Une des manifestants devant la Chambre des députés le 18 mai dernier à l'appel de GlobalTaxJustice. (Photo: Christophe Olinger / archives)

Une des manifestants devant la Chambre des députés le 18 mai dernier à l'appel de GlobalTaxJustice. (Photo: Christophe Olinger / archives)

Les travaux de la commission «taxe» du Parlement européen, mise en place après les révélations du scandale LuxLeaks pour faire le point sur la fiscalité des multinationales et leurs pratiques d’évitement fiscal, risquent de déboucher sur une impasse face à la défausse des principales «suspectes», les multinationales elles-mêmes.

L’audition publique programmée au Parlement européen à Bruxelles le 1er juin prochain (Marius Kohl, l'ex-Monsieur ruling du Luxembourg, y est attendu, avec un horaire un peu décalé - il doit être entendu de 16h40 à 18h avec l’ex-auditeur et lanceur d’alerte Antoine Deltour et Tove Maria Ryding de TaxJustice), prévoyait une sorte de table ronde avec les représentants de multinationales venues de différents pays et issues de plusieurs secteurs d’activité. 

Ainsi, 11 entreprises avaient été sélectionnées (Google et The Coca-Cola Company aux États-Unis, Fiat Chrysler Automobiles en Italie et au Luxembourg, Amazon aux États-Unis et au Luxembourg, Inbev en Belgique, Ikea en Suède, HSBC et Barclay Group au Royaume-Uni, Total et BNP Paribas en France et McDonalds Europe) et des contacts avaient été établis avec les dirigeants en vue du hearing public prévu en soirée.

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Selon des informations communiquées mercredi aux membres de la commission spéciale, les entreprises invitées ont décliné l’invitation sous divers prétextes.

Google a ainsi fait savoir qu’elle n’avait pas été en mesure de s’assurer la présence d’un représentant et s’en excusait tout en proposant à la commission spéciale de lui faire parvenir une prise de position sur la question des taxes.

Fiat Chrysler Automobiles juge que sa présence le 1er juin serait «non appropriée en la circonstance», alors qu’elle est au cœur d’une enquête des services de la concurrence de la Commission européenne pour aide d’État pour le traitement fiscal qui fut servi au Luxembourg. L’entreprise se dit d’ailleurs très confiante sur le résultat des investigations de Bruxelles et assure ne pas avoir obtenu la moindre aide d’État du Luxembourg contrevenant à la réglementation européenne.

Réponse presque identique d’Amazon, elle aussi dans le viseur de la Commission européenne, mais qui estime ne pas avoir reçu de traitement spécial du Grand-Duché. La compagnie juge également sa venue à Bruxelles «inappropriée».

Même son de cloche pour AB Inbev, le gouvernement belge étant au centre d’une enquête approfondie lancée par la Commission européenne. La multinationale de la bière adresse – et on ne sait pas s’il faut y voir de l’ironie – un message d’encouragement aux membres de la commission spéciale du PE pour l’accomplissement de leur «importante mission».  

Agenda et représentation

Peter Agnefjall, le CEO d’Ikea Capital BV, fait savoir pour sa part qu’en raison d’engagements antérieurs, il ne sera pas présent à la réunion de Bruxelles et qu’il ne lui sera pas possible non plus de dépêcher un autre représentant de la firme.  

Alan Keir, le patron de HSBC, regrette lui aussi de ne pas pouvoir dépêcher un «suitable representative», indique qu’il serait inapproprié pour la banque de commenter une question qui est actuellement au cœur d’une enquête pénale et du régulateur et demande la compréhension des eurodéputés.

La Coca-Cola Company n’a pas encore répondu à l’invitation lancée par le secrétariat de la commission spéciale.

Chez Total, ni le CEO Patrick Pouyanné ni le directeur financier ne peuvent dégager un créneau pour le 1er juin et proposent une réunion à une date ultérieure, tout en signalant que le groupe pétrolier n’a pas de ruling à son actif et n’est de ce fait pas en position de partager son expérience sur la question avec la commission spéciale.

Une réponse formelle de Pierre Lemierre, le patron de BNP Paribas, est attendue, mais il aurait fait valoir une participation pour le 23 juin prochain, à une nouvelle réunion publique de la commission spéciale.

L’agenda du CEO de Barclays Group, Anthony Jenkins, ne lui permettra ni d’être présent à l’audition du 1er juin ni à celle du 23 juin. La présence de Doug Goare, le président de MacDonald’s Europe, est elle aussi hypothétique.

L’un des rares invités à avoir d’ores et déjà confirmé sa présence est donc le lanceur d’alerte et ancien auditeur de PwC, Antoine Deltour. Un point d’interrogation pèse encore sur celle de l’ancien préposé de l’Administration des contributions directes au Luxembourg, Marius Kohl.