’État luxembourgeois devra récupérer le montant en question. 

Le communiqué du gouvernement souligne que les accords passés avec Engie étaient compatibles avec les règles à l’époque et qu’il n’est dès lors pas possible de parler d’aide d’État. Et d’ajouter que «le Luxembourg analysera la décision avec la diligence requise et réserve tous ses droits».

Une porte ouverte vers un appel de la décision, comme cela avait été le cas lorsque la Commission avait déclaré illégaux les rulings de Fiat au Luxembourg ainsi que ceux d’Amazon, contraignant dans ce cas la récupération de 250 millions d’euros.